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TikTok : une drogue chinoise couverte par l’hypocrisie de nos politiques

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

Tout le monde sait que les réseaux sociaux sont des armes de destruction massive de notre attention et encourage le mal-être de nos adolescents. Mais rien ne bouge puisque cela arrange le business et nos politiques.

Et si aujourd’hui, nous parlions du business de l’attention, notre attention, de l’hypocrisie de nos politiques et du mal-être de nos adolescents. Un mal-être documenté et bien connu hélas. Le Financial Times la bible du monde des affaires vient encore d’y consacrer une enquête. Une enquête qui révèle que le côté addictif des réseaux sociaux provoque de plus en plus de dépressions et de suicides chez nos jeunes. Ainsi aux Etats-Unis, les suicides des jeunes de 10 à 19 ans ont bondi de plus de 45% en 10 ans. Les études académiques citées par le Financial Times montrent qu’il y a effectivement une corrélation entre l’utilisation intensive des réseaux sociaux et les soucis d’alimentation, d’angoisse ou de dépression.  

Tout le monde sait que ces réseaux sociaux sont des armes de destruction massive de notre attention et créent de la dopamine mortelle pour notre concentration. Pourtant rien ne bouge, car le business s’y retrouve. Et en sachant que le gaming est l’un de secteurs économiques les plus florissants, il y a de quoi s’interroger sur la décadence de nos sociétés. Mais le business n’est pas le seul à s’y retrouver. Les politiques aussi. De quoi s’étonner d’une certaine hypocrisie forcée chez nos politiques. Aux Etats-Unis, en Europe, en France, en Belgique, on bannit l’appli TikTok des téléphones des fonctionnaires et des politiques, sous le prétexte que TikTok est une société chinoise et qu’elle va détourner nos données numériques au profit du parti communiste chinois.

Mais si tel était vraiment le cas pourquoi nos politiques, y compris en Belgique, prennent-ils un portable privé dans lequel ils gardent bien au chaud leur appli TikTok ?  La réponse est simple et cynique : la jeune génération est sur TikTok et s’informe sur cette appli. Et ne pas y être, c’est en quelque sorte se suicider politiquement, surtout à un an des élections en Belgique. Ce constat explique la double contorsion des politiques. Avec d’un côté notre Premier ministre qui interdit cette appli pour les fonctionnaires, et de l’autre côté, la plupart des présidents de parti qui y sévissent presque tous les jours. Et ce qu’ils soient de gauche, d’extrême gauche ou d’extrême droite.

En soi rien de plus normal, puisque la politique c’est l’art d’être là où sont les gens, comme le disait un spécialiste des réseaux sociaux. Un peu comme ils allaient sur les marchés matinaux pour rencontrer leurs électeurs. C’est d’autant plus normal que comme les jeunes sont en désamour avec la politique, la seule manière de les toucher, c’est d’aller sur leurs cours de récréation.

Il n’empêche que cette hypocrisie est encore plus flagrante aux Etats-Unis. Là-bas, les députés et sénateurs ont auditionné vertement et en direct le patron de TikTok. Ils ont posé des questions très dures dont ils n’écoutaient même pas les réponses. Ils l’ont interrompu à tout bout de champ.  Le patron de TikTok a eu beau dire que sa femme était née aux Etats-Unis, qu’il n’était pas chinois, qu’il venait de Singapour, qu’il avait étudié aux Etats-Unis et qu’il était prêt à donner des tas de garanties, rien à faire,… TikTok est considéré comme le mal absolu aux Etats-Unis. Ou tout du moins en façade.  Car à en croire un article de l’agence d’information Bloomberg malgré tout ce cinéma parlementaire, la probabilité que les Etats-Unis interdisent TikTok avant les élections de 2024 est nulle.

Pourquoi ? Parce que 150 millions d’Américains l’utilisent et surtout les jeunes.  Or il se trouve que c’est un électorat très important pour les Démocrates. Ces derniers ne vont donc pas se tirer une balle dans les pieds. Alors oui on fait un peu d’esbroufe, mais au final, il ne fera rien.

Je m’étonne donc, comme d’autres spécialistes de cette hystérie autour de TikTok. Après tout YouTube, Méta, Instagram, Snapchat sont aussi perturbants pour notre jeunesse. La drogue, c’est de la drogue. Dès lors, pourquoi vouloir bannir la chinoise et laisser écouler dans nos rues la drogue Made in America ? Sa nationalité ne la rend pas moins toxique.

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