Amid Faljaoui

Faillites  bancaires, sevrage et fin de la coke monétaire : l’étonnement d’un monde qui change

L’information du jour ne fait pas la UNE des médias les plus populaires. Et c’est normal, comment voulez-vous exciter le grand public en lui disant que Jerome Powell, l’homme le plus puissant au monde après le président des Etats-Unis n’a augmenté les taux d’intérêt américains que de 0.25%.

Je comprends le désarroi du public tellement cette information a l’air technique et pour tout dire incompréhensible pour le commun des mortels. Et pourtant, elle est très importante. Jérôme Powel, je le rappelle est le président de la banque centrale américaine. Son rôle principal, c’est de lutter contre l’inflation et de faire en sorte qu’elle tourne autour de 2%. Or, que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe, l’inflation est loin, très loin de ce chiffre. Aux Etats-Unis, l’inflation s’est calmée, mais pas assez puisqu’en février dernier, elle était à 6%. Le triple du taux que voudrait donc la banque centrale américaine.

Jusqu’à il y a quelques jours, il n’y avait aucun doute que Jérôme Powel allait encore augmenter ses taux d’intérêt de 0.50 voire même de 0.75%. Je rappelle que la hausse des taux n’a qu’un seul but, empêcher les consommateurs de consommer, les investisseurs d’investir. Bref, je simplifie, mais la hausse des taux a pour but de casser la fièvre inflationniste. Si l’information d’hier est si importante, c’est parce que ce scénario visant à casser l’inflation, il est plus difficile à réaliser aujourd’hui qu’hier. On a, en effet, assisté à la faillite de 3 banques aux Etats-Unis, au sauvetage d’une banque suisse, et je ne parle même d’une quatrième banque aux Etats-Unis qui est encore dans l’unité des soins d’urgence. Tout ça signifie quoi ? Que la banque centrale américaine, et sans doute aussi la banque centrale européenne ont relevé leurs taux d’intérêt trop vite et trop brutalement.

Officiellement, ils l’ont fait parce qu’ils ont été eux-mêmes surpris par le retour brutal de l’inflation, du fait de l’effet de rattrapage du covid et du fait de l’invasion de l’Ukraine. Et que fait-on qu’on a comme seul outil qu’un marteau ? Eh bien, on tape sur le clou de l’inflation. Le marteau, c’est évidemment la hausse des taux d’intérêt. Mais aujourd’hui, on découvre que la hausse des taux – trop brutale visiblement – a d’abord mis au tapis les valeurs technologiques en 2022, puis ce sont les cryptomonnaies qui se sont effondrées et puis en 2023, on découvre que certaines banques étaient fragiles et surtout mal gérées (surtout aux Etats-Unis) Et donc, la hausse des taux d’intérêt leur a été fatale.

Je reviens à mon ami Jerome Powell. Sa mission est terrible, il marche littéralement sur des œufs. Il doit continuer à augmenter les taux d’intérêt, car l’inflation ne faiblit pas assez vite, mais il doit éviter de les augmenter autant qu’il le voudrait sinon il risque de malmener le secteur bancaire. C’est pourquoi il n’a augmenté que de 0.25% ses taux d’intérêt directeurs ce mercredi. Je vous en parle, parce que vous le voyez bien, on ne passe pas d’un monde où les taux d’intérêt étaient très bas pendant presque deux décennies à un monde de taux d’intérêt positif. En fait, nous avons tous été (ménages, entreprises et Etat) drogués à l’argent gratuit pendant des années. Maintenant que le sevrage a commencé, qu’il n’y a plus de coke monétaire, on sent que c’est dur. C’est un passage obligé, mais en principe, c’est pour un mieux. Pour un retour à un monde normal où l’argent a un prix. Bienvenue au Realistan.

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