Robert Van Apeldoorn

Les rêves et les illusions autour des e-fuels

Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

Les e-fuels pourraient constituer une alternative aux motorisations électriques des autos à partir de 2035? L’Allemagne et l’Italie le pensent. Mais il ne faut pas se faire trop d’illusion.

Les réticences de l’Allemagne et de l’Italie sur le projet d’interdire les autos à carburant à partir de 2035 ont fait naître quelques espoirs. Ces pays ont obtenu le report du vote final de la décision qui revient à imposer le passage à la voiture électrique. Cela ne signifie nullement que les autos diesel ou l’essence continueront à se vendre en 2035 et au-delà. Tout au plus le processus de décision pourrait-il connaître des prolongations.

En fait l’Allemagne et l’Italie souhaitent que la directive limitant la vente des autos et utilitaires légers à des motorisations zéro émission, inclue les carburants synthétiques propres, au nom de la neutralité technologique.

Les pétroliers et plusieurs constructeurs (dont Porsche) misent sur ces carburants pour que les 6 ou 8 cylindres restent sur les routes, avec l’argument que leur bilan carbone est neutre. Il est en effet possible de produire un carburant liquide au départ de CO2 capté et d’hydrogène vert (produit par de l’électricité renouvelable), qui peut faire tourner un moteur à carburant. Cet e-fuel n’est pas zéro émission à l’usage. L’argument de ses défenseurs est qu’il est neutre sur l’ensemble du cycle production/consommation : le CO2 émis en roulant serait totalement compensé par l’utilisation de CO2 capté dans la fabrication de ce carburant.

Plus cher que l’essence

De là à imaginer qu’il suffira de remplacer les carburants aux pompes pour que rien ne change, il y a un pas que personne n’ose franchir. Et pour cause : ce carburant n’est pas encore commercialisé. Son coût pourrait s’avérer nettement plus élevé que de l’essence, car rien n’est moins cher qu’un carburant d’origine fossile. Il pourrait surtout concerner des modèles de voitures d’un certain prix. Ce n’est pas un hasard si Porsche ou Ferrari sont les défenseurs de cette solution, leur ADN est étroitement lié au ronflement de beaux moteurs à carburant.

Tous les constructeurs ne sont pas intéressés par les e-carburants. Beaucoup préfèrent centrer leurs investissements sur une seule technologie (la traction électrique) et ont annoncé qu’ils arrêteront de sortir les modèles à carburant avant 2035. C’est le cas de Volvo, du groupe VW, de Ford. Aussi du groupe Stellantis (Peugeot, Citroën, DS, Fiat, Chrysler, Jeep,…), alors que son patron, Carlos Tavares, tient régulièrement des propos très critiques contre l’électrification forcée. Dans les faits Stellantis mise tout sur l’électrification.

La transition vers l’électrification est remplie d’incertitudes, sur le prix des voitures encore élevé, la disponibilité des bornes, la compétitivité de l’industrie européenne, mais elle a démarré depuis une décennie. L’e-fuel reste encore une affaire de laboratoire. Il se peut que d’ici 5 ans, avec le développement du marché et de l’industrie,  l’auto électrique sera plus compétitive par rapport aux voitures à carburant. Et que les e-fuels, s’ils sont pris en considération par l’UE comme carburant zero-emission, ne pourraient guère occuper qu’une place marginale.

Il se peut aussi que rouler en auto, en électrique ou autrement, sera nettement plus cher d’ici 5 ou 10 ans, mais c’est une autre histoire…

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