Est-ce le début de la fin pour les GAFA?
Les valeurs des Gafa (Alphabet – maison mère de Google -, Apple, Facebook et Amazon) ont chuté de 367 milliards de dollars en octobre. Les investisseurs redoutent le même scénario que pour PetroChina, Volkswagen, General Electric ou NTT DoCoMo.
Fin septembre, la valeur des Gafa frôlait les 4.000 milliards de dollars après qu’Apple et Amazon eurent atteint le nirvana boursier en affichant chacune une valeur de plus de 1.000 milliards (un trillion pour les Anglo-Saxons) de dollars. Rappelons que cette valeur fait référence à la capitalisation boursière, c’est-à-dire le cours d’une action multiplié par le nombre de titres. Elle n’est donc pas directement liée à l’activité de l’entreprise, à la valorisation de ses actifs ou à sa valeur d’entreprise (capitalisation boursière + dette nette). Les Gafa ne dominent d’ailleurs pas tous ces autres classements.
En termes d’activité, le distributeur américain Walmart est le numéro un mondial avec un chiffre d’affaires annuel de plus de 500 milliards de dollars – plus que le PIB de la Belgique -, et 2,3 millions d’employés. Sur la base des actifs, la banque chinoise ICBC se hisse en tête avec 4.100 milliards de dollars – plus que le PIB de l’Allemagne.
Fannie Mae est la plus importante société sur la base de la valeur d’entreprise. Le rehausseur de crédits américain affiche une valeur d’entreprise de plus de 3.000 milliards de dollars en raison de la colossale dette liée à son activité.
La domination des Gafa dans le panorama des entreprises mondiales est avant tout question d’engouement boursier.
Tout cela ne concerne toutefois que les entreprises cotées. Les officiels saoudiens visaient une valorisation de 2.000 milliards pour Saudi Aramco avant de renoncer au projet d’introduction en Bourse. La Sasac, agence chargée de la supervision des entreprises publiques chinoises, dépasse carrément les limites de l’imaginable : bénéfice annuel de 420 milliards (neuf fois Apple), actifs de 26.000 milliards et valeur des fonds propres (potentiel référence pour une cotation en Bourse) de 7.200 milliards de dollars.
La domination des Gafa dans le panorama des entreprises mondiales est donc avant tout question d’engouement boursier. Cette notion est particulièrement erratique comme ont pu s’en rendre compte ces entreprises en octobre. Ensemble, elles ont perdu 367 milliards de dollars de valeur boursière. Apple et Amazon ont dû abandonner leur statut de $1 trillion company. A noter que les deux entreprises technologiques ne sont pas les premières à tomber de leur piédestal. En 2007, l’entrée en Bourse de la compagnie pétrolière chinoise PetroChina avait enflammé les marchés jusqu’à propulser sa valeur boursière à plus de 1.000 milliards de dollars. Elle vaut désormais cinq fois moins, les attentes des investisseurs s’étant révélées bien trop optimistes, surtout dans un contexte de recul du prix du baril de pétrole par rapport au sommet de 145 dollars en 2008.
General Electric, l’étoile déchue
Sur le long terme, les erreurs d’appréciation peuvent ainsi s’avérer colossales. En 2003, Citigroup était la première entreprise à voir son bilan franchir le cap des 1.000 milliards de dollars. Dans la foulée, Forbes tablait sur une poursuite de la croissance de Walmart dont le chiffre d’affaires devait atteindre le même sommet en 2013. Le distributeur en est toujours qu’à la moitié. General Electric devait atteindre ce cap en 2029 – et aucune autre compagnie avant 2050. Quinze ans plus tard, le conglomérat a vu son chiffre d’affaires baisser de 10 % et a perdu sa place dans l’indice Dow Jones alors qu’il était le seul à en faire partie depuis l’origine en 1896. Fin octobre 2008, Volkswagen a brièvement occupé la place de première capitalisation boursière mondiale alors que les investisseurs ayant misé sur une baisse du titre avaient dû racheter leurs positions dans la précipitation en raison de la déclaration de participation de Porsche.
L’histoire boursière est parsemée de déconfitures pour les sociétés affichant les plus fortes capitalisations.
L’histoire boursière est en fait parsemée de déconfitures pour les sociétés affichant les plus fortes capitalisations. Il arrive même régulièrement que les investisseurs se fourvoient massivement sur tout un secteur. Ils avaient ainsi été nombreux à miser sur les télécoms et les équipementiers à la fin des années 1990. Les télécommunications ont bel et bien envahi nos vies, mais les principaux gagnants ne se nomment pas NTT DoCoMo, Cisco, Nippon Telegraph and Telephone, Lucent et Deutsche Telekom, certains ayant carrément sombré. Durant l’année 2008, la Chine avait réussi à placer jusqu’à cinq entreprises dans le top 10 mondial, mais elles sont depuis lors retombées dans l’anonymat bien que la Chine s’affirme bel et bien comme une puissance économique mondiale à part entière.
En panne de croissance ?
Comme le théorisait déjà Benjamin Graham après-guerre, les marchés ont tendance à se montrer maniaco-dépressifs. Plus la tendance est agitée comme en octobre, plus ils réagissent fermement. La publication par Apple d’une hausse de 41 % de son bénéfice a ainsi été complétement éclipsée par l’annonce qu’il ne dévoilerait plus séparément les volumes de vente d’iPhone à l’avenir.
Le ralentissement de la croissance à 20 % (!) chez Alphabet et à 29 % (! ! !) chez Amazon a fait paniquer les marchés. Facebook avait déjà entamé son chemin de croix en juillet quand il avait perdu l’équivalent de 120 milliards de dollars en une seule séance alors que ses revenus trimestriels sont ressortis à 13,2 milliards de dollars au lieu de 13,3.
Le point commun de toutes ces annonces est la crainte d’un ralentissement de la croissance. Avec les Gafa, les investisseurs paient très cher pour une ” croissance exceptionnelle qui est en train de devenir plus ordinaire “, pointait ainsi Bloomberg. Pour la première fois depuis de nombreuses années, les bénéfices du secteur technologique ont progressé moins rapidement que l’ensemble des entreprises sur Wall Street (19 % contre 26 % grâce notamment à la réforme fiscale). L’inquiétude des investisseurs est d’autant plus grande que ce ralentissement de la croissance se double de la menace d’une régulation plus forte et surtout d’une évolution technologique. Les Gafa misent sur l’intelligence artificielle mais parviendront-ils à en être les premiers bénéficiaires ou seront-ils dépassés par d’autres comme les opérateurs télécoms au début du siècle ?
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