Protégez votre portefeuille grâce à de “larges douves”

Tout indique que le second mandat de Donald Trump sera marqué par une escalade des droits de douane. © Getty Images

Inflation persistante, menaces de nouveaux droits de douane, voire risque de récession. Dans un monde économique incertain, les entreprises capables de maintenir un solide avantage concurrentiel s’avèrent plus résilientes.

Fervent partisan du protectionnisme, Donald Trump a marqué son premier mandat à la Maison Blanche par l’instauration de droits de douane ciblés dans le cadre de la guerre commerciale avec la Chine. Malgré certaines craintes, l’impact de ces mesures pour les entreprises est resté limité.

D’une part, les taxes ne concernaient que les produits chinois, limitant ainsi les répercussions mondiales et permettant aux importateurs de contourner les restrictions en passant par des pays tiers comme le Vietnam ou le Mexique. D’autre part, les taux appliqués étaient relativement modérés, allant de 7,5% à 25% pour une petite partie des importations. D’autant plus que la rapide dépréciation du yuan chinois face au dollar avait atténué l’impact de ces droits de douane sur les prix.

Risque de stagflation

Même si l’imprévisibilité de Donald Trump reste une constante, tout indique que son second mandat sera marqué par une escalade des droits de douane. Suivant ses promesses de campagne, ces nouvelles taxes seraient généralisées et atteindraient 60% sur les importations chinoises, 25% sur celles en provenance du Canada et du Mexique, et 10% sur le reste du monde.

Mais ce n’est pas la seule différence avec la guerre commerciale lancée en 2018. À l’époque, ces mesures intervenaient dans un contexte de faible inflation, où les banques centrales craignaient davantage la déflation. Aujourd’hui, ces droits de douane viendraient alimenter un environnement déjà marqué par des pressions inflationnistes.

“Si les droits de douane proposés sont intégralement appliqués, nous prévoyons une accélération à court terme de l’inflation, suivie d’un ralentissement différé de la croissance du PIB”, alertaient ainsi les économistes de Morgan Stanley à l’automne dernier.

Plus récemment, David Kelly, stratégiste en chef chez JP Morgan, s’est montré encore plus inquiet. “Il s’agit de l’une des rares politiques capables de provoquer une stagflation : une combinaison toxique d’inflation galopante et de croissance en berne, dit-il. Une guerre tarifaire généralisée appauvrira inévitablement le monde entier.”

Perspectives incertaines

À ce stade, il reste toutefois hasardeux de prédire l’évolution des droits de douane globaux. Donald Trump pourrait, par exemple, revoir ses ambitions à la baisse face aux risques économiques que de telles mesures impliquent. Il pourrait aussi être freiné par une avalanche de recours en justice, un scénario presque certain s’il choisissait de déclarer l’urgence économique pour étendre ses prérogatives, comme certaines informations de presse l’ont suggéré la semaine dernière.

La réponse des partenaires commerciaux des États-Unis constitue une autre grande inconnue. Adopteront-ils immédiatement des contre-mesures fermes, ou opteront-ils (dans un premier temps) pour la voie des négociations ?

Dans ce contexte d’incertitudes, les entreprises doivent jongler avec des variables imprévisibles sans avoir la possibilité de s’y préparer pleinement. Les capacités de stockage, par exemple, ou les sources d’approvisionnement alternatives sont souvent limitées, voire inexistantes.

Avantages concurrentiels

Dans ce contexte, la meilleure défense des entreprises face à l’incertitude économique et aux fluctuations des coûts réside dans leurs avantages concurrentiels. Plus une entreprise occupe une position de marché solide, mieux elle peut répercuter les hausses de coûts sur ses prix de vente, préservant ainsi sa rentabilité.

Ces avantages peuvent être regroupés en cinq catégories

1. Barrières à l’entrée : certains marchés sont difficilement accessibles pour de nouveaux entrants. L’aéronautique, avec ses coûts de développement colossaux, ou les industries comme la banque, la santé et la défense, soumises à une réglementation stricte, en sont des exemples emblématiques.

2. Actifs incorporels : les brevets et les marques constituent un rempart puissant contre la concurrence. Les brevets verrouillent l’accès à une technologie ou un produit, comme dans le secteur pharmaceutique, tandis que les marques fortes créent une fidélité inégalée. Warren Buffett illustre cette logique en prônant l’investissement dans des entreprises qui “achètent des matières de base et vendent des marques”, à l’image de Coca-Cola.

3. Économies d’échelle : la taille joue un rôle central dans de nombreux secteurs tels que la grande distribution, où elle permet d’optimiser à la fois le pouvoir de négociation avec les fournisseurs et l’efficacité des campagnes marketing. Elle est également cruciale dans le domaine des nouvelles technologies, comme le cloud computing. Alphabet y a, par exemple, investi à perte pendant 15 ans avant d’atteindre une taille critique et de générer des profits (à partir de 2023).

4. Effet de réseau : phénomène par lequel l’utilité réelle d’une technologie ou d’un produit augmente avec le nombre d’utilisateurs, jusqu’à devenir quasiment incontournable. Cet effet est particulièrement fort dans le numérique, comme les réseaux sociaux, les plateformes de streaming ou les marketplaces. Dans des secteurs plus traditionnels, il est prépondérant dans les télécoms ou pour les opérateurs de marchés financiers.

5. Coûts de changement : ces coûts représentent un frein pour les clients qui envisageraient de passer à la concurrence. Ils peuvent être financiers (comme des frais de résiliation) ou organisationnels, lorsque changer de fournisseur implique des ajustements complexes. C’est le cas, par exemple, des entreprises utilisant un ensemble de logiciels intégrés, où une transition pourrait perturber leurs processus internes.

Protection temporaire

Plus une entreprise dispose d’avantages concurrentiels solides, plus elle est en mesure de maîtriser sa stratégie de tarification. Apple en est l’exemple parfait. Le géant de Cupertino conjugue les cinq leviers de domination : coûts élevés de développement d’appareils distinctifs, notoriété mondiale de sa marque, pouvoir de négociation accru avec ses fournisseurs, App Store incontournable et parfaite intégration entre matériel et logiciel.

Cependant, aucun avantage concurrentiel n’est éternel. Ils peuvent notamment s’éroder face à des transformations technologiques. Les fournisseurs d’accès internet et portails comme AOL et Yahoo!, qui dominaient le web à ses débuts, ont ainsi vu leurs nombreux atouts éclipsés par l’émergence du haut débit et des navigateurs internet.

De même, les préférences des consommateurs évoluent. Des mastodontes tels qu’AB InBev ou Nestlé peinent aujourd’hui à convaincre de la valeur ajoutée de leurs marques face à la montée des labels de distributeurs et des produits artisanaux.

Dans ce contexte d’incertitudes, les entreprises doivent jongler avec des variables imprévisibles sans avoir la possibilité de s’y préparer pleinement.

De larges douves

Si vous souhaitez vous lancer dans la quête d’entreprises capables de préserver leurs résultats grâce à des avantages concurrentiels solides, il est crucial de vérifier que ces atouts restent pertinents face à l’évolution du marché. Cela implique un suivi régulier.

Une autre option est de vous tourner vers des fonds indiciels – ou de vous en inspirer. Van Eck propose une gamme d’ETF basés sur les indices moat (douves) développés par Morningstar. Ces indices regroupent des entreprises sélectionnées par les analystes de l’agence américaine en fonction de deux critères clés : une valorisation attractive et des avantages concurrentiels durables.

Morningstar distingue deux types de douves. Les larges douves (wide moat) désignent des entreprises dont les avantages devraient les protéger de la concurrence pendant au moins 20 ans. Les douves étroites concernent celles bénéficiant d’une avance estimée à une décennie. Si les atouts d’une entreprise paraissent fragiles ou éphémères, elle est tout simplement écartée de la sélection.

Autre point notable : ces indices sont équipondérés. Chaque entreprise y dispose d’une pondération de départ identique, ce qui réduit le risque de concentration excessive.

ETF spécialisés

L’ETF VanEck Morningstar Global Wide Moat (ticker : GOAT sur Euronext Milan, frais annuels de 0,52%) offre l’exposition la plus diversifiée. Avec 74 positions, il couvre largement les marchés mondiaux, principalement les États-Unis (40%) et l’Europe (36%). Seules des entreprises jugées capables de maintenir leurs avantages concurrentiels pendant plus de 20 ans sont incluses. Parmi elles, des noms prestigieux comme Walt Disney, Alphabet, Airbus, ASML, les groupes de défense Dassault Aviation et Rheinmetall, TSMC, Intercontinental Exchange (leader des marchés de matières premières) ou encore Emerson Electric, spécialiste mondial de l’automatisation.

Les autres ETF basés sur les indices moat de Morningstar se concentrent exclusivement sur le marché américain. Le VanEck Morningstar US Wide Moat (MOTU, frais annuels de 0,46%) rassemble 54 positions. Les 54 positions sont logiquement en partie calquées sur l’indice mondial avec quelques ajouts comme Nike, Salesforce (logiciels de gestion sur le cloud), le groupe biopharmaceutique Gilead ou le géant des snacks Mondelez. Une variante, le VanEck Morningstar US Sustainable Wide Moat (MOAT, frais annuels de 0,49%), applique en sus des critères de durabilité, excluant notamment les cigarettiers (comme Altria) et les entreprises de défense.

Enfin, pour les investisseurs intéressés par les petites et moyennes capitalisations américaines, le VanEck Morningstar US SMID Moat (SMOT, frais annuels de 0,49%) se distingue avec un portefeuille de plus de 100 positions. Celui-ci inclut des entreprises aux douves larges et étroites, comme les croisiéristes Carnival et Norwegian Cruise, la société de capital-investissement Carlyle, le fabricant de jouets Hasbro, ou encore Roblox, la plateforme de jeux prisée des plus jeunes.

Frais plus élevés

Comme vous l’avez peut-être remarqué, ces ETF affichent des frais supérieurs à la moyenne des fonds indiciels. Cette différence s’explique principalement par le travail d’analyse active nécessaire à la constitution des indices, ainsi que par la taille réduite de ces produits.

En comparaison, les frais annuels de 0,39% du L&G Global Brands (LABL sur Euronext Milan) semblent moins justifiés. Axé sur les marques, cet ETF repose sur un indice sous-jacent ni équipondéré ni particulièrement sélectif. En conséquence, les Magnificent Seven représentent à eux seuls 35% du portefeuille. Le top 10 inclut également Berkshire Hathaway, ainsi que les leaders des semi-conducteurs TSMC et Broadcom.

Dans ces conditions, un ETF plus classique sur l’indice mondial MSCI World ou le S&P 500 américain apparaît à la fois moins coûteux et mieux diversifié.

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