Typhanie Afschrift

Mieux rémunérer l’épargne: “Etatiser le crédit n’a jamais été une solution”

Typhanie Afschrift Professeure ordinaire à l'Université libre de Bruxelles

Nombreux sont ceux qui s’étonnent. Les taux d’intérêt augmentent fortement depuis quelques mois. Les banques perçoivent donc des bénéfices plus importants provenant de leurs investissements et des crédits qu’elles accordent, y compris aux particuliers. Et pourtant, la quasi-totalité d’entre elles, en Belgique, ne modifient pas de manière significative les intérêts qu’elles paient aux épargnants.

Le Premier ministre veut du changement, que les autorités de contrôle se refusent à imposer. Et l’on voit par conséquent des politiques plaider pour l’instauration d’un plancher de taux d’intérêts que les banques seraient tenues de respecter. Il est douteux que la solution se trouve à ce niveau.

Ce genre de réaction est typique de notre époque et de la politique dans nombre de pays européens. Dès qu’un problème se présente, on part de l’idée que c’est l’Etat qui doit le résoudre par de nouveaux règlements, des systèmes de régulation supplémentaires et donc par la voie de la contrainte. Tout ce qui arrive dans le pays devrait être réglé par l’Etat, comme s’il était plus efficace que les entreprises présentes sur le marché.

Quelle concurrence ?

On admettra qu’il est étrange que les banques, dans un bel ensemble, se refusent à augmenter les taux, dont elles bénéficient pourtant par ailleurs. Surtout, sur un marché où elles sont censées être en situation de concurrence, on comprend mal pourquoi l’une d’entre elles n’essaie pas d’attirer des dépôts plus importants en proposant un taux d’intérêt qui, de toute façon restera très nettement inférieur à ce qu’elle perçoit par ailleurs sur ses crédits. On a l’impression que la concurrence ne joue pas correctement et s’il s’agit d’un accord pour léser le consommateur, en l’occurrence l’épargnant, l’autorité doit pouvoir agir sur la base des règles de concurrence existantes.

Etatiser le crédit n’a jamais été une solution, partout où l’on a essayé cette formule.

Mais il n’est pas certain que le problème se situe là. Le marché de l’épargne, aujourd’hui, a dépassé les frontières nationales et rien n’empêche les épargnants de s’adresser à des banques étrangères, à condition de déclarer les revenus qu’elles en tireront. Sur les marchés étrangers, il est parfois possible d’obtenir des taux d’intérêt nettement plus importants, y compris dans des entités qui ont un nombre significatif de clients belges. Si ceux-ci s’orientaient vers ce type de dépôts, il y aurait sans doute de quoi réveiller les banques belges, qui n’acceptent peut-être pas les principes de la libre concurrence.

Hyper-contrôle

Pour le reste, d’excellents économistes comme Bruno Colmant nous expliquent qu’aujourd’hui, les banques sont déjà, de fait, quasiment nationalisées. Certes, les Etats en possèdent rarement des participations, mais ils contrôlent pratiquement tout ce qu’elles font, tant les contraintes sont lourdes: régulation souvent tatillonne, Etats emprunteurs quasiment obligés et souvent en risque de défaut de paiement, risque de sanctions extrêmement lourdes en cas de manquements à de multiples réglementations souvent imprécises, comme en matière de blanchiment, risques de sanctions sur les dirigeants pour des quantités de motifs divers, obligation de faire agréer leurs produits et de recueillir gratuitement des informations à fournir aux Etats, notamment en matière fiscale, etc.

Les banques, aujourd’hui, sont soumises à un contrôle étatique dans presque tous les domaines. Si l’on devait en plus réglementer leurs taux d’intérêt, c’est-à-dire le coût de leur financement, on se demande en quoi il s’agirait encore d’entreprises. Pourtant, étatiser le crédit n’a jamais été une solution, partout où l’on a essayé cette formule. C’est au contraire la meilleure manière d’anesthésier ceux qui, dans ce pays, ont encore quelque volonté d’entreprendre.

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