Bloquer les salaires, est-ce légal ?
L’industrie automobile européenne boit la tasse. Aussi, parmi diverses mesures drastiques de réduction des coûts telles que la fermeture de trois usines en Allemagne, Volkswagen envisage de bloquer les salaires pendant une période déterminée. Une telle mesure est-elle légale ?
Un blocage temporaire des salaires peut constituer une violation des conditions de travail convenues avec le travailleur par exemple lorsqu’un mécanisme d’augmentation aura été prévu ou une promesse de promotion faite. L’employé pourrait alors tantôt exiger d’un juge de faire respecter la convention, tantôt considérer que le manquement de l’employeur ou la modification unilatérale des conditions contractuelles constitue un “acte équipollent à rupture” et demander ses indemnités de licenciement. L’éventuelle clause du contrat de travail prévoyant le droit pour l’employeur de réviser unilatéralement les conditions salariales est nulle, sur la base de l’article 25 de la loi du 3 juillet 1978.
Dans un contexte belge, la situation est encore plus compliquée pour l’employeur désirant bloquer les salaires car la plupart des commissions paritaires prévoient une indexation obligatoire des rémunérations sur base de l’indice des prix à la santé et selon une fréquence qui varie d’un secteur à l’autre. Ces indexations sont autorisées sous le régime de la loi du 26 juillet 1996 sur la modération salariale.
Sanction pénale
Les conventions collectives sectorielles réglant l’indexation sont rendues obligatoires par arrêté royal. Ne pas les appliquer expose donc l’employeur à une sanction pénale de niveau 1, soit une amende administrative de 80 à 800 euros (centimes additionnels compris), sans compter le risque civil de devoir payer des arriérés de rémunération. L’employé disposant à ce sujet d’un délai de prescription de cinq années et ce – en suivant la thèse du délit dit “continué” – à partir de la dernière infraction. En d’autres termes, un juge pourrait décider d’octroyer des arriérés sur toute la carrière d’un travailleur.
Et les travailleurs ne peuvent pas renoncer au bénéfice de l’indexation par avance. Une renonciation à ce droit ne serait valable que si elle est donnée après la date de l’indexation, donc après que le droit soit né (disposition impérative). Et bien entendu sans pression. La renonciation peut être implicite mais doit être certaine. En tout cas, le silence ou l’omission ne constituent généralement pas une renonciation.
Par contre, un accord (collectif) sur une réduction de salaire qui serait appliquée automatiquement après l’indexation, de manière à en compenser les effets, pourrait être valable selon nous. Enfin, il faudra tenir compte d’accords d’entreprise prévoyant des revalorisations salariales.
Pas simple
On le voit, un blocage des salaires n’est pas chose simple en Belgique. Ce qui amène alors à la question – pas forcément plus facile – de la modification unilatérale (à la baisse) des plans de rémunération variable, de la suppression de certains (petits) avantages voire de la modification unilatérale des conditions particulières de l’assurance hospitalisation ou de l’assurance de groupe (sans modifications directes des primes). Pour lesquelles l’employeur à défaut d’accord des travailleurs, tentera parfois un “passage” en force, escomptant que la majorité se taise…
Un avis juridique de Christophe Delmarcelle, associé fondateur au cabinet DEL-Law et juge suppléant au tribunal du travail.
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