Amid Faljaoui
Les banques belges sont-elles vraiment trop radines ?
Les hommes et femmes politiques en Belgique ont trouvé un ennemi commun : votre banquier.
C’est un ennemi facile dans le sens où la plupart des citoyens se posent la question de savoir pourquoi, alors que les taux d’intérêt augmentent en Europe et dans le monde, l’épargnant belge est-il scotché avec un rendement minimal de 0.11% sur son livret d’épargne depuis plusieurs années. Ce citoyen comprend encore moins l’attitude des banquiers, car il constate que la plupart d’entre eux réduisent leurs services et qu’ils rendent payants des services jadis gratuits. Sans compter que toutes les banques affichent des profits records et parfois même historiques.
Les politiques qui d’habitude se battent entre eux ont compris qu’ils avaient là une occasion unique de se mettre les citoyens de leurs côtés. Le ministre des Finances s’est donc permis d’envoyer une lettre au secteur bancaire pour lui demander de relever le rendement du compte d’épargne. Il est appuyé par le parti socialiste flamand qui dit ne pas comprendre pourquoi le coût des crédits hypothécaires a augmenté et pas celui des comptes d’épargne. Même des économistes très écoutés comme l’économiste flamand Paul De Grauwe, pourtant libéral sur le plan économique, a aussi indiqué qu’il fallait que les banques fassent un effort pour mieux rémunérer l’épargne des Belges.
Vu comme ça, on se dit que les banques vont réagir. C’est ce qu’elles ont fait, mais en maintenant leur position. Leur ligne de défense pour ne pas augmenter le rendement des comptes d’épargne est assez simple. A un moment donné : entre juin 2014 et juillet 2022, les banques belges, comme toutes les banques européennes, ont dû payer les dépôts qu’elles faisaient quotidiennement à la banque centrale européenne. En clair, si une banque belge avait un excédent, elle devait le déposer auprès de la banque centrale européenne qui lui imposait un taux d’intérêt négatif. L’idée était de forcer les banques à prêter cet argent plutôt qu’à le déposer. Ce taux négatif, les banques ne le répercutaient pas aux clients belges qui gardaient un taux faible de 0.11%, mais un taux positif quand même. Ca c’est pour le discours « regardez-moi, moi banquier, j’ai été généreux avec vous pendant des années, et vous, citoyens, vous avez tout oublié ».
Le deuxième argument des banquiers, c’est que si vous augmentez aujourd’hui le rendement des comptes d’épargne, vous devez augmenter tous les comptes d’épargne d’un seul coup. Et comme les Belges ont 300 milliards d’euros en compte d’épargne, une augmentation de 1% sur ces comptes coûterait donc aux banques 3 milliards d’euros. Le citoyen rétorquera et alors : « vous vous y retrouvez dans la hausse du taux d’intérêt des prêts hypothécaires ». Le banquier vous répondra, et à juste titre : « oui, mais cette hausse des taux n’est valable que pour les nouveaux crédits hypothécaires, ceux qui sont signés depuis quelques mois ou quelques semaines ». Or, la plupart des crédits hypothécaires ont une durée moyenne de 20 ans et ils sont à 70% à taux fixe. En clair, pour toute cette masse, les taux sont les taux anciens sont nettement plus faibles. Donc, augmenter tous les comptes d’épargne, mais en gardant des taux faibles pour les anciens crédits immobiliers pourrait mettre en danger le secteur bancaire.
Le « hic », c’est que ce raisonnement n’est pas connu du citoyen ordinaire et quand bien même, il ne l’écoute pas. Les politiques l’ont bien compris et détournent l’attention de la population sur un ennemi facile et vieux comme le monde. Mon sentiment, c’est que ce n’est pas aux politiques de dicter leur conduite aux banques, mais à la Banque Nationale de Belgique. C’est elle qui est chargée de surveiller la santé du secteur bancaire, et c’est à elle à nous dire si les arguments des banquiers sont sincères ou si c’est du pipeau. Mon petit doigt me dit que cette semaine pour les banquiers sera une semaine à 7 lundis.
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