Pourquoi Etex cartonne depuis cinq ans?

Usine Etex à Auneuil, dans les Hauts-de-France. Le groupe est implanté dans 45 pays et emploie plus de 13.500 personnes. © belga image
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

L’entreprise spécialisée dans les produits et solutions de construction légère aligne des résultats record. La recette, explique son CEO Bernard Delvaux: un bon mix de produits, une bonne politique d’acquisition et une belle agilité.

Etex, l’entreprise spécialisée dans les produits et solutions de construction légère, vient de publier ses résultats 2022. De très beaux résultats. La firme belge pilotée par Bernard Delvaux affiche un nouveau record, avec un chiffre d’affaires de plus de 3,7 milliards (en hausse de 25%), un cash-flow d’exploitation récurrent (Rebitda) de 645 millions d’euros – niveau qui n’avait jamais été atteint – et un résultat net récurrent de 275 millions d’euros. Si l’on tient compte des éléments non récurrents, le bénéfice consolidé atteint 218 millions, soit 10% de plus qu’en 2021. Mais ce qui est remarquable dans les performances financières affichées par cette entreprise implantée dans 45 pays et employant plus de 13.500 personnes, c’est que cette dynamique ne tarit pas depuis cinq ans.

La recette? “La combinaison de trois éléments, répond Bernard Delvaux. Le premier, ce sont les initiatives prises par mon prédécesseur, le comité de direction et le conseil d’administration afin de repositionner Etex. Nous sommes notamment sortis des activités liées aux tuiles pour nous orienter vers des produits durables, d’avenir, qui s’avèrent aujourd’hui faire l’objet d’une grande demande. Des produits recyclables qui correspondent à des productions moins émettrices de CO2 et qui garantissent un habitat plus durable en termes de consommation d’énergie.”

Bernard Delvaux, CEO d’Etex © Getty Images

Depuis une dizaine d’années en effet, l’entreprise s’est réorientée pour devenir un leader des solutions de construction légère. Etex s’est désormais structurée autour de cinq divisions. Building Performance est spécialisée dans les plaques de plâtre et des panneaux en fibre-ciment. Exteriors se focalise sur les revêtements extérieurs en fibre-ciment. Industry est centré sur les produits de protection incendie et d’isolation haute température. Insulation est une nouvelle division dédiée à l’isolation (laine minérale de verre, polystyrène extrudé) et New Ways est centré sur les technologies de construction hors site avec structures de bois et acier.

Le deuxième élément est la mise en place d’une politique d’acquisition. Etex a racheté fin 2020 les activités plâtre du groupe Knauf en Australie et, surtout, a déboursé près d’un milliard d’euros l’an dernier pour acquérir URSA, le grand spécialiste des produits isolants (laine de verre, polystyrène extrudé, etc.) basé en Espagne. “Cela nous a permis de passer dans une autre dimension et d’ajouter une cinquième plateforme produits à nos activités. Ces deux acquisitions se sont révélées très bonnes. Leur performance est largement supérieure à celle que nous avions estimée au moment où nous les acquérions”, se réjouit Bernard Delvaux. A cette politique s’ajoute en outre l’agilité, dernier élément gagnant. “L’an dernier a été compliqué pour tous, reconnaît Bernard Delvaux, mais globalement Etex, s’est assez bien adaptée.”

Comme toutes les entreprises grandes consommatrices d’énergie, Etex a dû faire face à la flambée des prix de l’énergie. “Si nous n’avions pas été couverts par des contrats fixes auprès de nos fournisseurs, cela nous aurait coûté 1,4 milliard d’euros en Ebitda! Nous étions heureusement très bien protégés. Mais une petite partie de contrats au jour le jour nous a obligés à nous remettre en question en permanence.”

“Nous avons été aussi confrontés à des augmentations hors du secteur de l’énergie mais qui en étaient la conséquence, avec l’augmentation des salaires ou le prix de produits importants comme le papier ou le métal. Nous avons pris en charge de manière extrêmement dynamique ces événements pendant les six premiers mois. Nous avons été amenés à contacter nos clients trois ou quatre fois sur l’année, avec des augmentations de prix. Ce n’est pas évident, mais cela a été bien fait… Cela nous a permis de conserver des marges qui, en euros, sont en légère progression. Mais ce ne sont pas des profits exceptionnels au sens de ceux que l’on a pu mettre en évidence dans d’autres secteurs.”

“Nous avons fondamentalement les produits verts, durables, recyclables dont le marché a besoin.”

L’entreprise a également été directement touchée par la guerre en Ukraine. “Nous avions des activités dans ce pays et plus spécialement à Bakhmout, où nous possédions une usine et une mine de gypse. L’usine a été bombardée plusieurs fois et est hors d’usage. Nous avons réagi, pour soutenir nos employés là-bas et trouver des solutions individuelles pour chacune des familles de nos 250 collaborateurs.”

Bernard Delvaux ajoute que l’intention d’Etex n’est certainement pas de quitter le pays. Même si, pour ce qui concerne Bakhmout, nul ne peut dire aujourd’hui qui aura le contrôle sur la région demain. “Mais au-delà, l’Ukraine est un très grand pays qui avait un niveau de développement économique significatif, ajoute-t-il. Le jour où il faudra le reconstruire, nous voulons en être, et je pense que nos produits seront tout à fait bienvenus.”

Globalement optimiste

Etex a également fait montre d’agilité en suivant de très près l’évolution du marché immobilier. “Nous avons été attentifs à maintenir l’activité, car nous craignions que la demande diminue. Les consommateurs paient davantage pour leur facture énergétique et les matériaux de construction, les taux hypothécaires augmentent et il est moins facile d’avoir un prêt. Nous nous disions donc que l’activité dans les nouvelles constructions allait être affectée. C’est en effet ce que nous avons observé à partir de l’été: les volumes se sont tassés à partir du troisième trimestre. Ces évolutions ont demandé beaucoup d’efforts à l’entreprise pour gérer ses capacités de productions et ses inventaires, d’autant que la situation est très différente d’un pays à l’autre. Chaque Etat a réagi différemment à la hausse des prix de l’énergie, par exemple.”

“Quoi qu’il arrive, nous allons continuer sur un chemin de croissance, en revenus et en volumes.”

Pour cette année, Bernard Delvaux se veut prudemment optimiste. “Je n’ai pas de boule de cristal. Nous nous sommes préparés à des scénarios alternatifs, mais notre hypothèse de base est que cette année nous permet d’envisager un niveau d’activité et un résultat également solide. Mais nous faisons aussi l’hypothèse que les pays européens auront une vraie volonté de promouvoir rapidement la rénovation pour des raisons économiques, sociales et environnementales. Car les pourcentages de rénovation du bâti aujourd’hui sont toujours bloqués à des chiffres insuffisants. Nous estimons qu’il faudra 100 ans pour rénover le bâti actuel en Belgique et, par extension, en Europe.”

Road to Sustainability

“Si vous projetez plus loin, ajoute le patron d’Etex, le besoin en nouveaux logements, en rénovation et en particulier dans des modes de construction plus respectueux, les régulations mises en place dans de nombreux pays favorisent nos produits. La France, par exemple, impose des taxes sur la recyclabilité des produits dans les constructions nouvelles. Cela nous aide parce que ce sont nos produits qui vont vraisemblablement être choisis. Nous pensons donc que quoi qu’il arrive ces deux ou trois prochaines années, nous allons continuer sur un chemin de croissance, en revenus et même en volumes. C’est pour cette raison que nous sommes globalement optimistes”.

Un optimisme qui repose aussi sur les efforts réalisés pour devenir une entreprise leader dans les activités durables. “Si vous ne faites pas les efforts nécessaires, vous pouvez souffrir de désavantages compétitifs et être éliminés par vos clients qui ne veulent plus vos produits. Mais pour Etex, c’est une gigantesque opportunité parce que nous avons fondamentalement les produits verts, durables, recyclables dont le marché a besoin. Au début de l’an dernier, nous avons réalisé un gros effort pour structurer une feuille de route – Road to Sustainability 2030 – fixant d’ambitieux objectifs pour Etex à travers le monde, notamment en termes de décarbonatation, de recyclage, de circularité qui sont des éléments stratégiques pour notre métier.”

“Nous essayons de nous positionner comme l’entreprise la plus innovante et la plus durable.”

Une route sur laquelle l’entreprise est déjà bien engagée. Entre 2018 et 2022, cette dernière a augmenté son utilisation de gypse recyclé de 54%, ce qui en fait le recycleur de gypse le plus avancé en Europe. Sur cette période, Etex a également diminué de 19,9% ses émissions absolues de CO2 et réduit ses déchets mis en décharge de 26,5%.

“Nous mesurons nos résultats dans ce domaine, ajoute Bernard Delvaux. Lorsque la Bourse de Bruxelles a publié son nouvel indice d’entreprises durables (Bel ESG), nous nous sommes demandé où nous nous situerions, même si nous ne sommes pas cotés sur le marché principal d’Euronext. Et nous nous sommes rendu compte que nous serions au top de la liste des entreprises industrielles. Nous ne sommes ni le plus grand, ni le moins cher. Mais nous essayons de nous positionner comme l’entreprise la plus innovante et la plus durable”, conclut-il.

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