Olivier Mouton
Notre démocratie est malade
Méfiance des électeurs face à un personnel politique décrédibilisé, mini-scandales, manque de vision…: il faut prendre soin de notre démocratie.
Ce sont des chiffres qui font frémir, à un peu plus d’un an des élections. Selon le dernier baromètre Le Soir/RTL/Ipsos, sept Belges sur dix se disent “méfiants” de la politique, quand ils ne sont tout simplement pas “dégoûtés”.
Les partis d’extrême droite et d’extrême gauche en tirent profit: le Vlaams Belang est premier en Flandre, séduisant un électeur sur quatre, tandis que le PTB est à deux doigts de devenir le premier parti à Bruxelles, tout en confirmant son ancrage en Wallonie. La perspective d’un pays ingouvernable au lendemain du scrutin de 2024 se rapproche chaque jour davantage, même si – en l’état des projections – des majorités démocratiques restent possibles.
“La Belgique de la honte” si le titre de notre dossier est évidemment fort, il traduit ce sentiment selon lequel nos dirigeants donnent trop souvent le bâton pour se faire battre.
Les avantages entre amis
Le récent scandale des pensions illégales et exorbitantes à la Chambre conforte le sentiment d’une caste qui sert ses propres intérêts, après trop d’autres “affaires” qui restent dans les mémoires. Cet avantage octroyé pendant des années, sans que les partis au pouvoir ne bronchent, est perçu de façon d’autant plus violente que l’effort budgétaire annoncé au fédéral rogne sur la dernière tranche d’augmentation de la pension minimum. On ne parle “que” d’une petite dizaine d’euros, mais l’effet est désastreux.
La zizanie permanente
Les disputes entre partis, incessantes depuis le début de la législature, donnent également une piètre image de la vie publique auprès d’une population déboussolée. L’ère des crises à tous les étages nécessiterait au contraire une vision cohérente et partagée au sein des gouvernements. Le bras de fer surréaliste au sujet de la création d’une faculté de médecine, qui a failli faire tomber une Fédération Wallonie-Bruxelles au bord de la faillite, était de cet acabit: elle était due à un bras de fer politico-psychologique entre ténors du Hainaut.
Au même moment, la décision prise par une multinationale de ne pas implanter de Legoland à Charleroi a ravivé le débat sur une relance wallonne manquant de cohérence. Depuis tant d’années…
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Où est la vision à long terme ?
Bien sûr, nos dirigeants ont maintenu le navire à flot pendant les crises gigantesques du covid ou de l’inflation. Mais le manque de vision à long terme est criant, empêché par les considérations électorales ou les baronnies locales, alors que le vieillissement de la population, le défi climatique et la transition énergétique, le péril budgétaire, la révolution de l’intelligence artificielle ou les menaces sur la démocratie sont des enjeux vitaux. A-t-on le droit de se déchirer au sujet du sexe des anges?
“La particratie belge est malade”, dénonce Maxime Prévot, président des Engagés, qui critique des présidents de partis devenus “générateurs de problèmes”.
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Georges-Louis Bouchez (MR) et Paul Magnette (PS) en ligne de mire. “Je vois de plus en plus les politiques comme des freins à des réformes indispensables”, peste Jean Hindriks, président de l’Economics School de l’UCLouvain. “Notre démocratie parlementaire s’attarde trop aux intérêts partisans pour des gains mineurs, en perdant de vue la vision stratégique”, clame Pierre Mottet, président de l’Union wallonne des entreprises, qui craint le retour de nos vieux démons communautaires.
Il faut battre le rappel et mobiliser d’urgence tous les démocrates afin qu’ils prennent leurs responsabilités, s’il est encore temps. “Si on n’a pas la capacité de dire stop et d’avoir un sursaut, on court à notre propre perte”, prédit Maxime Prévot. L’urgence est là. Le compte à rebours a débuté en vue des élections de 2024.
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