Les Pays-Bas ont le meilleur système de pension au monde: en quoi diffère-t-il du modèle belge ?

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Selon le classement annuel de l’institut de recherche Mercer, nos voisins du nord ont le meilleur système de pension au monde. Pourquoi la Belgique est-elle moins bien classée ?

Le Mercer CFA Institute Global Pension Index, qui évalue les systèmes de pension en fonction de leur viabilité, de leur adéquation et de leur intégrité, a sacré les Pays-Bas comme ayant le meilleur système de pension au monde. L’Islande, qui occupait la première place l’année dernière, a reculé d’un rang et obtient la deuxième place cette année. Le Danemark complète ce podium et termine troisième, tandis que la Belgique a reçu comme note un B. Le point avec Philip Neyt et Yves Stevens (KU Leuven), experts en matière de pensions.

Comment expliquer le score médiocre de notre pays et le score élevé des Pays-Bas ?

PHILIP NEYT. “La Belgique a reçu une note de près de 70% (68,6%). Nous obtenons de très bons résultats en matière d’adéquation, de transparence, de gouvernance, etc. Mais nous obtenons un score médiocre en matière de durabilité. Il s’agit de la question suivante : notre système est-il durable ? Les chercheurs se penchent alors sur la dette publique et les déficits budgétaires. Nous savons tous que nous n’obtenons pas de bons résultats dans ce domaine. Pour le premier pilier des pensions, la pension légale, on examine également le nombre d’actifs dont nous disposons. En réalité, nous n’en avons pratiquement pas. Et vous le savez : il s’agit là d’une dette publique implicite. En effet, si nous calculons toutes les réserves du premier pilier que nous aurions dû accumuler aujourd’hui, nous arrivons à un montant bien plus élevé que la dette nationale.”

YVES STEVENS. On me pose souvent la question suivante : “Quel est le meilleur système de pension au monde ? Je trouve que c’est une question similaire à “Quelle est, selon vous, la plus grande personne au monde ?

“Nous devons être très conscients que cette étude de Mercer n’est pas neutre. Quels sont les critères pris en compte ? L’indice mondial Mercer est basé sur un certain nombre d’hypothèses avec lesquelles on peut être d’accord ou pas. Mais cela n’enlève rien au fait qu’il contient des hypothèses qui garantissent que certains pays resteront toujours à la traine.

Donnez un exemple de ces hypothèses dans le système de notation de Mercer ?

STEVENS. “L’une des hypothèses est qu’une pension sert à lutter contre la pauvreté. Cette hypothèse est raisonnablement correcte. Une autre hypothèse est qu’une pension doit effectivement atteindre un certain pourcentage de remplacement du revenu (le rapport entre les prestations de pension et le salaire de fin de carrière, ndlr). Cette hypothèse est elle aussi relativement plausible et nous, Belges, pouvons dans une certaine mesure la suivre.

“Mais il y a d’autres hypothèses importantes qui ne figurent pas dans le système. Par exemple, les prêts hypothécaires belges ne sont pas inclus. Aux Pays-Bas, de nombreuses personnes, même à un âge avancé, louent encore un bien immobilier. Le marché locatif néerlandais est beaucoup plus important que le marché belge. De ce fait, le revenu disponible après la retraite n’est pas le même aux Pays-Bas qu’en Belgique. Pourquoi ? Parce que la Belgique a choisi de rendre les taux hypothécaires suffisamment avantageux sur le plan fiscal pour que de nombreux Belges puissent acheter un bien immobilier. Ne dit-on pas que le Belge a une brique dans le ventre ?  Le Belge naît donc dans un pays où les prêts hypothécaires étaient destinés à lutter contre la pauvreté des retraités. C’est pourquoi la Belgique obtient de très bons résultats en termes d’accession à la propriété, même à un âge plus avancé. Mais Mercer n’a pas inclus ce paramètre”.

NEYT. “Plus de 70 % des Belges sont propriétaires de leur logement. Aux Pays-Bas, c’est le cas de moins de la moitié d’entre eux”.

STEVENS. “Autre exemple : notre deuxième pilier (les pensions complémentaires, que les gens se constituent au cours de leur carrière de salarié ou d’indépendant, ndlr) est en capital. Il ne s’agit pas d’un intérêt mensuel, comme aux Pays-Bas. Par conséquent, Mercer n’intègre pas complètement nos pensions complémentaires dans le système. Ce n’est donc pas grave si vous vous retrouvez en bas de l’échelle. Certains pays se retrouveront donc toujours dans les quatre ou cinq premiers.

“Les Pays-Bas sont-ils meilleurs que la Belgique ? Cela dépend de la manière dont on envisage les choses sur le plan culturel, idéologique et historique. Nous vivons dans deux États-providence complètement différents. Il faut prendre en compte l’ensemble de la situation.

Le système de retraite néerlandais repose sur trois piliers : AOW (Algemene Ouderdomswet – loi générale sur les pensions de vieillesse), la pension complémentaire par l’intermédiaire de l’employeur et l’assurance pension complémentaire individuelle. Le système belge inclut donc l’immobilier. Par ailleurs, quelle est l’ampleur des différences entre les Pays-Bas et la Belgique ?

STEVENS. “Aux Pays-Bas, le premier pilier est l’AOW, une pension de base basée sur la résidence. Tous les Néerlandais qui ont vécu et/ou travaillé dans le pays pendant 50 ans – donc aussi une femme au foyer, un fonctionnaire, un travailleur indépendant – reçoivent la même pension de base.”

NEYT. “Cela signifie qu’il n’y a pas non plus de différence entre les hommes et les femmes dans le premier pilier ; tout le monde est sur le même pied d’égalité. C’est déjà une énorme différence. Car chez nous, la différence entre les hommes et les femmes reste importante, et il y existe aussi d’énormes différences, encore historiques, entre les indépendants, les fonctionnaires et les salariés.”

STEVENS. “La pension néerlandaise de base met fortement l’accent sur la réduction de la pauvreté. Mais elle est financée par les ressources générales. Il ne s’agit pas d’une assurance sociale classique. Si vous prenez un pays comme la France, et que vous y relevez l’âge de la retraite, les Français disent : « Cette politique est en contradiction avec notre pension assurée. À partir d’un certain âge, on a le droit de se reposer. » Les Néerlandais, quant à eux, estiment que l’âge de la retraite doit être relevé s’il n’est plus abordable. Il s’agit en fait d’une question socio-culturelle”.

NEYT. “Dans le deuxième pilier, celui de la pension complémentaire, les différences sont également considérables. Elle est organisée collectivement aux Pays-Bas, mais l’employeur n’a pas d’obligation de résultat. Cela signifie que votre pension dans le deuxième pilier peut aussi bien augmenter que diminuer. On peut y réduire ses droits ; les réserves sont collectivement détenues par les participants. Alors qu’en Belgique, il s’agit d’un accord de pension avec l’employeur. Enfin, l’employeur agit comme un garant : le rendement est garanti par l’employeur. Aux Pays-Bas, cela n’existe pas”.

STEVENS. “Depuis cette année aux Pays-Bas, l’imposition entre le deuxième et le troisième pilier est la même. En Belgique, elle est toujours scindée, ce qui signifie également qu’en Belgique, parce que vous avez des distributions en capital et des rendements garantis, vous avez un résultat totalement différent de celui des Pays-Bas.

“Un exemple très important : en Belgique, nous avons investi dans une large mesure notre deuxième pilier dans des obligations d’État. Ces obligations sont donc payées par nous, les contribuables. Par conséquent, si vous investissez une grande partie de votre deuxième pilier en Belgique dans des obligations d’État, il s’agit, en termes d’investissement, d’une répartition déguisée. Le partage des risques dans l’indice Mercer est totalement différent aux Pays-Bas et en Belgique, parce que les investissements en obligations d’État sont plus importants en Belgique qu’aux Pays-Bas.

NEYT. “Ce qui explique aussi l’énorme différence dans l’indice Mercer, et pourquoi les Néerlandais obtiennent aussi de bons résultats, c’est que ce deuxième pilier a un taux de couverture beaucoup plus élevé. Il est obligatoire. 95 % des Néerlandais ayant un emploi bénéficient d’une pension complémentaire par l’intermédiaire d’un fonds de pension”.

STEVENS. “En raison de la forte augmentation du nombre d’entrepreneur indépendant (ZZP – zelfstandigen zonder personeel, ndlr), l’ensemble de la couverture s’érode.

NEYT. “C’est vrai. Les indépendants doivent compter sur le troisième pilier.”

Si vous regardez les chiffres de Sigedis (le prestataire de services qui gère mypension.be, ndlr), vous pouvez y lire : 4,1 millions de personnes couvertes en Belgique – c’est bien aussi, non ? Mais il faut faire preuve d’honnêteté intellectuelle. La réserve médiane constituée par ces 4,1 millions de personnes dans la pension complémentaire au 1er janvier 2022 est de 3.500 euros. Supposons que vous viviez encore 20 ans en moyenne après votre retraite, soit 240 mois. Si les intérêts sont égaux à l’inflation, cela ne représente que 15 euros d’intérêts par mois. Avec cela, vous ne couvrirez pas beaucoup de dépenses. En ce qui concerne la pension complémentaire de la plupart des Belges, 80 % d’entre eux disposent de moins de 100 euros d’intérêts par mois.

Réponse de Mercer (Dirk Kemkers, Senior Pension Consultant):

Si l’on examine les raisons pour lesquelles la Belgique obtient un score aussi faible dans la catégorie “durabilité” (39e place) par rapport aux Pays-Bas (4e place), la différence peut être justifiée :

– Très faible niveau de capital retraite accumulé : comme le cite également Philip Neyt, les pensions belges du premier pilier, par exemple, ne sont pratiquement pas préfinancées, alors qu’aux Pays-Bas, les pensions du premier pilier sont largement financées par certains des plus grands fonds de pension au monde.

– En Belgique, il n’y a pas de cotisations de pension minimales obligatoires pour tous les travailleurs, ce qui se traduit par un taux de participation nettement plus faible aux régimes de retraite complémentaire.

– Le taux de participation au marché du travail des 55-64 ans et des 65 ans et plus est très faible en Belgique.

Laurens Bouckaert

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