Carte blanche

“La loi sur le financement des partis doit être remaniée. Le juge offre-t-il une issue ?”

D’innombrables articles d’opinion ont été publiés ces dernières années sur la particratie flamande et belge hors de contrôle. Vous savez, ce système où les partis deviennent des sortes de véhicules politiques autonomes, où un petit groupe de personnes très restreint prend les décisions et distribue les mandats disponibles à ceux qui ont docilement suivi la ligne du parti.

Ces bastions du pouvoir sont un cancer pour la démocratie, car leur raison d’être ne réside plus dans la propagation d’une certaine vision de la société, mais dans la pure conservation du pouvoir. La survie du parti devient alors finalement le seul objectif. Le Parlement en tant que pouvoir législatif et de contrôle a été éliminé, et la particratie sape donc également la bonne gouvernance. C’est pourquoi il est devenu nécessaire d’attaquer cette particratie en justice. C’est ce que les nouveaux partis Vista (Flandre) et Oxygène (Wallonie) veulent faire ensemble.

Dans son livre “The Price of Politics”, le politologue Bart Maddens décrit comment les partis belges suivent depuis des décennies une stratégie de “maximisation des revenus”. Au fil des ans, les partis traditionnels en particulier ont veillé, par toutes sortes d’interventions, à ce que leurs ressources financières soient maintenues. Les élections étaient perdues les unes après les autres, mais grâce à quelques subterfuges, le véhicule du parti pouvait engranger quelques fonds supplémentaires, de sorte que le dommage n’était pas si grave en fin de compte. Ces interventions ont toutefois provoqué une explosion du financement public des partis, qui s’élève aujourd’hui à plus de 80 millions d’euros par an. Si l’on y ajoute tous les assistants parlementaires qui, de plus en plus, travaillent principalement pour le parti et non plus pour le groupe, on arrive rapidement à 160 millions d’euros par an. Ce système renforce considérablement la particratie belge et est problématique à au moins trois égards. La loi sur le financement des partis doit donc être revue. La Cour offre-t-elle une issue ?

Tout d’abord, les fonds sont manifestement disproportionnés. Lorsque nos partis dépassent invariablement les dépenses publicitaires sur Facebook (avec certains cadors étant parmi les personnalités politiques européennes les plus dépensières), on sait que quelque chose ne va pas. Lorsque les partis peuvent louer des parcs d’attractions entiers pour une “journée familiale” où il n’est pratiquement plus question de politique, quelque chose ne va pas. Lorsque les partis dépensent des centaines de milliers d’euros pour rassembler quelques milliers de personnes pour une manifestation, nous avons tout simplement trop d’argent. Les ressources totales sont clairement disproportionnées par rapport à la mission des partis comme des associations électorales. Elles créent également une atmosphère de campagne permanente qui rend impossible toute vision à long terme en politique.

Deuxièmement, la loi actuelle sur le financement des partis est également discriminatoire. Elle favorise les grands partis par rapport aux petits. En effet, l’allocation par voix n’est accordée qu’aux partis qui ont un représentant à la Chambre des représentants. Les voix des petits partis n’ont donc aucune valeur financière. Il existe également une discrimination entre la Flandre et la Wallonie en raison de la différence du seuil de financement effectif. Le seuil électoral de 5 % s’applique à l’ensemble du pays, mais ce n’est que dans les provinces flamandes d’Anvers (24 sièges) et de Flandre orientale (20 sièges) que l’on est assuré d’avoir un représentant élu au niveau fédéral et donc un financement dès 5 %. En revanche, dans les deux plus grandes provinces wallonnes, le Hainaut (17 sièges) et Liège (14 sièges), 5 % des voix ne suffisent pas. Pour être sûr d’y obtenir un siège, il faut déjà 5,88%, voire 7,14% des voix pour obtenir un financement. Ainsi, si le seuil électoral est le même, le seuil de financement ne l’est manifestement pas.

Troisièmement, les énormes ressources sont tout simplement prohibitives d’un point de vue démocratique. Si vous savez que vos futurs concurrents reçoivent des millions d’euros chaque année, vous devez être fou pour créer un nouveau parti en tant que député ou citoyen. Les chances de rivaliser équitablement avec les partis existants sont pratiquement nulles. Ceci, ajouté au seuil électoral, explique immédiatement la grande différence entre le paysage des partis flamands et belges figés et le paysage dynamique des partis néerlandais, où un député comme Pieter Omtzigt peut immédiatement devenir le plus important avec un nouveau parti. Le panel de citoyens We Need To Talk a donc recommandé de prévoir un financement de base pour les nouvelles initiatives, afin de créer des conditions de concurrence un peu plus équitables.

En tant que petits partis, respectivement en Flandre et en Wallonie, Vista et Oxygène ont donc décidé qu’il était temps de contester juridiquement la loi actuelle sur le financement des partis. Cette loi, quant à elle, date de 1989, mais, 35 ans plus tard, en raison de ses effets pervers sur notre démocratie, elle a manifestement besoin d’être révisée. L’objectif était d’endiguer la corruption des donateurs privés, ce qu’elle a parfaitement réussi à faire. Cependant, la loi a eu pour effet secondaire de renforcer la particratie déjà existante à l’époque, au point de saper complètement notre démocratie et les mécanismes de contrôle qui devraient conduire à une bonne gouvernance. Malgré tous les articles d’opinion et les panels de citoyens, les partis existants semblent incapables de modifier cette législation. L’année dernière, un comité d’experts de la Chambre a même demandé une réécriture complète de la loi, mais cette demande est restée lettre morte. Il n’en a rien été non plus. Entre-temps, il est clair que le patient en phase terminale ne s’opérera pas lui-même. Par conséquent, l’action en justice dénonçant la disproportion et la nature discriminatoire de cette législation est malheureusement devenue le dernier recours pour sauvegarder notre démocratie. Espérons que suffisamment de citoyens se réveilleront pour remédier à cette situation déséquilibrée.

Jan Wostyn, coprésident Vista & Porte-parole pour Oxygène
Plus d’informations sur www.stopparticratie

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