Olivier Mouton
Au travail, camarades !
La révolution de l’Arizona est en marche. L’accord de Pâques du gouvernement De Wever balise une réforme phare de la législature : la limitation des allocations de chômage dans le temps, à deux ans maximum. Au 1er janvier 2026, 100.000 chômeurs devraient être exclus. En 2028, ce devrait être le cas de tous ceux qui n’auront pas mis le pied à l’étrier, 320.000 personnes en tout sont concernées. Seront épargnés les plus de 55 ans, les artistes et ceux qui suivent une formation pour un métier en pénurie.
Voilà une exception belge balayée. C’est une heureuse nouvelle car l’inadéquation entre un marché du travail sous tension et ce “laxisme” législatif est intenable. Les élections de 2024 ont donné un signal clair contre cet “assistanat” d’un autre temps.
Un autre scandale de taille est pris à bras-le-corps par l’Arizona, celui des malades de longue durée. Ils sont plus de 500.000 à ce jour – autant qu’en Allemagne ! – et la tendance filait allègrement vers les 700.000. Il s’agira de responsabiliser tous les acteurs : entreprises, mutuelles, mais aussi de partir à la traque des certificats de complaisance. Un fameux pari. La révolution de l’Arizona favorise aussi la flexibilité. L’objectif est hyper ambitieux : créer 550.000 emplois d’ici 2030.
Bien des “détails” doivent être finalisés. Les CPAS, contraints d’accueillir les exclus, recevront-ils les moyens nécessaires ? Les Régions seront-elles à la hauteur du plan d’accompagnement visant à former et recaser les chômeurs de longue durée ? Ce ne sera pas une sinécure, en Wallonie surtout : les professionnels du secteur insistent sur le décrochage profond de catégories entières de la population, à qui il convient de réapprendre des compétences aussi basiques que… se lever le matin.
Au travail, camarades ! Après des décennies de culture sociale, voire “socialiste”, le réveil a sonné. La nécessité d’un sursaut est largement partagée au sein de la société. Encore faudra-t-il, dans le même temps, rendre du sens au travail. Un des grands défis de notre époque, et les entreprises le savent plus que quiconque, consiste à séduire les jeunes candidats à l’emploi et à les convaincre de la nécessité de travailler pour contribuer à un enjeu vital : créer de la richesse pour sauver la sécurité sociale.
Les élections de 2024 ont donné un signal clair contre cet “assistanat” d’un autre temps.
Le pari s’annonce d’autant plus périlleux que la conjoncture mondiale est malmenée par les décisions et revirements du président américain, Donald Trump. Le spectre d’une guerre commerciale demeure et si les entreprises font preuve d’agilité, elles n’en risquent pas moins de subir de plein fouet le contre-coup d’une mondialisation malmenée. La perspective d’une chute de la croissance est réelle.
Il n’y a jamais de moment idéal pour mener une réforme de fond, et celle-ci s’imposait de longue date. “Il reste toujours 170.000 emplois vacants dans les titres-services, l’horeca, la construction ou le transport, précise le ministre de l’Emploi et du Travail, David Clarinval (MR). Et ces métiers ne nécessitent pas de longue formation.” Le président du PS, Paul Magnette, rétorque : “Une seule ligne reste constante : ce sera travailler plus pour gagner moins.” Cette révolution culturelle se fera dans l’adversité. “Il y aura des tensions sociales”, pronostique déjà l’économiste Bruno Colmant.
Cette révolution devra être menée avec rigueur. Or, l’accord de l’Arizona reste très flou sur l’aspect budgétaire et les efforts à consentir, en ce compris pour dégager 4 milliards d’euros à investir dans la défense. Au travail, camarades ! Ce doit être une ligne de conduite et une promesse, pas un slogan publicitaire à des fins politiques.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici