Umicore, Deceuninck, Recticel ou Tessenderlo: est-ce le bon moment pour se repositionner sur les valeurs industrielles belges?
Alors que les indices boursiers européens sont au plus haut, Umicore, Deceuninck, Recticel ou Tessenderlo affichent des chutes de 10% à 25% depuis le début de l’année. Est-ce le bon moment pour se repositionner sur les valeurs industrielles belges?
Après le CAC40 français et le FTSE100 britannique, le Dax allemand a atteint à son tour un nouveau record historique la semaine dernière. Comparativement, le Bel20 est très à la traîne: pour renouer avec ses sommets de 2007, il devrait encore progresser de 28%… Le poids important du secteur bancaire dans l’indice bruxellois avant la crise financière de 2008 n’est évidemment pas étranger à ce résultat. Mais l’évolution récente y a également contribué. Le Bel20 affiche en effet un repli de 0,8% depuis le 1er janvier contre des gains de 10% à 15% pour les marchés européens. Cette contre-performance est tout d’abord imputable à Umicore qui affiche une lourde perte cette année (-18%) alors qu’il fait partie des poids lourds de l’indice (pondération de 6% fin mars). Hors Bel20, la tendance n’est pas meilleure pour le secteur avec les dégringolades d’Azelis ou Recticel, notamment. Ci-dessus, davantage de détails sur la santé de nos grosses pointures nationales.
Solvay se recentre
Première valeur industrielle belge, Solvay s’en sort mieux cette année avec un gain de 7%, mais ce redressement intervient après des années de sous-performance. Sur cinq ans, le géant de la chimie affiche une perte de 11% en dépit d’avancées réelles en termes de résultats. Entre 2018 et 2022, son chiffre d’affaires a en effet progressé de 30% et son bénéfice par action a bondi de 60% à 1,7 milliard.
Stratégiquement, le groupe a progressé dans son recentrage sur les spécialités à haute valeur ajoutée avec notamment la vente de son activité polyamide à BASF ou la cession de ses 50% des RusVinyl. En mars 2022, Solvay a même annoncé sa scission en deux entités distinctes, pour l’instant sobrement baptisées EssentialCo et SpecialtyCo, ce qui n’a pas suffi à enthousiasmer les marchés. Frank Claassen, analyste chez Degroof Petercam, s’attend toutefois à ce que l’opération, qui doit être finalisée pour décembre, engendre une nette revalorisation du groupe grâce à SpecialtyCo. Cette dernière englobera les activités notamment dans les polymères (plastiques destinés à l’aérospatiale, aux smartphones, à l’allégement des voitures, etc.), les revêtements (industrie) ou les additifs alimentaires (vanilline, gomme de guar, etc.).
Concrètement, Solvay présente actuellement une valeur d’entreprise (VE) d’environ cinq fois son excédent brut d’exploitation (EBE), alors que les acteurs spécialisés comme SpecialtyCo se traitent plutôt à un multiple VE/EBE d’environ 10. “Chaque point supplémentaire de VE/EBE pour SpecialtyCo vaut 1,8 milliard d’euros ou 15% de la capitalisation boursière actuelle de Solvay”, précise l’analyste. En d’autres termes, le potentiel de hausse atteint 75% pour l’ensemble du groupe, une opportunité qui pourrait toutefois prendre un peu de temps à se concrétiser.
Le coup de mou d’Umicore
Le groupe a longtemps été le chouchou des analystes et des marchés grâce à ses positions fortes dans les catalyseurs automobiles et le recyclage de métaux précieux ainsi qu’à son développement dans les batteries (automobiles). Umicore fournit notamment des cathodes pour les batteries à base de nickel, manganèse et cobalt (NMC).
Le tournant est intervenu en 2021. Tout d’abord, son concurrent britannique Johnson Matthey annonçait renoncer à son développement dans les batteries en raison d’un manque de rentabilité structurel. Confirmant ces craintes, Umicore était ensuite contraint de renoncer à ses prévisions 2022 et 2023, les batteries NMC étant de plus en plus concurrencées par d’autres formulations (notamment lithium-fer-phosphate).
Depuis, le groupe ne parvient pas à redresser la barre et laisse les analystes perplexes. La majorité d’entre eux ont en effet un avis conserver/neutre. Les chiffres de l’activité recyclage se tassent dans le sillage du prix des métaux (surtout le rhodium et le palladium). Et les doutes demeurent quant à la rentabilité de la division batteries dont les volumes écoulés devraient repartir à la hausse l’année prochaine grâce à de nouveaux contrats. Selon le consensus des analystes, cela ne suffira toutefois pas à soutenir un rebond des bénéfices, la condition sine qua non pour qu’Umicore redresse la barre en Bourse.
Le surplace de Tessenderlo
Le groupe chimique a fusionné avec Picanol, spécialiste des métiers à tisser, un rapprochement avant tout initié par leur actionnaire commun, l’homme d’affaires flamand Luc Tack. Stratégiquement, le rapprochement a été justifié par des cycles économiques différés, la combinaison des deux devant permettre de stabiliser les résultats et de faciliter les investissements.
Cet argument n’a (logiquement) pas vraiment convaincu les marchés. Le titre est aujourd’hui au même niveau qu’en juillet 2022 lors de l’annonce de la fusion. Selon Frank Claassen, elle pourrait même freiner durablement le cours. “Nous considérons Picanol comme un actif attrayant, mais les synergies sont limitées”, dit-il. De plus, Tessenderlo “n’a pas vraiment fait une bonne affaire et a désormais encore plus un profil de conglomérat”. Avant la fusion, le groupe chimique était en effet déjà actif sur plusieurs marchés: canalisations plastiques, engrais spéciaux et gélatine. L’analyste de Degroof Petercam épingle également la faible liquidité du titre et la mainmise de Luc Tack sur l’actionnariat comme justificatifs de la faible valorisation du titre.
La baisse des résultats annoncée par le groupe pour 2023 est également de nature à freiner le titre… qui fait déjà du surplace depuis le début de ce siècle.
Bekaert relève la tête
Bon élève dans l’industrie belge avec un gain de 11% depuis début janvier, Bekaert se refait une santé progressivement après une très mauvaise année 2018. Le tréfileur courtraisien avait perdu sa place dans le Bel20 et surtout vu ses résultats chuter en raison de la très forte baisse de ses marges.
Ces deux dernières années, la volatilité des prix des matières premières et de l’énergie a continué de fortement influencer les marges, mais Bekaert reste positif. Outre les fils d’acier pour le renforcement des pneus, les fibres pour l’armature du béton et de nombreux autres débouchés industriels, le groupe cible de plus en plus les énergies propres. Il produit ainsi du fil à scier pour les cellules de panneaux photovoltaïques et investit dans les matériaux destinés à l’industrie de l’hydrogène.
Le titre est bon marché à neuf fois le bénéfice prévu pour cette année, qui doit pourtant être relativement creuse d’un point de vue conjoncturel, avant une reprise l’année prochaine. Bekaert a également relevé son dividende et confirmé ses objectifs stratégiques (notamment en termes de marge) début 2023. Il n’est donc guère surprenant que les analystes se montrent relativement confiants (cinq conseils d’achat sur sept avis).
L’incertitude Recticel
Le spécialiste de la mousse de polyuréthane a régulièrement défrayé la chronique ces dernières années, en raison notamment de la tentative de rachat avortée de Greiner. En termes d’activités, Recticel a décidé de se recentrer sur les panneaux isolants.
Mais cette stratégie a valu au groupe deux importants revers en début d’année. D’une part, Recticel devait revendre son pôle mousses techniques à Carpenter pour 656 millions, mais le groupe américain souhaite renégocier le prix de vente en raison de l’évolution de l’environnement économique. D’autre part, le ralentissement du secteur de la construction (dans le sillage de la remontée des taux) pèse sur les ventes d’isolants.
Les analystes considèrent globalement que l’action Recticel a été trop fortement sanctionnée avec une chute de 25% depuis le 1er janvier. Mais Kris Kippers de Degroof Petercam prévient qu’il demeure de nombreuses incertitudes – surtout dans l’attente de la finalisation des discussions avec Carpenter.
Deceuninck à long terme
Le redressement du titre s’est brusquement interrompu l’année dernière, le spécialiste des châssis en PVC étant présent en Russie et surtout très dépendant de la Turquie. Selon des déclarations du CEO Bruno Humblet à nos confrères de L’Echo, le groupe réalise la moitié de ses profits dans ce pays traversé par une crise économique et monétaire.
Malgré ce contexte, et malgré le ralentissement global du secteur de la construction, Deceuninck est parvenu à afficher des résultats en progression l’année dernière et table de nouveau sur une croissance de ses chiffres en 2023. Entre des marchés pessimistes et un management optimiste, les analystes ne tranchent pas vraiment et se montrent plutôt neutres.
Le titre est à réserver aux amateurs d’actions bon marché avec un potentiel de développement à long terme (présence dans les pays émergents, isolation des bâtiments) mais dont les perspectives à court terme sont plus volatiles.
Azelis à l’achat
Introduit en Bourse en 2021, le distributeur de produits chimiques connaît un début d’année particulièrement difficile avec une chute de 17%. En cause, le ralentissement économique qui a pesé notamment sur ses chiffres de vente au premier trimestre. Azelis a toutefois confirmé ses prévisions annuelles, dont une hausse de 10% à 15% de ses profits opérationnels.
Deuxième distributeur indépendant de produits chimiques dans le monde, Azelis affiche aujourd’hui une décote de près de 20% par rapport à son principal concurrent, le néerlandais IMCD. Ce qui explique que la grande majorité des analystes sont aujourd’hui à l’achat avec un objectif de cours moyen à 12 mois de 29,63 euros, soit un potentiel de 37%.
Belysse sous pression
En devenant Belysse à l’automne dernier, l’ex-Balta espérait sans doute effacer les affres d’une introduction en Bourse catastrophique. Arrivé sur Euronext Bruxelles en 2017 au prix de 13,25 euros par action, le groupe flandrien a connu une longue descente aux enfers perdant plus de 90% de sa valeur. En cause, des résultats décevants dans un contexte de demande limitée pour ses tapis et moquettes, clairement en perte de vitesse par rapport à d’autres revêtements.
En 2021, Belysse a revendu certaines activités (et la marque Balta) à Victoria Plc pour 225 millions d’euros afin de redresser son bilan. Toutefois, les perspectives restent moroses en raison avant tout d’une demande sous pression, la forte remontée des taux pesant sur la construction et la rénovation.
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Repli du Bel20 depuis le 1er janvier contre des gains de 10% à 15% pour les autres marchés européens.
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