Cette diversité qui n’est pas apparente au premier regard

Illustration. © Getty
Carte blanche

Ces derniers temps, un flot d’événements célébrant la diversité inonde nos agendas. Pour moi, ces activités sont à la fois une source de stimulation et de fatigue, à tel point que j’en deviens lunatique.

Il y a des moments où je me retranche dans le silence, car ce n’est pas nécessairement mon sujet de prédilection. A d’autres moments, je me lance corps et âme dans l’écriture d’un livre ou dans des actions de sensibilisation, sillonnant les entreprises et les associations pour éveiller les consciences sur cette question cruciale.

Il faut dire que lorsqu’on est d’origine étrangère, le sujet n’est pas un choix, il s’impose à soi. Je n’ai jamais eu envie de me spécialiser dans ce domaine, mais la succession d’évènements personnels et professionnels font que je ne peux que m’y atteler. J’ai certainement aussi le syndrome du prince charmant, voulant sauver les personnes enfermées dans le donjon de la pensée unique. 

On m’a souvent recommandé de ne pas me positionner dessus: après tout, mon expertise première réside dans le secteur de l’énergie, et puis, “il ne faut pas que les personnes d’origine étrangère parlent de diversité, c’est aux autres de prendre la parole”. Bien. Mais que faire si ces autres n’en font pas suffisamment? Et surtout, qui de mieux placé pour en parler que ces mêmes individus qui endurent les discriminations systémiques?

Ainsi, un dilemme se présente à nous: parler ou ignorer le problème?

Quand mon humeur m’amène à le traiter, je retourne à la base: la diversité de pensée.

Un participant d’un atelier m’a dit: “tu as une approche de la diversité ouverte. En général, c’est dogmatique et ça me braque.” Moi aussi. Le terme diversité est associé à ce qui est apparent ou génétique: le genre, l’origine, le handicap, l’orientation sexuelle…Et dans la société de manière générale, c’est essentiel afin d’assurer l’accès au logement, à l’éducation, à l’emploi, à la santé… pour toute la population. Toutefois, si vous repensez à votre carrière professionnelle, comment sont nés les conflits? Fort heureusement, nous ne pouvons pas refuser de travailler avec un collègue parce qu’il est noir. Donc au fil du temps, nous allons dépasser nos stéréotypes et voir l’individu en tant que tel. Et c’est là que les relations humaines sont passionnantes: nos profils de personnalité agissent comme des aimants ou des répulsifs. Si vous travaillez de manière très organisée, comment réagiriez-vous face à un collègue qui termine tout à la dernière minute? Si vous communiquez de manière directe, comment gérez-vous les sous-entendus d’une manager?  Combien de fois avez-vous été convaincu d’être parfaitement clair, pourtant la personne en face semble ne rien vouloir comprendre? Ces traits de personnalité ne sont pas visibles au premier abord. J’en arrive à la conclusion évidente: notre apparence ne détermine pas notre façon de penser. Parfois, je pense avec les réflexes d’un homme privilégié de plus de 50 ans. Je ne prétends pas être la voix de toutes les femmes d’origine étrangère. Bien sûr, cela ne signifie pas qu’il faut abandonner tout effort pour recruter plus de “minorités”, notamment dans les instances de direction. La représentation revêt une importance capitale, ne serait-ce que pour servir de modèle, pour comprendre les besoins de notre public cible et simplement pour élargir nos perspectives. Cependant, il est essentiel de reconnaître que la diversité ne se limite pas à la seule représentation visible. Celle-ci doit être associée à une ouverture à tous les niveaux quant à la différence de pensée.

Une culture ouverte d’organisation amène plus de diversité d’apparence, l’inverse n’est pas inhérent. L’ouverture engendre la remise en question et l’écoute des divergences, qui permet au collectif de s’améliorer. Il est crucial de travailler sur la gestion de la diversité de pensée, tout en révisant les processus internes afin de recruter et promouvoir les candidats de tout horizon. Cela évitera l’impuissance souvent ressentie par une personne d’une minorité d’enclencher un changement positif, lorsque des murs aux fondations solides se dressent à elles.

La gestion des conflits est la base de toute collaboration, et la cause doit être identifiée et traitée. Beaucoup de choses se passent dans l’inconscient de notre formidable cerveau. Nos organes sensoriels et nos filtres fonctionnent sans que nous nous en rendions compte. Notre vision du monde peut nous convaincre que nous détenons la vérité. C’est pourquoi, il faut commencer par accepter qu’il n’y a pas de réalité absolue. La réalité est subjective. La plupart d’entre nous est familière avec l’image célèbre d’une personne montrant un neuf et l’autre montrant un six. Toutes deux affirment que l’autre a tort. En fait, elles ont toutes les deux raison, mais elles ont tort de contester le point de vue de l’autre. Comment peuvent-elles avoir raison si la réalité est différente ? Parce que c’est leur réalité, pas la réalité. Et notre apparence n’est qu’une partie de la constitution de notre identité, nous amenant à créer notre propre réalité.

Au-delà des apparences, chaque individu a une personnalité définie par ses pensées, ses émotions, ses comportements, ses croyances religieuses et non religieuses, son éducation,  son milieu socio-économique et culturel, ses origines, sa génération, ses ambitions … La diversité englobe tout ce qui nous rend uniques parmi les huit milliards de personnes vivant sur la planète.

Notre instinct nous conditionne à juger l’apparence et agir en fonction de nos préjugés. Toutefois, la véritable évolution réside dans notre capacité à dépasser ces réflexes primaires et à embrasser la richesse de la diversité qui nous entoure. Pour y arriver, il faut d’abord déconstruire nos stéréotypes et nos pensées limitantes. Ne plus se fier uniquement à nos croyances, mais plutôt les laisser évoluer vers une ouverture d’esprit fondée sur l’humanité. Cette transformation personnelle et sociétale contribuera à bâtir une société plus juste et équitable. Sommes-nous prêts à nous déconstruire individuellement pour nous reconstruire ensemble?

Par Ihsane Haouach, Entrepreneuse sociétale & Autrice de Open Up Your Organisation et C’est pas personnel

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