Les entreprises familiales plus performantes
Croissance, résilience (financière) et rendement: les entreprises familiales se distinguent en Bourse. En privilégiant certaines caractéristiques clés, vous pourrez même combiner surperformance et volatilité réduite.
Les analyses se suivent et se ressemblent: les entreprises familiales génèrent des rendements supérieurs à la moyenne sur le long terme. La dernière étude en date a été réalisée par le gérant français Carmignac. Selon sa base de données Family 500 “les 100 euros investis en janvier 2004 dans une société familiale seraient valorisés 297,30 euros fin octobre 2022, contre 250,73 euros pour la même somme placée dans une entreprise non familiale.” Soit une surperformance de près de 47 points de pourcentage.
Mais il convient avant tout de définir, en Bourse, ce qu’est une entreprise familiale. Pour sa base de données de référence Family 1000, Credit Suisse estime que cette catégorie inclut toute entité dont le fondateur/la fondatrice ou sa famille détient au moins 20% du capital et/ou des droits de vote de l’entreprise.
Indice très diversifié
La composition de cet indice rassemblant les 1.000 principales entreprises familiales cotées est dès lors très diversifiée. Lors de la dernière étude publiée par Credit Suisse, le secteur de la consommation discrétionnaire (automobile, luxe, loisirs, etc.) était le mieux représenté, avec une part de 18%. L’énergie et les services aux collectivités (électricité, gaz, déchets, etc.) se révélaient plus discrets à respectivement 2% et 3%. La répartition géographique est, elle, davantage marquée: l’Asie-Pacifique (hors Japon) représente près de la moitié du Family 1000, et l’Europe un quart. Curieusement, la part de l’Amérique du Nord y est d’à peine 14% alors que les Etats-Unis pèsent globalement plus de 40% de la capitalisation boursière mondiale.
Notons en outre que plus d’un quart de ces entreprises sont dites jeunes (moins de 25 ans), 35% matures (25-50 ans) et que près de 15% d’entre elles ont traversé les générations, affichant un siècle et plus.
Comme Carmignac, les données rassemblées par Credit Suisse montrent combien les entreprises familiales affichent des résultats annuels en Bourse supérieurs à leurs homologues non familiales de taille et activité comparables. Elles surperfoment ainsi de 370 points de base (3,7%) au-dessus de ces dernières. Une réussite nettement visible notamment sur Euronext Bruxelles, où l’on retrouve cinq entreprises familiales dans le top 6 des performances sur les cinq dernières années: D’Ieteren (famille D’Ieteren), Floridienne (famille Waucquez), Cenergy (famille Stassinopoulos), Lotus Bakeries (familles Boone et Stevens), Payton Planar (contrôlé par David Yativ via Payton Industries). Des performances que Carmignac explique par “l’investissement personnel des dirigeants et une stratégie à long terme combinée à une plus forte aversion au risque”.
Les entreprises familiales se caractérisent en outre par une meilleure rentabilité et une situation financière plus confortable. Ainsi, le rendement des fonds propres, soit la rentabilité des capitaux confiés par les actionnaires, était de 15,1% pour les sociétés familiales en octobre 2022 contre 13,1% pour les autres entreprises, selon le gestionnaire de fonds français.
Et en moyenne, les liquidités des entreprises du Carmignac Family 500 étaient supérieures à leurs dettes à la fin octobre, ce qui n’était pas le cas des groupes non familiaux dont la dette nette représentait quasiment leur excédent brut d’exploitation annuel. Credit Suisse a aussi constaté que les sociétés familiales enregistraient une croissance supérieure du chiffre d’affaires de l’ordre de 200 points de base (2%) par an.
Meilleures sous tension
Plus dynamiques, plus rentables et moins endettées, les entreprises familiales ont donc tout pour plaire. D’autant qu’elles gèrent également mieux les périodes de tension. Credit Suisse a ainsi constaté que les entreprises familiales ont mieux limité les dégâts en Bourse au premier semestre 2020 en pleine crise covid, avec une surperformance de 300 points de base (3%) au niveau mondial et même 620 points de base (6,2%) en Europe. Elles étaient également moins inquiètes de l’impact de la pandémie sur leurs perspectives à cinq ans.
Une plus grande confiance, qui est notamment corrélée à des investissements en R&D un peu plus élevés et une stratégie axée sur les produits, là où les entreprises non familiales se laissent plus vite tenter par la diversification en période de crise. “Nous avons aussi observé que les entreprises familiales ont réduit leur niveau d’endettement beaucoup plus rapidement que leurs homologues non familiales pendant la crise financière de 2008-2010”, poursuit la banque suisse.
Carmignac a en outre mis en évidence certaines caractéristiques susceptibles de renforcer ces capacités de surperformance. Une entreprise familiale obtiendra ainsi de meilleurs résultats si elle est gérée par la première génération, avec une majorité familiale, et installée dans un pays développé.
Les fondateurs génèrent en effet les meilleures performances. “Le rendement recule à mesure qu’augmente la génération aux commandes”, constate le gérant français. Sur la période analysée de 18 ans, “l’action des sociétés dirigées par la première génération affiche un rendement pratiquement deux fois plus élevé que celui des titres d’entreprises aux mains de la cinquième génération”.
Moins d’influences des minoritaires
Majorité familiale? Les entreprises dont le capital est détenu à plus de 50% par les fondateurs ou une seule et même famille affichent le meilleur rendement (x 4 entre 2004 et 2022) devant celles contrôlées entre 40% et 50%. Ce qui s’explique par “un meilleur alignement d’intérêts entre les actionnaires et les dirigeants”. Carmignac ajoute également que ces entreprises majoritairement familiales “subissent beaucoup moins les exigences des actionnaires minoritaires dont les intérêts peuvent ne pas toujours correspondre au développement de l’entreprise sur le long terme”.
Enfin, selon les données du gestionnaire, la surperformance des entreprises familiales n’est pas constante dans les pays émergents, contrairement aux marchés développés (Europe, Amérique du Nord, Japon).
Ces caractéristiques sont globalement confirmées par d’autres études comme celle du Credit Suisse qui constate que les entreprises européennes et dirigées par la première ou la deuxième génération s’illustrent tout particulièrement. Le tableau est toutefois plus contrasté en ce qui concerne la structure actionnariale: la banque entrevoit même un effet délétère quand le pourcentage de détention familiale dépasse 60%, ce qui peut s’expliquer par une liquidité réduite du titre.
Fonds et actions
Quel investissement choisir, dès lors? Plutôt qu’éplucher les déclarations de transparence et arbres généalogiques, vous pouvez déléguer la quête des perles rares à un gestionnaire de fonds. Fort de la base de données accumulée grâce au Carmignac Family 500, le gérant français a lancé en 2019 le fonds Carmignac Portfolio Family Governed (ISIN: LU1966630706) qui investit en actions d’entreprises familiales au niveau mondial. Il bénéficie d’une notation quantitative des performances de quatre * (sur cinq) et d’une appréciation qualitative de neutre auprès de l’agence Morningstar, ce qui le classe parmi les bons compartiments du genre. GS&P Fonds Family Business (ISIN: LU0179106983), axé sur les actions européennes, obtient aussi quatre * mais une appréciation qualitative négative. Le fonds KBC Family Enterprises Classic (ISIN: BE6266852704) fait partie des moins bien notés (deux * et appréciation négative).
Si vous préférez choisir vous-même des actions individuelles, vous pouvez commencer en cherchant de l’inspiration du côté de l’indice Euronext Family Business. Il vise à rassembler 90 entreprises familiales cotées sur les marchés français, belge, néerlandais et portugais avec une sélection de 30 grandes entreprises (capitalisation supérieure à 1 milliard), 30 moyennes (de 150 millions à 1 milliard) et 30 petites (inférieure à 150 millions).
Parmi les grands noms, nous retrouvons LVMH, Hermès, Heineken, Kering, L’Oréal, Pernod Ricard, Bouygues ou encore ArcelorMittal. Du côté belge, signalons: AB InBev, Bois Sauvage, Colruyt, Econocom, GBL, Miko, Nextensa, Payton Planar, QRF, Recticel, Sipef, Sofina, Solvay, Texaf, UCB et Umicore. L’indice s’est bien comporté depuis son lancement en 2017 (+32% hors dividendes) grâce notamment aux bonnes performances du secteur du luxe. LVMH fait d’ailleurs partie des principales entreprises familiales mondiales selon le Family 1000 de Credit Suisse avec Alphabet (Google), Tesla, Meta Platforms (Facebook), Samsung Electronics, Berkshire Hathaway (conglomérat de Warren Buffett) ou Walmart. La plupart de ces géants sont gérés par la première génération (fondatrice ou repreneuse dans le cas de LVMH ou Berkshire Hathaway).
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Les choix des gestionnaires de fonds peuvent aussi vous inspirer. Mark Denham et Obe Ejikeme de Carmignac plébiscitent tout particulièrement l’entreprise américaine Copart, spécialiste mondial de la revente de véhicules aux enchères. Son fondateur, Willis J. Johnson, est toujours président mais n’exerce plus de fonction exécutive. Le fonds mise aussi sur les soins de santé: Novo Nordisk (spécialiste danois du traitement du diabète), Danaher (dont la famille Rales n’a plus de fonction exécutive), Veeva Systems (solutions cloud pour l’industrie pharmaceutique fondé et dirigé par Peter Gassner) ou Eli Lilly (avec la fondation Lilly Endowment comme actionnaire de référence). Il est également exposé sur les cosmétiques avec Estée Lauder et L’Oréal.
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