Olivier Mouton
Energie: après l’accord, quelle stratégie?
Voilà notre avenir énergétique sécurisé, à court terme du moins. Le Premier ministre, Alexander De Croo (Open Vld), a poussé un soupir de soulagement: l’accord nucléaire signé avec Engie, au bout d’une âpre négociation, permet la prolongation des réacteurs Doel 4 et Tihange 3 pour 10 années supplémentaires. Une nécessité absolue.
Le contre-la-montre est désormais entamé, car il manquera 2 GW pour l’hiver 2025-2026 selon Elia, et seule une prolongation effective de ces deux réacteurs comblera le trou: cela signifie que les travaux nécessaires à leur prolongation devront avoir lieu alors qu’ils tournent… Mais le pire est évité: un blocage pur et simple.
Pour Engie, qui a recentré sa stratégie sur le renouvelable, cet accord nucléaire lève les incertitudes. “Nous nous protégeons des changements pour l’avenir”, s’est félicité son CEO belge, Thierry Saegeman. Le principal écueil des discussions était le montant à provisionner pour la gestion des déchets nucléaires. Verdict final: 15 milliards d’euros.
C’est une bonne opération pour le géant français, qui a rebondi en Bourse. Pour l’Etat belge, on verra avec le temps si cette estimation se révélera confortable… alors que le processus de traitement des déchets n’a pas encore été décidé. En outre, il s’agira pour nos responsables politiques de bien gérer cette manne qui lui est confiée. Un pari sur l’avenir, car les précédents de “fonds”, pour le vieillissement notamment, ne rassurent pas.
Une certitude: la stratégie énergétique crédible pour l’avenir reste à écrire. La Belgique a certes entamé ou prolongé des chantiers importants: déploiement du renouvelable et de l’éolien offshore en mer du Nord, investissements stratégiques sur l’hydrogène vert… Notre pays a également mis en place un mécanisme dit “de rémunération de capacité” (CRM) visant à garantir la sécurité d’approvisionnement en compensant le caractère intermittent du renouvelable.
Mais il reste des fragilités coupables car la demande en électricité va exploser en raison du basculement du parc automobile, puis du chauffage des bâtiments. On parle d’une hausse attendue de quelque 80%. Le rythme de déploiement actuel est trop lent, beaucoup trop lent.
Le vrai débat, c’est celui du coût que l’on est prêt à consentir pour continuer à consommer tout en préservant la planète…
L’objectif, à l’horizon 2050, reste le 100% renouvelable. Mais le chemin pour y arriver sera parsemé de mines. Le travail du prochain gouvernement consistera donc à… déminer. Voilà pourquoi le dossier énergétique doit être une priorité de la campagne électorale qui s’ouvre en vue du scrutin de juin 2024. Misera-t-on sur des centrales thermiques au gaz comme initialement envisagé? C’est l’option privilégiée par Engie et décidée lors de la confection du premier CRM.
Mais le gaz n’est pas encore “vert” et, surtout, il reste sous tension sur les marchés. “Dans un scénario où l’économie chinoise est très forte et où l’hiver est rude, nous pourrions assister à une forte pression à la hausse sur les prix du gaz”, prévient déjà l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
Prolongera-t-on davantage de réacteurs nucléaires avant de miser sur les petits réacteurs du futur? C’est une autre option, sachant que le risque pour la sécurité doit être savamment pesé et que le déploiement des réacteurs du futur s’avère lent et coûteux.
Au bout du compte, on risque toutefois de se rendre compte que la stratégie énergétique future devra miser… sur tout cela à la fois, en plus d’une sobriété choisie. Le vrai débat, explosif, sera alors celui du coût que l’on est prêt à consentir pour continuer à consommer tout en préservant la planète…
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