Bruno Colmant

Une brûlante inquiétude écologique

Bruno Colmant Economiste. Professeur à la Vlerick School, l’ULB et l'UCL.

Comme les températures sont « de saison », on parle moins d’écologie en Belgique, et on parle à peine de la France qui va devoir rationner l’eau.

Pourtant, le problème reste entier et l’habitabilité de la planète est en jeu. La dette climatique et environnementale devient exigible. Le changement climatique anthropique, c’est-à-dire créé par les humains, pourrait entraîner un effondrement de la société humaine. Il s’agit donc de sauvegarder l’écosystème dont dépend la vie humaine. C’est aussi dans les pays pauvres que les impacts les plus dramatiques du dérèglement climatique se feront sentir parce qu’ils affecteront les conditions mêmes de la survie de leur population.

En avril 2022, le GIEC note que les inégalités dans la distribution des émissions des gaz à effets de serre et dans la répartition des contraintes liées aux politiques de lutte contre le changement climatique affectent la cohésion sociale et nuisent à l’acceptabilité des politiques environnementales.

Depuis Islamabad, capitale du Pakistan affectée par des inondations catastrophiques, le Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres lança, à l’été 2022, un appel mondial à arrêter la folie des énergies fossiles, se référant à un suicide collectif de guerre contre la nature. Il est incontestable que les économies riches du nord planétaire sont les plus responsables de la crise écologique, car leur consommation d’énergie et de ressources est excessive. La croissance du Nord repose sur une large appropriation et dégradation du Sud.

Chaque jour me rend plus inquiet et consterné, car nous sommes peut-être devant les silences qui précèdent les grands périls. Depuis des années, nous savons que le paroxysme des déséquilibres climatiques, environnementaux, migratoires (entre pays vieillissants et pays en explosions démographiques, mais aussi entre pays différemment affectés climatiquement), sociaux, etc. se situe en 2030 au plus tard.

Je recommande à cet égard la lecture de l’ouvrage « 2030, le krach écologique », rédigé en 2008 par Geneviève Ferone et dont toutes les hypothèses prudentes s’avèrent rétrospectivement trop optimistes. Cette spécialiste explique que nous modifions notre environnement plus rapidement de notre capacité à le comprendre et à en projeter les conséquences. Et, à une génération, nous allons devoir faire face à des fronts qui se dressent devant nous et sont corrélés, dans les domaines suivants : climatique et environnemental, énergétique, et démographique. Incidemment, elle considère que la foi dans le projet technologique comme instrument salvateur des échéances courtes qui nous font face relève de la pensée magique. Mais le krach écologique nous sidérera avant 2030. Et nous serons confrontés à des périls que nous avions pourtant collectivement pressentis, mais auxquels, individuellement et secrètement, nous croyions avoir échappé. À tort.

Et, pour partager une digression émotive, je ne peux plus supporter les verbiages des nantis censeurs, souvent âgés, aux sourires grimaçants, et repus de leur fortune, qui invoquent l’inventivité humaine pour disqualifier les problèmes climatiques et environnementaux. On ne peut plus, aujourd’hui, opposer le génie infini de l’ingéniosité humaine à la finitude des ressources.

Or la transition climatique ne sera pas heureuse. La vérité scientifique, c’est qu’elle sera très coûteuse en termes de bien-être, tel que nous le considérons actuellement.

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