Typhanie Afschrift

Comment peut-on parler d’un retour de l’Etat?

Typhanie Afschrift Professeure ordinaire à l'Université libre de Bruxelles

D’excellents esprits, pas toujours des étatistes convaincus, insistent sur la nécessité d’un “retour de l’Etat” et d’un rôle plus important de celui-ci dans la politique économique du pays.

Ces auteurs dépassent largement les contours de la nébuleuse marxiste habituelle. Pourtant, on peut difficilement imaginer une idée plus absurde que celle-là. D’abord, s’il fallait un “retour de l’Etat”, ce serait parce que celui-ci aurait disparu, jouerait un rôle minime dans nos vies, réclamerait peu de moyens et réglementerait peu de choses.

La vérité est que l’Etat d’aujourd’hui est plus puissant que jamais, qu’il contrôle, réglemente ou régule presque tout, qu’il sait à peu près tout sur nous.

Tout ce qui se passe est exactement le contraire. L’Etat prend au contribuable plus de 50% de ce qu’il gagne, et en dépense encore beaucoup plus. Il réglemente à peu près n’importe quelle activité, notamment économique. Il s’immisce dans nos vies par tous les moyens possibles: des caméras, des contrôles de toutes sortes, de multiples catégories de policiers ou de personnes ayant des pouvoirs quasiment policiers, des décisions administratives même pour sanctionner, des moyens répressifs de plus en plus importants, et qui ne sont jamais jugés suffisants par le Pouvoir.

La vérité est que l’Etat d’aujourd’hui est plus puissant que jamais, qu’il contrôle, réglemente ou régule presque tout, qu’il sait à peu près tout sur nous. Il est l’Etat que Tocqueville avait prévu, une tyrannie sans tyran. Les Etats européens ont mis les libertés entre parenthèses sous prétexte du covid, ils se sont comportés en “Etats stratèges”, se sont arrogé tous les pouvoirs et, au même titre que la Chine, n’ont obtenu aucun résultat démontrable en termes de santé publique.

Plus évident encore est le cas de la politique énergétique. Par pure idéologie écologiste, plusieurs Etats européens ont fait le choix aberrant de mettre fin, à terme, à l’utilisation de l’atome. Tout cela en annonçant en même temps qu’il fallait réduire les émissions de gaz à effet de serre, et en devant parfaitement savoir que seule l’énergie atomique permet d’atteindre cet objectif climatique, en tout cas durant plusieurs décennies.

On accuse les écologistes d’en être responsables, et c’est idéologiquement exact. Mais les autres partis qui se sont succédé au pouvoir auraient pu abroger plus tôt la loi de sortie du nucléaire et n’en ont rien fait. Et on notera que l’Allemagne, grand Etat stratège entre tous, a trouvé le moyen à la fois de fermer ses centrales nucléaires et de tout miser sur le gaz, et particulièrement sur le gaz russe. Soit systématiquement prendre les plus mauvaises décisions dans un domaine essentiel.

L’Etat stratège est déjà là et n’a jamais disparu. Et il se comporte comme il le fait toujours: en étant particulièrement inefficace, en n’ayant aucune vue à moyen ou long terme, en passant à côté des véritables objectifs (la réduction des émissions) tels qu’il les annonce lui-même, et en créant une atroce dépendance à l’égard d’une des pires dictatures de l’époque, l’empire russe.

Ces politiques aberrantes sont des politiques d’Etat. Les Etats stratèges que citent les tenants d’un retour à l’Etat – lorsqu’ils ont obtenu des succès, parfois malgré eux – sont en général des dictatures, comme la République populaire de Chine. Le succès économique de celle-ci est pourtant sans doute davantage dû à la libéralisation de son économie qu’au pouvoir du Parti communiste.

Personne n’a besoin d’un retour de l’Etat. Il faut au contraire, non seulement par souci d’efficacité mais aussi pour préserver les libertés, ramener l’Etat aux limites qu’il aurait toujours dû respecter: le domaine régalien.

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