Amid Faljaoui

Les bus Van Hool, Bonaparte et les leçons à en tirer pour la Wallonie

En Flandre, même les médias qui ont une fibre sociale avancée se posent la question de savoir s’il faut vraiment sauver Van Hool, vu la très mauvaise gestion de la famille. Tant de lucidité force l’admiration. Surtout que, chez nous, en Wallonie, face un scénario similaire, le ministre de l’Économie aurait été pressé de toutes parts pour sauver sans trop discuter ce fleuron.

Et si nous parlions de la Flandre ? Mais à nouveau pour faire la comparaison avec la Wallonie. Au moment d’écrire ces quelques lignes, le fabricant d’autobus et d’autocars Van Hool, l’un des fleurons industriels de la Flandre était au bord de la faillite. Pour éviter cette déconfiture, la direction de cette société comptait licencier plus d’un millier de personnes et aurait en même temps délocalisé sa fabrication d’autocars en Macédoine du nord, coûts salariaux obligent. Evidemment, à moins de trois mois des élections fédérales et régionales, ce n’est pas une super nouvelle pour le gouvernement flamand. Dans un mouvement quasi pavlovien, une partie du patronat flamand a pris prétexte de cette possible faillite pour en conclure que les difficultés de cette icône de l’industrie flamande est le résultat des coûts salariaux, des coûts de l’énergie trop élevés en Belgique, et sans oublier, bien entendu, de l’accumulation de réglementations “vertes” nuisibles à un business confronté à la concurrence internationale.

Est-ce faux ? Non, mais le réflexe ne doit pas remplacer la réflexion. D’ailleurs, la presse flamande a bien joué son rôle et pointé du doigt l’origine des maux de Van Hool qui sont d’abord…. internes. La société familiale est mal gérée depuis des lustres, elle est en proie à des querelles intestines entre les héritiers de la troisième génération. Et reconnaissons-le aussi, la direction de Van Hool n’a pas su anticiper, ratant le virage de l’électrification. C’est l’éléphant au milieu de la pièce qu’elle n’a pas vu pendant que la famille se déchirait pour des questions d’argent.

Alors que l’emploi de plus de 2.000 personnes est en jeu, le gouvernement flamans, à l’heure où j’écris ces lignes, garde malgré tout l’espoir modéré de sauver cette entreprise. A vrai dire, je ne sais pas si c’est de l’autohypnose ou de la poudre aux yeux médiatique. Mais, direz-vous, quel est le rapport de cette triste affaire avec la Wallonie ? Simple : en Flandre, même les médias qui ont une fibre sociale avancée se posent la question de savoir s’il faut vraiment sauver ce fleuron, vu la très mauvaise gestion de la famille qui est aux manettes.  Avouez que c’est un fait assez rare pour ne pas l’épingler. Tant de lucidité force l’admiration.

Chez nous, en Wallonie, face un scénario similaire, le ministre de l’Economie aurait déjà été convoqué depuis belle lurette par les syndicats. Il aurait été pressé d’agir par les médias et les outils de financement seraient déjà mis sous haute pression pour qu’on sauve ce fleuron sans trop discuter. Aveuglé par le court terme, le citoyen wallon aurait applaudi des deux mains au sauvetage mais le contribuable – qu’il est par ailleurs – aurait grimacé plus tard en lisant sa déclaration d’impôt. Vive la schizophrénie !

Au fond, c’est quasi culturel, au sud du pays, au moindre bobo médiatique, certaines entreprises se précipitent dans les jupes de l’Etat nounou, sans se poser la question de leur propre responsabilité. En l’occurrence, ici une entreprise très mal gérée par ses propriétaires. Bien entendu, je ne peux pas préjuger de l’avenir, mais si même la presse et les politiques restent relativement sereins en Flandre, c’est parce qu’il y a une grande différence entre la Flandre et la Wallonie. Laquelle ? En Flandre, le chômage est au plus bas, et de l’avis unanime, les ouvriers licenciés des bus Van Hool retrouveraient en quelques mois un nouveau job. Et qui plus est dans leur région !

Pareil scénario n’est pas nouveau, les ouvriers de Ford Genk ont pu se recaser sans difficulté il y a quelques années déjà. Hélas, nous n’avons pas la même chance en Wallonie. Mais soyons honnêtes, est-ce une chance ou est-ce une moins bonne gestion des deniers publics de tous nos partis politiques wallons confondus ? Est-ce une chance ou surtout une différence culturelle entre le nord et le sud de notre beau pays ? J’espère de tout cœur que c’est un problème de gestion, car si c’est un problème culturel, il faudra deux générations pour la modifier.

Bonaparte avait, dit-on, convoqué l’un de ses généraux pour qu’il plante des arbres le long des grandes routes qu’arpentaient ses soldats. L’idée était d’éviter qu’ils ne soient aveuglés par le soleil lors de leurs déplacements en France. Le général assez interloqué répondit qu’il fallait 20 ans pour qu’un arbre atteigne la bonne taille. Et Bonaparte de lui répondre sèchement : “Raison de plus, imbécile, pour démarrer immédiatement”. J’espère que nos politiques wallons et bruxellois connaissent cette anecdote.

 

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