Amid Faljaoui

Les œufs de Pâques au prix du caviar ?

Les amateurs de chocolat risquent de payer d’ici peu un peu plus cher leur péché de gourmandise, tant les cours du cacao et du sucre se sont envolés ces derniers mois.

Les prix du cacao ont explosé en moins d’un an et demi. Ils tutoient aujourd’hui la barre des 9000 euros la tonne. De quoi stresser les chocolatiers à la veille de Pâques qui, je le rappelle, représente bien souvent 10% de leurs ventes annuelles. La tablette de chocolat va-t-elle devenir un produit de luxe ou les industriels vont-ils changer sa composition – la dégrader donc – pour calmer les prix ? Pour le moment, personne ne peut répondre à ces questions et les grands industriels du secteur restent muets sur leur stratégie de prix pour 2024. La seule marque à être sortie du bois, c’est le chocolatier suisse Lindt qui a annoncé des hausses de prix pour 2024 et 2025.

Qu’est-ce qui provoque cette hausse du prix du cacao et du sucre?

Dans le cas du cacao, la spéculation joue un peu. Mais dans les deux cas, c’est surtout le réchauffement climatique qui impacte les prix mondiaux. Pour le cacao, deux pays (la Côte d’Ivoire et le Ghana) fournissent à eux seuls 60 % des fèves mondiales. Et, pas de bol pour ces deux pays, des pluies diluviennes ont fait pourrir le cacao avant que la sécheresse ne plombe le rendement des plantations. Pour aggraver la situation, les conditions climatiques en Inde ont également joué contre la production de sucre. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Si notre gourmandise préférée risque de nous coûter plus cher, ce n’est pas uniquement à cause du climat. L’homme y joue aussi un rôle. A mieux y regarder, l’œuf de Pâque que vous allez acheter d’ici quelques jours est un véritable concentré d’un cours d’économie politique. De l’économie de base qui s’invite dans notre quotidien au travers de notre faiblesse pour le chocolat.

Vous avez d’un côté un réchauffement climatique qui provoque une baisse de la production. Ce qui à son tour provoque mécaniquement une hausse des prix, puisque ce qui est rare est cher. Et de l’autre côté, on retrouve les raisonnements humains. Les grands groupes chocolatiers n’améliorent pas la rémunération des planteurs. Comme ils ne s’investissent pas dans leur formation, les planteurs sont moins nombreux. Avec pour résultat que les jeunes se détournent du cacao et préfèrent cultiver du manioc plus rentable. Ce qui là aussi fait que l’offre diminue encore et que les prix augmentent de façon mécanique. Ce principe de base de l’économie s’applique aussi à l’Inde. Les broyeurs de cannes à sucre ont vu le coût des carburants bondir et ont vite compris l’intérêt qu’ils avaient à produire de l’éthanol, bien plus rentable que la production de sucre.

Néanmoins les distributeurs s’approvisionnent plusieurs mois à l’avance, soit avant le dérapage des prix. Si les prix du chocolat augmentent, ce sera donc sans doute plutôt en fin d’année qu’à Pâques.

Si le prix de votre barre chocolatée doit rester sensiblement le même en 2024, sa taille risque peut-être de changer. Il est possible que les industriels jouent la carte de la « shrinkflation » en commercialisant des tablettes plus petites au même prix. À moins que ces mêmes industriels ne changent la composition de la tablette. Une manière polie de dire qu’ils vont dégrader la qualité de l’offre en remplaçant le cacao par d’autres matières végétales moins nobles. Est-ce que cela freinera l’envie de chocolat ? Je n’en suis pas sûr. Comme le disait Coluche, « le chocolat, c’est l’ennemi. Mais c’est bien connu, c’est lâche de fuir devant l’ennemi».

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