Comment profiter du désintérêt des investisseurs pour les holdings?

Les analystes conseillent l’achat du titre D'Ieteren avec un objectif de 230 euros. © belgaimage

Souvent vantés pour leur diversification, les holdings n’échappent pas aux effets de mode en Bourse. Leur récente correction offre toutefois des opportunités dans une perspective de moyen et long termes.

“La popularité des sociétés d’investissement a atteint son apogée fin 2021-début 2022, constatent Joren Van Aken et Kris Kippers, analystes chez Degroof Petercam. Depuis, elle a considérablement diminué, les volumes d’échange ont baissé et la décote moyenne a augmenté.”

Cette tendance est particulièrement notable sur Euronext Bruxelles, où les holdings font partie du paysage boursier depuis plus d’un siècle: Sofina, société financière de transport et d’entreprises industrielles, a été introduite en Bourse en 1910. Longtemps secret et prudent (participations dans Danone, Total, Colruyt, Engie, etc.), ce holding a connu une nouvelle jeunesse sous la direction de Harold Boël, CEO depuis 2008. Sofina a progressivement réorienté son portefeuille vers le private equity (entreprises non cotées) et tout particulièrement les start-up technologiques. En 2017, il intégrait enfin le Bel20, à l’âge vénérable de 119 ans.

Entre 2011 et fin 2021, le holding de la famille Boël se sera envolé en Bourse, avec un gain de plus de 600%. Mais le réveil fut brutal, en 2022, avec une chute de plus de 50%. En cause: la remontée des taux d’intérêt, qui a plombé les marchés du private equity et des nouvelles technologies.

Depuys, Byju’s, sa pépite indienne active dans l’edtech, fait face à des problèmes financiers et THG (anciennement The Hut Group), spécialiste britannique de l’e-commerce, n’en finit plus de dégringoler après une entrée en Bourse en fanfare. Les investisseurs ont perdu confiance et la prime de 30% (par rapport à la valeur intrinsèque) s’est muée en décote de 30%.

Net rebond possible

Pour les analystes, cette correction est largement suffisante pour justifier un repositionnement. Aujourd’hui, les quatre recommandations sur le titre sont en effet à l’achat avec des objectifs de cours ambitieux. Plus largement, Joren Van Aken et Kris Kippers estiment que le secteur des holdings recèle désormais d’opportunités d’achat. “Nous nous attendons à ce que l’intérêt pour le secteur revienne dès que le marché des transactions se reprendra.” Le pic des cours des holdings a en effet coïncidé avec le sommet des opérations sur les marchés du private equity et le record de fusions et acquisitions de 2021: 62.000 opérations dans le monde et un montant total de 5.100 milliards de dollars, selon le consultant PwC.

Les deux analystes de Degroof Petercam entrevoient même la possibilité d’un net rebond grâce à un “double effet positif”. Soit une réduction de la décote, qui atteint un pic de près de 30% en moyenne, et la création de valeur. Le timing demeure toutefois incertain. Le principal élément ayant freiné le marché des transactions est la remontée des taux depuis l’année dernière. Ce qui renchérit le coût financier des opérations et incite les investisseurs à la prudence.

“Si nous entrons en récession, personne ne veut avoir surpayé dans un environnement déjà marqué par des taux plus élevés.”

Mais à l’heure actuelle, le sommet des taux directeurs semble assez proche. En effet, la Banque centrale européenne a sous-entendu qu’elle pourrait ne plus relever ses taux et la Réserve fédérale américaine ne prévoit plus qu’une hausse de taux “si nécessaire”. Reste qu’il n’est pas (encore) question de baisses de taux.

En outre, la crainte d’une récession refrène aussi les acquéreurs potentiels, selon Michael Ewald, partner chez l’investisseur Bain Capital Credit. “Je ne pense pas qu’il y ait un manque d’intérêt des acheteurs pour les transactions, mais si nous entrons en récession, personne ne veut avoir surpayé dans un environnement qui est déjà marqué par des taux plus élevés”.

Quand la reprise aura-t-elle lieu? Joren Van Aken et Kris Kippers espèrent que le second semestre de cette année marquera un tournant. Si ce n’est pas le cas, vous pourrez en profiter pour continuer à accumuler des positions dans les holdings les plus prometteurs…

Ratio clé

Reste à déterminer lesquelles! Pour les spécialistes de Degroof Petercam, le ratio clé est le rendement des capitaux investis (RDCI) qui influence grandement les niveaux de valorisation en Bourse. De façon générale, “le RDCI est déterminé en divisant la marge bénéficiaire nette par les capitaux investis engagés”. Appliquée aux holdings, “la marge bénéficiaire est le rendement qu’elles réalisent sur leur portefeuille d’investissement. Les capitaux investis correspondent à la fréquence à laquelle elles le font”.

Les deux composantes sont importantes, comme l’illustrent les cas de Sofina et de Brederode qui affichent des rendements équivalents depuis 10-15 ans en Bourse. La première investit principalement dans des entreprises en phase de démarrage. Le potentiel de gain sur chaque position est élevé, mais les chances de succès sont inférieures à 20%, selon Scale Finance & Harvard Business Review. La seconde investit davantage dans des entreprises en phase de développement. Ses gains potentiels sur chaque investissement sont moindres, mais ils sont plus nombreux grâce à des chances de succès dépassant les 50%, selon la société d’investissement RCP Advisors.

Par ailleurs, les deux analystes suivent également de près le taux de réinvestissement, c’est-à-dire la part des gains conservés (plutôt que distribués sous forme de dividende). Globalement, un niveau élevé donne au holding des moyens financiers pour investir et accélérer sa stratégie.

© National

Appliqué aux structures belges, ce double test permet d’isoler trois premiers choix: Sofina, D’Ieteren et Ackermans. Comme expliqué ci-avant, Sofina vient de connaître un passage à vide, résultant d’un marché moins porteur et de quelques déceptions dans son portefeuille. Les échecs sont toutefois normaux pour un holding qui investit dans de jeunes pousses. En outre, Sofina disposait de plus de 800 millions d’euros de cash à la fin juin, ce qui peut lui permettre de saisir les occasions qui se présentent. Son portefeuille est composé quasiment à 50-50 d’investissements dans des fonds de capital-risque et de participations directes dans des sociétés essentiellement non cotées.

Dans ce second segment, ses principales positions sont Bytedance (TikTok), Petit Forestier (véhicules frigorifiques), Cognita (groupe international d’écoles privées), la société de gestion Cambridge Associates, Drylock (producteur belge de couches), Nuxe (cosmétiques) et Biomérieux (diagnostics). Ces sept participations représentent un peu plus de 20% du portefeuille. Fin juin, sa valeur intrinsèque comptable était de 276,79 euros par action.

Même après correctifs pour tenir compte des risques de dépréciation (mise à zéro de Byju’s et Bytedance notamment), Kris Kippers obtient une valeur de 253,50 euros par action, 29% de plus que le cours actuel. L’analyste souligne également que “la stratégie de Sofina (combinée à un réseau unique de ce qui se fait de mieux dans le segment du capital-risque) demeure la bonne pour générer un RDIC élevé”. Pour nombre d’investisseurs, c’est aussi un des rares moyens d’investir dans le capital-risque international (exposition équilibrée entre Amérique du Nord, Europe de l’Ouest et Asie).

D’Ieteren mise à nouveau sur Belron

Voyons D’Ieteren, maintenant. Le groupe a progressivement évolué d’acteur diversifié du secteur automobile à holding (industriel) grâce à la vente en 2018 de 40% de Belron, leader mondial du vitrage automobile avec des enseignes comme Carglass. Le produit a notamment été réinvesti dans deux distributeurs de pièces détachées: Parts Holding Europe (véhicules légers et poids lourds en Europe) et TVH (engins industriels, de construction et agricoles dans le monde).

Le spécialiste des carnets de notes haut de gamme Moleskine et ses activités historiques de distribution des marques du groupe Volkswagen complètent son portefeuille. Ces derniers mois, l’ancrage industriel du holding a pesé sur le cours en raison de l’environnement économique dégradé.

Le catalyseur d’un rebond pourrait à nouveau être Belron qui représente toujours plus de la moitié de la valorisation de D’Ieteren. Après la nomination de l’ex- patron emblématique d’AB InBev au poste de CEO, l’entreprise pourrait faire son entrée en Bourse, possiblement dès 2024 selon Kris Kippers. Comme ses six autres collègues d’ING, Barclays ou Jefferies notamment, l’analyste de Degroof Petercam a un conseil d’achat sur le titre avec un objectif de 230 euros.

Quant à Ackermans & van Haaren (AvH), acteur historique du paysage boursier bruxellois, il repose sur quatre piliers bien distincts: dragage et construction (DEME, CFE), banque privée (Delen Bank et Banque Van Breda), l’immobilier (Nextensa actif dans les bureaux, le résidentiel, le commercial et le logistique), les ressources (Sipef, Verdant Biosciences, cimenterie) et le capital croissance (diverses participations, dont Biotalys). Son pôle le plus important est la banque privée (40% du portefeuille), mais DEME est la première position individuelle (29%). Le géant du dragage affiche un carnet de commandes record grâce aux projets éoliens en mer.

La hausse de taux de réinvestissement de ces dernières années et une trésorerie nette de 511 millions d’euros permettent à AvH de profiter des opportunités. Par rapport à sa valeur intrinsèque de 198,9 euros par action (selon Degroof Petercam), le holding présente une décote de 28% bien supérieure à la moyenne historique d’à peine 4,5%. Parmi les sept analystes suivant l’action, cinq sont ainsi à l’achat et deux à conserver.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content