Amid Faljaoui

Comment ChatGPT pollue le web avec des âneries

ChatGPT permet à n’importe qui d’écrire correctement et de fabriquer des vidéos en peu de temps. Résultat: le web va être pollué.

La pollution est partout aujourd’hui y compris dans des endroits que l’on ne soupçonnerait pas. Prenez le cas de LinkedIn, le réseau social professionnel. Avez-vous remarqué que des personnes que vous connaissez et qui sont plutôt fâchées avec la langue française rédigent des posts bien écrits et bien balancés ? Bien entendu, comme vous, je vois immédiatement que la personne en question a utilisé ChatGPT ou une autre intelligence artificielle. A priori, pourquoi pas, si ChatGPT permet à tout le monde de mieux s’exprimer à l’écrit ?

Bien souvent, et c’est quelque chose qui me frappe, tous ces textes finissent par se ressembler, sans aucune âme personnelle. Le style ChatGPT finit par se faire reconnaître assez facilement. C’est grave, car le web est de plus en plus pollué par ce genre d’écrits. Comme tout le monde peut écrire plus facilement, plus personne ne se gêne, sauf que le contenu reste, hélas, bien souvent indigent.

Le drame, c’est que ceux et celles qui ont vraiment quelque chose d’intéressant à dire vont être noyés par les autres qui se contentent de débiter des banalités. Umberto Ecco, l’immense écrivain italien disait que des personnes qui débitent des âneries ont existé de tous les temps. Avant, ce sont les mêmes personnes que l’on retrouvait au zinc du café à enfoncer des portes ouvertes et à égrener des banalités, sauf que leurs âneries et leurs banalités ne polluaient que leurs voisins immédiats. Aujourd’hui, avec internet, c’est comme s’ils avaient un mégaphone pour les faire passer.

L’autre drame, c’est que les moteurs de recherche de type Google ont fait le choix de ne pas faire de différence entre les contenus générés par des humains et les contenus générés par l’IA. L’explication officielle, c’est parce que seule la qualité prime. Mais, les dirigeants de ces moteurs de recherche vont déchanter, car leurs algorithmes n’ont pas été préparés à l’usage abusif de ces outils comme le fait remarquer Benoit Raphaël, un des observateurs les plus avisés des pratiques de l’intelligence artificielle dans le monde journalistique. Avec l’IA, l’info-obésité va être partout, l’info sera en format XXL.

D’ailleurs, les médias belges l’ont bien compris, si vous lisez encore la presse papier, vous aurez sans doute remarqué que plusieurs quotidiens se sont unis pour lancer une campagne de sensibilisation auprès des lecteurs à la veille des élections. Son slogan : « la presse quotidienne, plus que jamais essentielle ». Cela m’a fait penser aux métiers dits “essentiels” pendant la crise du covid, ces métiers qu’on applaudissait à 20H00 chaque soir de son balcon et qui maintenant d’essentiels sont passés à oubliés.

L’autre danger relevé par l’institut Reuters, c’est que la relation à l’actualité s’est inversée. Dans le passé, avant l’arrivée d’internet donc, la démarche vers l’information était volontaire. Maintenant qu’elle est partout, et surtout dans votre poche via votre smartphone, c’est l’effet inverse : les gens essaient surtout de lui échapper. Notamment, parce qu’elle est souvent négative, mais aussi parce qu’elle n’est pas assez ciblée sur leurs centres d’intérêt. C’est l’un des grands chantiers des médias classiques d’aujourd’hui : mieux personnaliser l’information pour chacun de leurs lecteurs. L’intelligence artificielle va le permettre. Demain, nous serons abonnés à la même source, mais nous ne lirons plus exactement la même chose, ni dans le contenu, ni dans la forme, ni même dans le ton. C’est la demande du public. Mais, faut-il toujours l’écouter ?

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