Danger pour Colruyt, fin des hypermarchés : l’ouverture du dimanche va bousculer un peu plus le secteur de la distribution
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C’est dans l’accord du gouvernement : la suppression de l’interdiction du travail le dimanche. Cette mesure va entrainer un sérieux changement dans le secteur de la distribution : elle pourrait léser les hypermarchés ou certains magasins qui ne sont pas en mesure d’ouvrir le dimanche mais elle permettrait à d’autres de rattraper leur retard.
Ça n’aura pas tardé, quelques semaines à peine après l’accord du gouvernement, le secteur de la distribution réagit déjà à l’une de ces mesures. Avec la suppression de l’interdiction du travail le dimanche, Carrefour a fait savoir qu’il souhaitait en profiter et ouvrir l’ensemble de ses magasins le dimanche. Les syndicats doivent livrer leur avis avant le 1er avril, mais ne sont pas nécessairement adversaires de la mesure. “Nous vivons dans un monde différent depuis l’accord de gouvernement”, ont-ils déclaré à Gondola.
Carrefour couvre sous différentes enseignes et formats à la fois des magasins indépendants (623) et des magasins intégrés (40 hypermarchés + 43 Carrefour Market + 1 Rob). Les supermarchés indépendants peuvent ouvrir plus facilement le dimanche parce qu’ils n’ont pas de surprimes à payer comme les magasins intégrés. Pour ces derniers, l’ouverture dominicale est limitée à quelques dimanches de la période de fin d’année, moyennant des primes salariales importantes “Carrefour fait partie d’une commission paritaire différente des magasins indépendants qui se traduit par un coût salarial plus élevé”, explique Pierre-Alexandre Billiet, CEO de Gondola. Le recours à des travailleurs flexibles et à des étudiants permettrait d’absorber une grande partie de ce problème, l’accord de gouvernement prévoit d’ailleurs une extension de cette mesure.
Vers une franchisation ?
Cette annonce est en fait à relativiser puisqu’une grande partie des Carrefour était déjà ouvert le dimanche, notamment l’ensemble des franchisés qui constitue la majorité des magasins. “La question est de savoir pourquoi Carrefour ne franchise pas tous ses magasins pour profiter d’une certaine flexibilité”, s’interroge Pierre-Alexandre Billiet qui rappelle que Delhaize a ouvert la voie à une nouvelle manière de fonctionner. Pour le distributeur, l’enjeu sera sans doute la négociation d’une nouvelle commission paritaire. “Elles sont d’un autre temps et entretiennent une concurrence déloyale”, ajoute le CEO de Gondola.
Alors qu’auparavant le dimanche était connu comme jour de repos, il est progressivement devenu un enjeu de taille pour les commerces. “Le consommateur belge fait de vraies courses le dimanche, ce ne sont pas des courses de dernières minutes, mais de gros caddys qui ont un impact énorme sur les ventes”, poursuit-il. Le consommateur est dès lors plus favorable à retourner dans le même magasin qui lui offre cette flexibilité et impacte les ventes récurrentes.
Mauvaise nouvelle pour Colruyt
“Cette ouverture dominicale est surtout une mauvaise nouvelle pour Colruyt”, note Pierre-Alexandre Billiet. Leader en part de marché, le distributeur belge est le seul à ne pas ouvrir le dimanche à l’exception de ses succursales Spar (franchisés) et Délitraiteur (commission paritaire horeca). “Ça risque de peser très très lourd sur les ventes”, assure le CEO de Gondola qui se demande si le modèle Colruyt, peu flexible et également soumis à une commission paritaire moins avantageuse, pourrait ouvrir le dimanche. Le distributeur va sans doute à nouveau plaider pour une harmonisation des commissions paritaires dans le secteur de la grande distribution, comme il l’avait déjà fait lors de l’annonce de franchisation de Delhaize.
Autres perdants potentiels de cette ouverture dominicale : les petits indépendants qui seront forcés d’ouvrir pour rester dans la course. “Tant au niveau humain qu’économique, cela va vraiment devenir compliqué pour eux.”
Bye bye les hypers
Enfin, ce sont surtout les hypermarchés qui seront les grands perdants. “L’ouverture du dimanche sonne le glas pour les hypermarchés”, confirme Pierre-Alexandre Billiet. Année après année, ces derniers perdent en part de marché et très peu sont aujourd’hui rentables. “Le modèle est complètement dépassé tant au niveau social, qu’économique et financier.” Plusieurs raisons expliquent ce déclin, notamment l’arrivée des magasins spécialisés et qui ont poussé le non alimentaire hors des rayons, mais aussi l’e-commerce qui grandit de plus en plus. Pourtant, c’est surtout la recherche de proximité de la part du consommateur qui pèse sur ce modèle.
En résumé, l’ouverture dominicale va redessiner les règles du jeu dans le secteur de la grande distribution. La question est de savoir si cette nouvelle mesure va encourager davantage la franchisation ou la renégociation des conditions salariales via les commissions paritaires. “On va sans doute davantage voir les perdants que les gagnants de cette mesure”, ajoute Pierre-Alexandre Billiet.
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