Zone de turbulences pour l’assurance voyage? “L’ensemble du marché mis sous pression par l’inflation… et le climat”

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Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste

Tempête en Italie, incendies dans les îles grecques…Nombreux sont les touristes qui ont dû faire appel à leur assureur ces derniers jours. Une hausse de la demande qui pourrait avoir un impact sur le coût des sinistres et donc des primes. À cela s’ajoute l’inflation… L’assurance voyage est-elle entrée dans une zone de turbulences?

Observe-t-on une hausse des prix de l’assurance voyage ?

OLIVIER GORDENNE (Allianz Partners Benelux): « De manière générale, on observe une tendance à la hausse, notamment en raison de l’indexation des salaires, de l’inflation, de la crise Covid… », nous explique Olivier Gordenne. directeur commercial chez Allianz Partners Benelux. Chez cet assureur, la hausse s’observe surtout sur les produits d’entrée de gamme/les petites primes. Et pour cause : « Il y a des coûts qui sont beaucoup plus chers. Pour prendre un exemple, le prix du carburant n’est plus le même qu’il y a un an. Donc quand on envoie une dépanneuse, cela nous coûte plus cher. Et notre assurance assistance est donc elle aussi impactée ». Pour autant, la hausse reste abordable et modérée. « On n’aura pas une hausse de 50% des primes. On n’en est pas là. Les augmentations resteront de l’ordre de 10% », ajoute Olivier Gordenne. Pour les produits plus complets, les tarifs plus chers et les légères hausses régulières de ces dernières années ont en quelques sortes amorti le choc, de quoi freiner la croissance de certaines des plus grosses primes.

Même son de cloche du côté d’Ethias, selon sa porte-parole Albane Lairesse.

ALBANE LAIRESSE: « Effectivement, les prix sont en augmentation dans tout le secteur, en raison même de l’impact de l’inflation sur les prestations issues de ces assurances » , explique-t-elle, avant de rappeler que l’indice des prix à la consommation était en janvier 2023 de près de 10%, selon Statbel. « Notez que nous parlons ici de l’augmentation des coûts liés aux interventions comme, par exemple, le dépannage d’un véhicule tombé en panne ou encore la prise en charge du rapatriement d’un assuré malade ou blessé. Et c’est donc malheureusement l’ensemble du marché et de ses prestations qui ont été mis sous pression par l’inflation. »

Pour l’assureur Axa, pas de réelle hausse des prix de ce type de produit et ce, malgré l’inflation.

ALLAN MATTHYS (porte-parole d’Axa): « En ce qui concerne les assurances voyage, nous n’avons pas augmenté nos tarifs cette année – exception pour le Student Travel qui est un produit niche pour lequel nous avons appliqué une augmentation tarifaire moyenne de 2% sur les différentes configurations »

Mais comment expliquer une telle différence avec les autres acteurs du secteur? L’assureur justifie cette stratégie par une forte concurrence.

La concurrence profite-t-elle aux clients?

Sur un marché concurrentiel, les prix sont naturellement tirés vers le bas. « Nous avons revu à la baisse le pricing de la garantie annulation », explique encore le porte-parole d’Axa avant de détailler les diverses tendances.

Pour les contrats annuels:

  • On observe une diminution de 20% pour tous les clients souscrivant l’assurance comme une option à leur assistance médicale.
  • Il y a des réductions supplémentaires pour les 76 ans et +: jusqu’à -40% pour les voyages dans le monde et -30% pour les voyages en Europe.

Pour les contrats temporaires: on observe une diminution du prix jusqu’à 20% pour les personnes âgées de plus de 60 ans.

ALBANE LAIRESSE : « Outre les assureurs ‘classiques multibranches’, Ethias est également en concurrence avec des compagnies spécialisées en Assistance/Annulation. » Et ce sont ces assureurs-là, actifs dans une branche spécifique du secteur, auxquels il faut rester attentif. « Face à cette concurrence accrue, Ethias propose, comme pour tous ses autres produits, un excellent rapport qualité-prix (larges couvertures, prix attractif, service qualitatif…) ; le tout soutenu par un opérateur de renom, IMA Benelux Assistance, dont nous sommes actionnaires. »

OLIVIER GORDENNE : La concurrence a évidemment son rôle à jouer dans l’évolution des prix des assurances. Mais de là à ralentir tout le secteur, c’est loin d’être le cas. D’autant qu’il y a deux de nos concurrents directs qui ont disparu ces dernières années . Premièrement, on a l’Européenne (rachetée par Mapfre), qui était très populaire en Belgique, très connue des courtiers et des agences de voyage et qui a disparu début 2020. La deuxième, plus connue, c’est Touring. La société n’a pas complètement disparu mais s’est retirée du marché des agences de voyage et des tour opérateurs. Or, le groupe Allianz est particulièrement présent sur ce secteur de l’assurance. En Belgique, je pense qu’on est le numéro 1 de l’assurance voyage au niveau des entreprises de voyage, tour opérateurs et agences de voyage. 

Plus d’assurés depuis le Covid

La conjoncture actuelle est telle que de manière générale, il est impensable de revoir les assurances à la baisse. « Pas si on veut pouvoir indemniser tout le monde », nuance Olivier Gordenne le directeur commercial Belux d’Allianz Partners. Il faut savoir que les primes versées en 2023 permettent d’indemniser tous les clients qui auront des problèmes lors de leurs vacances cette année-là. « C’est une sorte de pot commun dans lequel l’assureur va aller piocher», précise-t-il encore. Au plus on remplit ce pot, au plus on garantit une meilleure couverture.

Autre chose: les clients ne manquent pas. Olivier Gordenne ajoute: «les annulations de vol et déceptions liées au Covid incitent les personnes à prendre une assurance pour leurs vacances à l’étranger. On le voit, depuis 2020, trois fois plus de vacanciers prennent une assurance ». « L’assurance annulation notamment est de plus en plus demandée ». Nul besoin donc de baisser les tarifs pour attirer de nouveaux clients…

Finalement, s’assurer pour les vacances coûte-t-il si cher?

ALBANE LAIRESSE : « En ce moment, chez Ethias, vous pouvez bénéficier d’une couverture très complète à partir de 134,50€ , avec un package qui comprend à la fois une assistance à/aux (la) personne(s) (à savoir les frais médicaux, le rapatriement…) et une assurance annulation. »

OLIVIER GORDENNE : Du côté d’Allianz, qui ambitionne de devenir le leader de l’assurance voyages sur le marché belge, souscrire une assurance coûte un peu plus cher. « Pour un voyage dans le bassin méditerranéen, comptez une prime de 2,40 euros par jour et par personne chez Allianz ». Pour un voyage de 20 jours en Europe, pour quatre personnes, cela revient environ à 192€. Pour voyager plus loin, « il faudra alors payer 4,80 euros par jour et par personne ». Au total, un même voyage coûtera alors 384 euros.

« Plus l’assurance est chère, plus on a de chance d’être indemnisé. Mais quand on voit ce que cette assurance voyage couvre, ce n’est finalement pas si onéreux », estime le directeur commercial. « Pour une assistance médicale, notamment, les frais couverts sont illimités ». Un avantage non négligeable quand on connaît les tarifs pratiqués dans certains pays. Et il ne faut pas nécessairement aller bien loin. En Suisse, les frais sont assez élevés quand on n’est pas pris en charge par un assureur. « À savoir qu’un rapatriement coûte environ 25.000 euros par heure de vol. Faites le calcul: un voyage de 5h, c’est 25.000 euros x 5. Donc 125.000 euros. Sans compter les frais médicaux et d’hospitalisation ».

Et si on voyage régulièrement, il y a possibilité d’opter pour une assurance annuelle, plus avantageuse. « On paie une fois la prime, de 219 euros par an, et on est couvert – notamment par une assurance assistance bagage et pour tout accident corporel – toute l’année. »

Quid du réchauffement climatique?

Le réchauffement climatique aussi a une influence sur les prix du marché. Des cas comme les incendies en Grèce, qui ont provoqué une grande opération de rapatriement des touristes, vont naturellement entraîner des hausses de tarifs sur le long terme.

OLIVIER GORDENNE : « Avec tout ce qu’on vit pour le moment en matière de catastrophes naturelles et événements météorologiques extrêmes, cela pourrait avoir un impact sur les primes dès l’année prochaine. Rien que cette semaine, on a eu plus d’une centaine de sinistres en une journée en Italie. Avec la tempête qui s’est abattue sur le nord du pays, de nombreuses voitures ont été endommagées et cela entraîne donc une augmentation des demandes d’assistance pour rapatrier les véhicules, les remorquer, les amener dans les garages pour les faire réparer. Et les gens aussi, lorsqu’ils n’ont pas d’autres solutions, on doit les rapatrier. Tout cela a un coût pour nous. »

ALBANE LAIRESSE : « Actuellement, ce nouveau type de risques n’est que très partiellement couvert par le marché. Toutefois, conscient que ces évènements climatiques tendent à se répéter, Ethias travaille actuellement à une évolution de ses produits visant à couvrir, tout ou en partie, de pareilles situations via extension de garanties optionnelles. »

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