Les biotechs, pas pour les investisseurs particuliers

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Celyad a écrit un nouveau chapitre de l’histoire tumultueuse des biotechs sur Euronext Bruxelles. Un couac de plus qui pose question. L’investisseur particulier est-il suffisamment armé pour appréhender ce secteur complexe et risqué ?

Lundi 17 juin dernier, les actionnaires de Celyad se réveillent avec, semble-t-il alors, une bonne nouvelle. Ce jour-là, la société biotechnologique de Mont-Saint-Guibert présente de nouveaux résultats cliniques au 24e congrès de l’Association européenne d’hématologie à Amsterdam. Dans le communiqué, on peut lire : ” les résultats des études évaluant CYAD-01 pour le traitement de la leucémie myéloïde aiguë réfractaire (…) continuent de soutenir le développement clinique du produit “, ” les données préliminaires ont montré une meilleure prise de greffe cellulaire “, ” les premiers résultats (…) ont démontré que le traitement était bien toléré “. Pourtant, durant les premières minutes de cotation, le titre ouvre proche de l’équilibre. Une déception qui tourne ensuite au cauchemar pour les actionnaires. Celyad abandonne près de 30% sur la séance et touche de nouveaux plus bas historiques. Ne parvenant pas à rebondir, le titre continuera de s’enfoncer au cours des séances suivantes…

Les biotechs, pas pour les investisseurs particuliers
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Surréaction des marchés

Comment ce qui semblait être une bonne nouvelle a-t-il pu être accueilli par une telle dégringolade ? Cet épisode illustre toute la complexité d’investir dans les biotechs. Les résultats cliniques de Celyad étaient tout à fait corrects. Les trois analystes ayant fait le point sur le titre ce jour-là ont confirmé leur conseil d’achat. Ceux de Degroof Petercam ont même maintenu leur objectif de cours ambitieux de 72 euros, quasiment sept fois le cours de Bourse (10,7 euros) à l’heure d’écrire ces lignes. Aux Etats-Unis, où Celyad est également cotée, les analystes de sociétés de courtage semblaient estomaqués. L’un a ainsi affirmé être dans ” l’incapacité d’expliquer ce net recul de l’action Celyad ” alors qu’on autre évoquait ” une surréaction sur des données préliminaires et immatures “.

Une extrême sensibilité qui tient à deux facteurs. Le premier est le segment de marché dans lequel évolue Celyad. La biotech guibertine développe des traitements du cancer par immunothérapie. L’immuno- oncologie est promise à un bel avenir : elle permet de donner au corps les moyens de se défendre contre les cellules cancéreuses. Le bureau BIS Research évoque un marché de 170,70 milliards de dollars en 2028. Mais de très nombreux acteurs se sont engouffrés dans la brèche. Une étude réalisée pour l’année 2017 par le Cancer Research Institute recensait ainsi plus de 2.000 traitements d’immuno-oncologie en cours de développement. Les 469 études cliniques lancées cette année impliquaient le recrutement de 52.359 patients, ce qui pose problème pour les indications les plus convoitées.

Pour séduire les investisseurs, une biotech active dans l’immuno-oncologie ne peut se contenter de publier de bons résultats cliniques.

Pour séduire les investisseurs, une société active dans ce segment de marché ne peut donc se contenter de publier de bons résultats cliniques. Ils doivent aussi se révéler meilleurs que les autres immunothérapies en cours de développement. Ce qui n’a pas été visiblement reçu comme tel par le marché. Comme l’explique Severin Schwan, CEO de Roche, le leader mondial des anticancéreux, ” il y aura peu de gagnants et beaucoup de perdants ” dans l’immuno-oncologie.

Celyad n’est d’ailleurs pas la première biotech victime de ce genre de mésaventure. En 2017, Astra Zeneca avait par exemple plongé de 16% – soit une perte de 14 milliards de dollars en valeur boursière – alors que son immunothérapie contre le cancer du poumon n’avait pas fait mieux qu’une chimiothérapie.

Le second facteur pouvant expliquer la dégringolade de Celyad est un effet boule de neige. La trésorerie de la biotech belge l’obligera à lever des fonds au cours des 6 à 12 prochains mois. Or, plus le cours est bas, plus le nombre d’actions à émettre sera important, et plus cela fragilise le titre. Ce qui inquiète de plus en plus les marchés. Avec une capitalisation boursière descendue à 130 millions, Celyad risque une importante dilution lors de son augmentation de capital.

Une licorne n’est pas infaillible

Il serait tentant de considérer l’aventure vécue par Celyad comme une exception dans le paysage des biotechs belges. Après tout, Galapagos et argenx respirent la forme, ayant gagné leur place au sein du Bel 20 en affichant une valeur boursière de respectivement 4,7 et 6,2 milliards. Très prometteuses, ces sociétés n’ont toutefois pas encore commercialisé un seul traitement. Une étape qui est loin de n’être qu’une simple formalité et qu’aucune biotech cotée en Belgique n’a encore réussi à passer avec un réel succès – si l’on exclut UCB qui est avant tout un groupe chimique reconverti et pas une réelle biotech.

Il serait tentant de considérer l’aventure vécue par Celyad comme une exception dans le paysage. Ce n’est pas le cas.

Voyez l’histoire vécue par ThromboGenics il y a quelques années. Avant même que le terme licorne ne soit à la mode, la biotech louvaniste avait (largement) dépassé le cap du milliard d’euros de capitalisation boursière. Elle avait été promue au sein du Bel20 et les analystes tablaient sur des ventes annuelles proches du milliard de dollars pour son Jetrea. Ce traitement ophtalmologique a eu beau être commercialisé en janvier 2013, tout a ensuite été de travers. Les ventes n’ont jamais décollé, les médecins l’ont boudé. ThromboGenics a fini par jeter l’éponge et repartir de zéro avec de nouveaux traitements expérimentaux. Au passage, la société a changé de nom en Oxurion et le titre a perdu plus de 90% de sa valeur.

Commercialisation compliquée

On peut citer d’autres exemples. TiGenix avait été la première société à commercialiser une thérapie cellulaire (traitement basé sur les cellules souches) en Europe. Son ChondroCelect avait toutefois été recalé aux Etats-Unis. Les ventes de son traitement réparateur du cartilage du genou sont ensuite restées dérisoires en Europe en raison du prix élevé. La société louvaniste s’est réorientée et a été rachetée par le groupe japonais Takeda pour 1,78 euro par action en 2018, très loin du prix de l’introduction en Bourse de 5 euros en 2007.

Biocartis est arrivée en Bourse en 2015 précédée d’une solide réputation. Elle était présentée comme le Nespresso de la médecine génétique en référence aux capsules permettant de réaliser des diagnostics et de définir des traitements personnalisés sur son mini-laboratoire. Quatre ans plus tard, le titre végète à un peu plus de 10 euros, sous son cours d’introduction en Bourse (11,50 euros). La société malinoise n’a pas réellement démérité mais l’évolution des ventes suit une croissance linéaire, loin du boom espéré par certains aficionados, et l’activité demeure largement déficitaire.

Tout comme MdxHealth, qui a également vu son cours s’effondrer ces dernières années en raison du plafonnement des ventes de ses diagnostics du cancer à un niveau ne lui permettant pas d’être rentable…

D’autres sociétés ont aussi échoué en étant proche du but. Avant de se recentrer entièrement sur l’immuno-oncologie, Celyad avait ainsi dû abandonner son traitement expérimental de l’insuffisance cardiaque à la suite de résultats décevants pour la dernière phase des études cliniques. Bone Therapeutics était dans le même cas pour son produit contre l’ostéonécrose de la hanche. Et les autorités allemandes ont recalé le traitement expérimental du rhume des foins d’Asit Biotech juste avant la commercialisation.

Les biotechs, pas pour les investisseurs particuliers

A réserver au capital-risque

Cela confirme en fait ce que tout investisseur sait : les biotechs sont très risquées. Mais beaucoup négligent cette réalité au moment d’investir. Ils se concentrent sur le potentiel, la perspective d’un décuplement de valeur du titre, en oubliant qu’il n’y a qu’une chance sur 10, voire moins, que cela se concrétise. Pour Eric Lewin, touche-à-tout de la Bourse, les particuliers ne devraient tout simplement pas investir dans les biotechs. Il l’explique d’ailleurs dans son dernier livre, Ce qu’on ne vous dira jamais sur les marchés financiers. ” Le progrès scientifique consiste à chercher beaucoup pour trouver en de rares occasions… Des acteurs privés se spécialisent dans le financement de cette activité indispensable au progrès humain : les fonds de capital-risque. Ces derniers ont une expertise affûtée, de larges ressources et un portefeuille étoffé d’investissements qui leur permet de répartir les risques : une seule réussite rattrapera les pertes essuyées sur 10 échecs. Mais un tel fonctionnement n’est pas à la portée du grand public. Les particuliers n’ont absolument pas vocation à se substituer au capital-risque. “

3 conseils pour limiter les risques

Vous êtes conscient qu’investir dans les biotechs comporte des risques très importants mais le développement de nouveaux médicaments vous intéresse au plus haut point. Pour vous, il s’agit tant de placement que de soutien à la science et à des entreprises locales. Vous souhaitez donc continuer à investir dans ce secteur mais en essayant tant bien que mal de maîtriser les risques…

Si vous vous reconnaissez dans ce profil, notre premier conseil est évidemment de diversifier votre portefeuille. Une dizaine de positions ne sont certainement pas superflues. Il existe également des fonds indiciels (ETF) mais qui investissent essentiellement dans les plus grosses biotechs qui ont déjà commercialisé des médicaments à succès.

Le second conseil indispensable à suivre en matière d’investissement biotech – encore plus que pour toute autre action – est de ne pas en tomber amoureux, comme dit le dicton boursier. Il suffit de se rendre sur les forums boursiers pour constater que de nombreuses biotechs disposent de véritables fan-clubs à l’affût du moindre élément pouvant avoir un impact positif sur leur chouchou, tout en écartant de façon virulente tout avis opposé. C’est évidemment le meilleur moyen d’investir trop et trop longtemps dans une société.

Enfin, n’hésitez pas à vous fier aux sociétés d’investissement spécialisées. Que cela soit en termes d’accès à l’information (sources professionnelles, etc.) ou de connaissances (scientifiques, etc.), elles ont un avantage sur vous. On peut ainsi épingler que la seule position à découvert (profitant d’une baisse) déclarée par la FSMA sur Celyad est celle d’Armistice Capital (1,10% du capital). Ce hedge fund a commencé à shorter Celyad peu après avoir embauché Charles Shi qui peut se targuer d’une longue expérience d’analyste, d’un master en biotechnologie et d’un doctorat en immunologie… Autant dire un bagage financier et scientifique bien au-dessus de l’investisseur.

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