Une nouvelle génération de fonds patrimoniaux

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Autrefois auréolés de multiples avantages, les fonds patrimoniaux ont perdu de leur éclat depuis la crise de 2008. Dans un contexte chahuté, certains sont toutefois parvenus à tirer leur épingle du jeu et à justifier des frais de gestion globalement plus raisonnables qu’autrefois.

Au début de ce siècle, les fonds patrimoniaux étaient fortement plébiscités, la combinaison d’actions et d’obligations leur permettant de générer de solides performances les bonnes années et de limiter les pertes les mauvaises. Véritable porte-drapeau de ce succès, le fonds Carmignac Patrimoine a ainsi pesé jusqu’à près de 30 milliards d’euros en 2013 malgré des frais et commissions élevés.

Las, les années suivantes, les performances déçurent la stratégie axée sur les pays émergents et les matières premières ne faisant plus recette. Aujourd’hui, les actifs nets de ce fonds ne sont plus que de 6,6 milliards euros.

La stratégie propre de Carmignac Patrimoine n’est toutefois pas seule en cause car le désamour pour les fonds patrimoniaux s’est généralisé. Principale raison? Des performances décevantes. Dans un environnement marqué par des taux ultra-bas, voire négatifs, la poche obligataire n’offrait plus le rendement de base espéré. Par ailleurs, l’évolution du paysage boursier a rendu difficile la quête de surperformance (par rapport aux indices) du portefeuille d’actions. La hausse, régulière, était en effet avant tout insufflée par les grandes entreprises (technologiques), rendant vaine la recherche de pépites parmi les petites et moyennes capitalisations.

La deuxième raison est le développement de la gestion indicielle, notamment au travers des ETF (exchange traded fund) qui peuvent s’échanger en Bourse aussi facilement qu’une action. Soudainement, les gestionnaires de fonds classiques se sont retrouvés en concurrence directe avec des produits aux frais jusqu’à 20 fois moins élevés, aux performances comparables et plus faciles à négocier.

Dans un tel contexte, 2022 aurait pu sonner le glas des fonds patrimoniaux, la chute concomitante des actions et des obligations ébranlant le principe même de ce type de stratégie basé sur la diversification.

Performances notables

Mais dans cet environnement extrême, quelques gérants ont pu s’illustrer. Les fonds R-Co Valor de Rotschild & Co (-8,1%) et The Blue Global Fund (-9,8%) sont ainsi parvenus à limiter leurs pertes sous 10% en 2022. Mention également pour plusieurs gestionnaires (d’origine) belges comme le fonds C+F Optimum Classic (-6,8%) de Capfi Delen, Waterloo Sicav Global Flexible (-10,7%) ou Protea Orcadia Global Sustainable Balanced(-12,5%).

Des performances notables quand les obligations mondiales (indice Bloomberg Global Aggregate Bond) et les actions mondiales (indice MSCI World) affichaient une perte de respectivement 16,2% et 17,7%. Pour limiter la casse, ces fonds ont usé de stratégies différentes. Par exemple, Protea Orcadia a misé sur les obligations indexées sur l’inflation alors que Blue Global a profité de ses positions en dollars et de ses importantes liquidités.

A noter que d’autres fonds ont encore fait mieux en 2022 comme le DWS Concept Kaldermogen qui a perdu moins de 5%. Un fonds pourtant à la traîne les bonnes années, contrairement à ceux cités ci-avant. En se souvenant qu’aucun gestionnaire n’est à l’abri d’une erreur (de timing), ce qui peut engendrer une importante volatilité pour des stratégies actives et pouvant investir assez largement en actions.

Tyrannie des frais

L’autre élément à tenir à l’œil avec ce genre de fonds, ce sont les frais. Les frais courants annuels (transaction, gestion, etc.) sont déduits des performances, mais comme le disait John Bogle, fondateur de Vanguard (numéro deux mondial de la gestion d’actifs), il faut se méfier de la “tyrannie des coûts composés”. C’est-à-dire quand les frais se cumulent année après année.

Par exemple, les fonds de Capfi Delen et de Waterloo AM sont destinés à leur service de gestion ; les fonds Blue Fund sont globalement réservés aux institutionnels et vous n’y aurez accès qu’avec un très gros patrimoine ou via un service de gestion. Les frais du fonds ne constituent ainsi qu’une partie des coûts subis.

L’agence Morningstar observe à ce titre une tendance à l’externalisation des frais, une évolution qui pourrait encore s’accélérer avec la limitation des rétrocessions souhaitée par l’Union européenne. Concrètement, il s’agit de commissions que le gestionnaire d’un fonds (ou d’un autre produit financier) reverse au distributeur (banque…).

Mairead McGuinness, commissaire européenne aux Services financiers, souligne que cela peut inciter les distributeurs à mettre en avant les produits pour lesquels les rétrocessions sont les plus élevées. Une intention louable qui risque toutefois d’accélérer le bourgeonnement des honoraires de conseils et autres frais réclamés par les banques.

Le second élément à surveiller en matière de coûts, ce sont les frais d’entrée dus sur chaque versement. Ils sont généralement plafonnés à un niveau assez élevé (de l’ordre de 4%-5%) mais dépendent largement de votre intermédiaire financier.

40% de la plus-value en frais

Malgré ces quelques points d’attention, la tendance globale est à la baisse des coûts. En France, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a, par exemple, constaté que les frais annuels de gestion des fonds diversifiés en France sont passés en moyenne de 2,1% en 2010 à 1,5% en 2021. En Belgique, la FSMA a calculé que les frais courants annuels des fonds mixtes étaient de 1,6% en moyenne en 2021.

Mais même à ce niveau, l’impact des frais peut être important, comme l’a illustré l’organisme. “Un investisseur place 10.000 euros sur une période de 10 ans. L’hypothèse de rendement brut annuel est de 5%” et les frais correspondent à la moyenne de l’ensemble des fonds belges: 2,2% pour les frais d’entrée et 1,5% pour les frais courants. Au bout de 10 ans, “les coûts totaux représentent 40% de la plus- value (brute)”. Protea Orcadia Global Sustainable Balanced fait à ce niveau partie des bons élèves avec 0% de frais d’entrée, des frais courants de 1,07% et une commission de performance de 5% (de la performance). Comparativement, Carmignac Patrimoine affiche des frais d’entrée allant jusqu’à 4%, des frais courants de 1,51% et une commission de surperformance de 20%.

Quels fonds choisir?

Le tableau ci-dessous reprend une sélection des meilleurs fonds patrimoniaux (allocation modérée et flexible) disponibles sur le marché belge. Comme vous pouvez le constater, la part d’actions est très aléatoire, allant de 9% à 96% d’actions. Rappelons toutefois que ces expositions évoluent dans le temps et témoignent davantage de la stratégie du moment que du niveau de risque structurel, surtout pour les produits d’allocation flexible.

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Les fonds à allocation modérée prévoient généralement une limite aux investissements en actions (et assimilés en termes de risques). Par exemple, le R-co Valor Balanced est plafonné à 55% d’actions alors que son “grand frère”, le R-co Valor, peut aller jusqu’à 100% d’actions (et a récemment atteint sa plus faible pondération en actions à 69%). Pour Capital@Work Foyer Balanced, le plafond en actions est 50% ; pour Kempen – MercLin Patrimonium de 75% ; pour Protea Orcadia Global Sustainable Balanced de 65% (avec un plancher de 30%) ; pour Franklin Diversified Balanced de 75%.

A noter que de nombreux fonds intègrent des critères ESG. Capital@Work Foyer Balanced, Invesco Sustainable Allocation, Protea Orcadia Sustainable Balanced, DWS Multi Opportunities (qui investit surtout dans d’autres fonds) et Vector Flexible C1 ont ainsi reçu une évaluation durable de quatre globes (sur cinq) de Morningstar et sont parvenus à générer de solides performances malgré un contexte moins porteur pour les investissements verts. Le secteur des hydrocarbures a par exemple profité de l’envolée du pétrole et du gaz alors que les énergies renouvelables souffrent de la hausse des taux et de problèmes d’approvisionnement.

Comment investir?

Si vous avez un portefeuille de titres dans une grande banque, il est fort probable que vous ne puissiez pas investir dans ces fonds. Les clients retail n’ont en effet souvent accès qu’aux fonds maison (et éventuellement de quelques autres gestionnaires), la panoplie est un peu plus large pour clients plus fortunés.

Pour un choix maximal (et des tarifs plus compétitifs), vous pouvez vous tourner vers les “supermarchés des fonds” comme MeDirect (900 fonds de 65 gestionnaires), Keytrade Bank (600 fonds de 54 gestionnaires), Deutsche Bank (1.800 fonds de 31 gestionnaires). Beobank (10 gestionnaires) fait davantage office de supérettes.

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