Amid Faljaoui

Adieu l’art et le divertissement. Bienvenue à l’économie de la dopamine !

Sommes-nous en train de passer d’une culture du divertissement à une culture de la dopamine ? La question est clairement posée par certains intellectuels dont notamment Ted Gioia qui a publié un texte devenu viral sur les réseaux sociaux ainsi que dans la lettre d’information « Snowball Report ».

Sa thèse est simple : quand vous regardez en Bourse le classement des 10 entreprises les plus puissantes au monde, la moitié d’entre-elles vendent en quelque sorte de la drogue. Une drogue technologique, oui, mais une drogue quand même. Selon lui, les jours où les dealers se cachaient pour vendre leur came appartient au passé.

Aujourd’hui les dealers opèrent en plein jour, dans votre maison, votre appartement et dans toutes les sphères de notre vie privée. En effet, des sociétés comme Meta via ses filiales que sont Instagram ou Google via par exemple sa filiale YouTube, nous refilent de la came à dose quotidienne au vu et au su de tout le monde.

La drogue à laquelle cet intellectuel fait allusion, c’est la dopamine, autrement dit, « un neurotransmetteur qui agit sur notre cerveau humain comme une croquette sur un chien » comme l’écrit joliment Le Devoir.

Dans l’industrie culturelle, on ne parle pas de dopamine évidemment mais de gamification, ou en français : de ludification. Autrement dit, notre vie est devenue un jeu. En raison de cette ludification massive de notre société, nous sommes à la recherche d’une gratification instantanée.  

C’est ça la dopamine. La dépendance produit un sentiment de satisfaction immédiat mais hélas de courte durée. Et on en redemande, encore et encore. C’est ce qui explique qu’aujourd’hui, les jeunes et moins jeunes sont scotchés à leur écran, car les formats courts qui s’enchainent à la queue leuleu sont faits pour nous empêcher de lever la tête. N’oubliez pas que l’esclave par définition a la tête courbée. Les algorithmes sont conçus pour fabriquer cette dépendance. Regardez bien autour de vous, ce qui prime aujourd’hui en musique ou en vidéo ce sont les formats courts, ultra-courts. N’essayez pas d’y échapper, les algorithmes de ces géants du numérique font tout pour pénaliser les formats longs. Tout ce qui pourrait briser ce cycle de dépendance est en quelque sorte banni.

Ted Gioa, l’intellectuel dont je vous ai parlé évoque une tiktokisation du monde. La preuve dit-il, c’est que les Disney et les autres studios du cinéma comme Paramount souffrent en ce moment. Les uns sont en crise, les autres licencient à tour de bras.

Même les séries TV semblent avoir atteint un plateau. Selon Ted Gioia, le divertissement classique est en chute et est remplacé par autre chose. Il est remplacé par le règne du scroll, du swipe et de tous ces stimuli qui ne durent que quelques secondes.  D’ailleurs, cette tiktokisation du monde est en marche car tout le monde copie TikTok, que ce soit Instagram ou YouTube. Même récemment le réseau social professionnel LinkedIn fait de plus en plus la promotion des vidéos courtes.

Une application boursière américaine comme Robinhood, très en vogue chez les jeunes, fait aussi tout pour rendre l’investissement en Bourse ludique. Avec le danger de prendre trop de risques ou de se fier aux réseaux sociaux pour les conseils – et donc à la meute inculte – pour prendre ses décisions d’acheter ou de vendre une action.

Les musulmans terminent leur jeûne du ramadan ce mardi 9 avril. J’évoque ce mois sacré pour cette religion parce que Anna Lembke, médecin de formation et auteur d’un livre intitulé « Dopamine Nation », préconise un… jeûne de dopamine. Un mois par exemple sans écrans. Mais est-ce encore possible ? N’est-il pas trop tard ?

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