Amid Faljaoui
Israël-Hamas : L’Arabie Saoudite et l’embarras de son Prince héritier
Et si nous évoquions le rôle géopolitique de l’Arabie Saoudite ?
La plupart des experts sont d’accord pour dire que l’attaque du Hamas contre Israël a également été motivée pour torpiller l’extension des accords d’Abraham. Ces derniers sont ces accords de paix négociés avec des pays comme le Maroc, mais également les Émirats arabes unis et Bahreïn.
Pour rappel, le principe de ces accords historiques de paix devait s’élargir à l’Arabie Saoudite. En bonne logique, si l’attaque du Hamas n’avait pas eu lieu, cela aurait signifié qu’Israël aurait été en paix avec toutes les monarchies du Golfe. D’ailleurs ce rapprochement, effectué dans le cadre de ces accords d’Abraham, a pu se faire uniquement parce que ces pays ont un ennemi commun avec Israël : l’Iran.
Le pays des Ayatollahs a donc un intérêt objectif à faire capoter ce rapprochement puisque la répression d’Israël en ce moment à Gaza l’en empêchera. Le Hamas et l’Iran ont fait le calcul que la « rue arabe » prendra ses distances avec une paix qui engage les régimes, mais pas nécessairement les peuples comme l’écrit Dominique Moïsi, l’un de nos grands géopoliticiens francophones. Ne cherchez pas plus loin les raisons du calme du marché pétrolier à l’heure actuelle. Nous ne sommes pas en 1973, car à l’époque, l’embargo sur l’or noir avait fait l’unanimité des pays arabes de l’OPEP.
Aujourd’hui, la plupart des régimes qui entourent Israël, sauf la Syrie, détestent le Hamas. Mais la pression médiatique et les images atroces véhiculées par ces médias empêcheront donc à court et moyen terme cette normalisation entre les pétromonarchies du Golfe et Israël. Et c’est là où j’en viens à l’Arabie Saoudite. Son prince héritier Mohamed Ben Salman (surnommé MBS) gouverne d’une main de fer son royaume, tant que son père le laisse faire. L’un a 37 ans et l’autre a 88 ans. L’obsession du prince héritier, c’est de diversifier son économie au plus vite. Mohamed Ben Salman connaît très bien les prévisions de l’agence internationale de l’énergie. La date couperet est aussi connue : d’ici 30 ans, la planète n’aura plus besoin d’énergie fossile. Résultat, les pays exportateurs de pétrole, qui ne seront pas diversifiés ou reconvertis, seront fichus. Raison pour laquelle le Prince héritier d’Arabie Saoudite a mis en place un plan Vision 2030 pour moderniser son pays. On peut dire qu’il a mis le paquet : 1.000 milliards de dollars pour sortir son pays de la dépendance du pétrole.
Mais 2030, c’est dans 7 ans à peine et le prince héritier veut profiter du prix encore relativement élevé du pétrole pour financer sa diversification. Avec l’aide de consultants occidentaux, payés à prix d’or, ce plan s’inspire de ce qu’ont fait les Émirats en, matière de diversification et de soft power. Si l’Arabie Saoudite embauche à prix d’or des stars du foot du monde entier, c’est pour attirer le regard des investisseurs sur son pays. Paradoxalement, engager ces « influenceurs du foot » à prix d’or lui coûte moins cher que d’acheter des pages ou des spots de pub dans les médias occidentaux.
MBS compte aussi sur la jeunesse de son pays pour le soutenir dans ses projets. C’est grâce à lui que les femmes saoudiennes peuvent enfin conduire leur voiture, voyager à l’étranger sans demander la permission de leur mari ou de leur frère, s’attabler à un restaurant ou aller à un concert mixte pour écouter des stars américaines ou libanaises. Par ailleurs, le pays essaie aussi d’être une destination touristique avec des lieux culturels, notamment pas loin de la mer rouge, qui vantent les mérites de l’Arabie préislamique. Démarche jugée impossible, il y a quelques années encore, car cela revient forcément à évoquer le passé judaïque de l’Arabie Saoudite, étant donné que des tribus juives vivaient dans la région. Mes confrères du Figaro évoquent aussi un projet de ville industrielle destinée à abriter le plus grand port flottant au monde. Bref, autant de projets démesurés et qui, vu la géographie locale, ne pouvaient se justifier que dans le cadre d’une normalisation avec l’État d’Israël.
Voilà tracées à la serpe, les raisons pour lesquelles l’Arabie Saoudite a fini par condamner Israël, mais sans enthousiasme démesuré, car ce conflit et ses répercussions médiatiques, donc politiques et sociales, freinent ses propres projets. Plus que jamais, comme le faisait remarquer un observateur local, le prince héritier saoudien devra faire goûter ses plats avant de les avaler, car il sait bien qu’une révolution de Palais est toujours possible dans son Royaume.
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