Nouveaux résultats records pour Etex, malgré une année difficile: les clés de sa performance expliquées par son CEO, Bernard Delvaux

Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Malgré une année difficile pour le secteur de la construction dans le monde, le groupe belge affiche un bénéfice net de 267 millions d’euros, en hausse de près de 27%.

Pour la deuxième année consécutive, Etex, le spécialiste belge des solutions et des matériaux de construction légère, a atteint de nouveaux records.

Le chiffre d’affaires réalisé l’an dernier s’élève à un peu plus de 3,8 milliards, en hausse de 2,5% par rapport aux ventes records de 2022. Cette augmentation, il est vrai, est en partie due à des acquisitions, mais à périmètre comparable, la progression d’une année à l’autre est encore d’un peu moins de 1%. Le cash-flow opérationnel récurrent (REBITDA) atteint lui aussi un nouveau sommet, à 712 millions d’euros, en hausse de 10,4 % par rapport à 2022. Quant aux bénéfices (part du groupe), ils atteignent 267 millions d’euros, soit une amélioration de 26,8 % par rapport à l’année précédente.

Cette forte capacité d’autofinancement a permis à Etex, d’investir 371 millions dans ses usines et de poursuivre sa croissance externe en acquérant l’entreprise danoise Skamol (produits d’isolation à haute température), l’entreprise britannique Superglass (laine de verre), l’entreprise polonaise SCALAMID (fibres-ciment) ainsi que les activités de plâtre et de fibres-ciment de BGC en Australie en février de cette année. Et parallèlement, Etex a pu sortir sans dégâts de Russie : Etex, en reprenant le groupe URSA en 2022, avait en effet hérité de deux sites russes qui ont été cédés. « Nous avons pu trouver des solutions avantageuses pour les deux parties et nous n’avons pas dû vendre, comme beaucoup d’entreprises, à des conditions totalement déraisonnables », se réjouit Bernard Delvaux.

Une année difficile

Pourtant, pour le dire familièrement, ce n’était pas gagné. Comme nous l’explique le CEO d’Etex Bernard Delvaux, « cette année 2023 était assez compliquée. D’abord en raison de la volatilité, des taux d’intérêt, des coûts, des approvisionnements. Ensuite parce que cette année a été marquée dans beaucoup d’endroits, par d’importantes chutes de volumes, particulièrement en Europe, avec des situations assez dramatiques en Allemagne ou en Pologne. La France et l’Angleterre sont en train de décrocher depuis quelques mois mais ne sont pas dans la même situation. Et en Belgique, la demande a été soutenue par l’indexation des salaires mais on ignore dans quelle mesure l’économie belge ne va pas malheureusement suivre l’économie européenne et allemande en particulier. » Et pour couronner le tout, Etex a des activités relativement importantes au Nigéria et en Argentine. Or le Nigéria a été paralysé pendant deux mois par les élections, et en Argentine, la politique économique du nouveau président Javier Milei a fait plonger le peso et provoqué une hyperinflation. Les chocs subis dans ces deux pays ont négativement impacté le résultat de l’entreprise belge.

Cette année ne devrait d’ailleurs pas être très différente. Etex continuera d’évoluer dans un contexte d’incertitude et de volatilité, sans réelle reprise en vue. Malgré tout le groupe ne changera pas de cap : il vise à maintenir un cash-flow opérationnel élevé et à poursuivre ses investissements.

« Etex est un joyau »

Quelles sont les clés de cette performance de l’entreprise. « Je vais être un peu provocateur, mais Etex est un joyau, répond Bernard Delvaux. C’est vraiment une entreprise qui a un potentiel gigantesque et nous essayons d’en faire une machine de guerre, c’est-à-dire de développer la performance dans le contexte multi-local qui est celui de la construction. Chaque pays est différent, ils évoluent différemment en demande, en inflation, en régulation, en Europe et plus encore en dehors. Nous avons placé beaucoup de responsabilités au niveau local, avec des équipes qui sont autonomes et qui se rapprochent du client et qui font en sorte de venir avec des solutions, des systèmes, des produits qui sont certifiés avec des spécifications plus solides. Cela nous a permis, en nous rapprochant du client, d’améliorer nos résultats ». Cette stratégie a particulièrement poussé deux divisions : les solutions de plaques de plâtre et la nouvelle division fabriquant des matériaux d’isolation.

« Je vais être un peu provocateur, mais Etex est un joyau »

Bernard Delvaux, CEO d’Etex

Une dynamique de produit parfaite

Etex a également progressé sur sa « road to sustainability 2030 ». La durabilité, pour beaucoup d’entreprises industrielles, est une menace puisqu’elle nécessite de faire des investissements importants, tels que remplacer le gaz qui est une énergie bon marché par des alternatives souvent beaucoup plus coûteuses. Cela reste vrai. Mais, nous avons aussi travaillé sur la circularité. Nous avons été capables en 2023 d’augmenter de 26 % en un an l’utilisation de matériaux recyclés à travers tous nos produits. Dans nos produits de base comme la laine de verre, nous utilisons 65 % de verre recyclé. Nous utilisons presque 50 % de polystyrène recyclé, dans le polystyrène extrudé d’isolation. Quant au gypse, c’est un matériau éternellement recyclable.  Dans tous ces domaines, nous sommes leaders et nous continuerons à l’être parce que nous avons les produits qu’il faut, beaucoup plus légers et moins émetteurs de CO2 que ceux de la construction classique, le ciment, les blocs, le béton. Il y a une dynamique de produits qui est parfaite pour nous, qui faisons davantage partie de la solution que du problème, ajoute Bernard Delvaux, qui rappelle qu’en Europe, 30% du CO2 émis provient de la construction. « C’est dix fois plus que l’aviation, souligne-t-il ».

Une crise du logement se prépare

Et le patron d’Etex ajoute : « En Europe, la pression monte sur les gouvernements parce que le logement devient un problème. Il y a en fait trop peu de logements disponibles dans beaucoup d’endroits, et en particulier de logements offrant un niveau de confort et de standard environnementaux acceptables. Le prix de ces logements non confortables augmente très vite, la capacité d’investir des jeunes est devenue très problématique. Lorsque l’on met ces éléments en perspective, on observe qu’une vraie crise du logement se prépare à peu près partout en Europe. A un moment donné, les gouvernements vont devoir la traiter. Je ne dis pas que c’est simple, loin de là, mais ils vont devoir la traiter. Sinon, le problème dépassera largement le cadre du secteur de la construction », avertit-il.

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