Règles budgétaires de l’UE : peut-on réellement parler d’austérité ?

Elio Di Rupo (PS) et Philippe Lamberts (Ecolo) - Belga Image
Baptiste Lambert

369 voix pour, 161 voix contre et 69 absentions. Les nouvelles règles budgétaires européennes ont largement été adoptées, mardi, au Parlement européen. Soutenues par les libéraux, les conservateurs et les sociaux-démocrates, elles feront leur retour le 1ᵉʳ janvier 2025. Les écologistes et la gauche radicale s’y sont opposés et criaient dès hier soir à l’austérité.

Une camisole de force”. L’eurodéputé Philippe Lamberts (Ecolo) a taclé les nouvelles règles budgétaires, “qui confisqueront tous les moyens financiers indispensables pour garantir un avenir économique, social et climatique en Europe”. En amont du vote, il y a quelques semaines, l’eurodéputé parlait carrément de “suicide collectif”. Sa collègue de parti, Saskia Bricmont (Ecolo), qualifiait le nouveau carcan budgétaire de “HONTE : la droite et des socialistes européens se sont prononcés en faveur de l’AUSTÉRITÉ !“.

En Belgique, les socialistes s’y sont pourtant opposés. Elio Di Rupo (PS), ministre-président de la Wallonie, l’une des régions les plus endettées d’Europe, a lui évoqué “l’austérité imposée par l’UE” qui “nous conduit à un désastre !“.

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L’effort pour notre pays sera conséquent. Il a été évalué à 5 milliards d’euros par an, par la secrétaire d’État au Budget, Alexia Bertrand (Open Vld). Il s’agira même de l’effort le plus important depuis les années Dehaene, il y a près de 30 ans. On parle d’un effort total de 30 milliards d’euros pour retrouver un niveau de déficit de 3%. Austérité ? Ce qui est une certitude, c’est que cet effort nous interdira à raser gratis : vous pouvez oublier les trop belles promesses de campagne électorale.

Mais peut-on parler d’austérité, quand l’État fédéral et les entités fédérées tirent une dette de 105% du PIB et un déficit de 4,4% ? Peut-on parler d’austérité quand cette dette risque de déraper à 119% avec un déficit de 6,3% en 2029, à politique inchangée ? Peut-on parler d’austérité, quand l’État compte environ 300 milliards d’euros de dépenses publiques, soit 54,6% du PIB, le deuxième taux le plus important de la zone euro après la France ? Peut-on parler d’austérité quand les dépenses publiques ont augmenté de 13% du PIB depuis 1990 (78 milliards d’euros) alors que les revenus n’ont augmenté que de 6,3% (38 milliards d’euros) ?

Les règles ont changé

L’austérité aurait consisté à conserver les mêmes règles budgétaires, sanctions à la clé. L’effort pour revenir aux 3% et au 60% aurait été titanesque. Ici, le nouveau carcan budgétaire, qui conserve certes les mêmes seuils, est un chemin balisé propre à chaque État, en fonction de ses capacités. L’objectif premier est de rendre sa dette soutenable. Pour cela, l’État pourra disposer d’un plan sur 4 ou même 7 ans, moyennant des réformes structurelles. Les nouvelles règles budgétaires n’installent pas une obligation d’austérité, mais une obligation de réformes.

Avec des taux nuls, voire négatifs, écologistes et socialistes belges marqueraient sans doute un point : les défis numériques, énergétiques et environnementaux ne manquent pas et nécessitent de lourds investissements. Le problème, on l’a vu ces dernières années avec le Plan de relance, les mesures de soutien énergétique ou le Green Deal, c’est que les politiques de l’argent gratuit créent une forte inflation, ce qui oblige la Banque centrale européenne à lever ses taux. Des taux qui pèsent alors sur la dette. En Belgique, la charge d’intérêt sur la dette devrait s’élever à près de 11 milliards d’euros en 2025. C’est plus que les budgets de la justice, de la police et de la défense réunis.

Les années crises ont initié un lourd dérapage qu’il faut aujourd’hui contrôler. Il n’est pas question de désinvestir, mais de dépenser plus intelligemment. Après tout, nos dépenses pléthoriques ne nous ont jamais porté en haut des classements des investissements publics.

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