Eddy Caekelberghs
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Après avoir mesuré nos dépendances énergétiques, nous mesurons nos dépendances alimentaires
Moscou annonce que l’accord sur les céréales avec l’Ukraine est caduc de facto. Le président turc Recep Erdogan semble donc en être pour ses frais, lui qui avait “parrainé” et négocié cet accord, lui donnant un rôle de médiateur que personne ne semblait décidé à lui octroyer. Quoi qu’il en soit, les parties qui interviennent entre l’Ukraine et la Russie, à savoir la Turquie et l’Onu, souhaitent continuer les négociations.
Mais les marchés ne s’affolent pas. La Stampa, en Italie, le constate: “Les marchés partent probablement du principe qu’une solution sera trouvée. C’est l’une des raisons pour laquelle ils ont réagi sans dramatiser la situation”. Et en Autriche, Der Standard va plus loin encore en pointant notre part de responsabilité occidentale: “L’accord est à double tranchant. D’un côté, il ouvre des couloirs pour la circulation des navires céréaliers au départ des ports de la mer Noire. De l’autre, il doit également permettre à la Russie d’exporter des produits agricoles. Mais les sanctions contre les banques, par exemple, rendent ses exportations difficiles”.
D’où la demande de la Russie: la réintégration au réseau Swift de la banque agricole russe Rosselkhozbank. Le compromis proposé par le secrétaire général de l’ONU António Guterres, proposant le rattachement au système Swift d’une filiale de Rosselkhozbank, ne semble pas avoir été suffisant. “La Russie doit agir. Mais l’Occident doit également lever les sanctions, au moins pour ce qui est des produits alimentaires”, conclut Der Standard à Vienne.
Après avoir mesuré nos dépendances énergétiques, nous mesurons nos dépendances alimentaires.
Nous y voilà. Lever les sanctions. Des sanctions qui rendent la vie des Russes certes plus difficile. Plus chère aussi. Mais des sanctions qui, globalement, peinent à obtenir l’effondrement économique russe envisagé. Et puis, après avoir mesuré nos dépendances énergétiques, nous mesurons nos dépendances alimentaires. Ce qui aurait pu (aurait dû? ) déboucher sur une réflexion globale à propos de la Politique agricole de l’Union européenne, laquelle ne garantit pas une autosuffisance. On repassera!
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En France, La Croix constate: “C’est aussi un moyen pour Vladimir Poutine de courtiser de nouveaux partenaires en Afrique et, à chaque renégociation, de conditionner sa signature à une liste d’exigences de plus en plus longue (et pour certaines sans rapport avec le sujet de l’accord lui-même). On le sait depuis l’Antiquité: le blé est un formidable instrument de puissance diplomatique. Moscou en fait aussi une arme de guerre, à la main du cynisme de Vladimir Poutine”.
Maïs en stock
Poutine veut peut-être aussi tester la solidarité de l’Europe envers l’Ukraine, souligne en Allemagne le Frankfurter Allgemeine Zeitung : “Les agriculteurs européens se sont vus confrontés à une nouvelle concurrence plus qu’indésirable. Si l’exportation de céréales ukrainiennes par la mer Noire n’est plus possible, leur seule voie d’accès aux marchés mondiaux reste l’UE. Et celle-ci ne peut guère s’y opposer malgré les protestations des agriculteurs car elle risquerait d’étouffer l’un des principaux secteurs économiques de l’Ukraine”.
Pas de raison pour autant de s’affoler, estime Polityka, en Pologne: “Cet accord était peut-être nécessaire pour donner le temps à l’Ukraine de s’adapter le mieux possible aux nouvelles circonstances. Le reste du monde s’est, lui aussi, mieux préparé. A l’issue des récoltes de cette année, les réserves mondiales de maïs (fournies par le Brésil notamment) seront sans doute les plus importantes de ces cinq dernières années alors qu’elles ont été extrêmement peu fournies avant la guerre”.
Du blé? Du pouvoir? Les deux? Et pour qui? A suivre …
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