Les villas quatre façades ne séduisent plus les acheteurs

Les prescriptions urbanistiques dans les permis de lotir sont un des freins à la division des villas quatre façades. © Getty Images

Trop grandes, trop chères et trop énergivores. L’attrait pour certaines grandes villas traditionnelles construites dans les années 1970 et 1980 mais aujourd’hui obsolètes est en recul. Avec des pertes de valeur à la clé. Quel avenir pour ce parc de logements? Division de bien, démolition/reconstruction ou encore maintien en état figurent parmi les possibilités. Mais aucune n’est simple.

Ce vendeur pensait que sa villa valait encore 700.000 euros. Or, il faut la rénover entièrement. Et donc y ajouter 150.000 supplémentaires. Ce qui fait que le budget total, avec les frais, se rapprocherait du million d’euros. Il faut que certains propriétaires redeviennent raisonnables et se rendent compte que ce marché s’est vraiment retourné depuis l’été dernier.” En racontant cet exemple rencontré il y a peu dans l’une de ses agences immobilières, Kim Ruysen, le CEO de Trevi, ne fait que détailler une situation qui se multiplie aux quatre coins de la Belgique. Même à des niveaux de prix le plus souvent bien moindres.

Si les rêves de quatre façades restent bien présents dans l’esprit de nombreux Belges, et ce malgré les nouvelles tendances d’aménagement du territoire, toutes les quatre façades ne sont pas logées à la même enseigne. La grande villa construite dans les années 1970 ou 1980, complètement obsolète sur le plan énergétique et qu’il faut entièrement rénover, perd clairement du terrain. Plus question pour un acquéreur d’y déposer ses valises et de se satisfaire d’un bien dans un tel état.

“Ce type de bien a perdu de la valeur, poursuit Christophe Hendrix, CEO de l’agence immobilière Hendrix, active en Brabant wallon. Nous effectuons régulièrement des estimations pour ces villas et les propriétaires ont du mal à accepter que les prix ne sont plus les mêmes que par le passé. Les futurs acquéreurs intègrent désormais le prix global, rénovation comprise. Ce qui change considérablement la donne. Plus question d’effectuer un achat en se disant que la rénovation s’étalera dans le temps.”

La course à la division

Que faire alors de ce parc de villas qui pourrait bientôt devenir obsolète et désuet? Plusieurs pistes sont sur la table, comme la division de logement, la démolition reconstruction ou encore le maintien en état.

L’immobilier ancien de mauvaise qualité va fortement baisser, appuie Renaud Grégoire, porte-parole de la Fédération des notaires. Je milite depuis de nombreuses années pour la démolition et la reconstruction d’anciennes bâtisses trop énergivores. Soit par exemple la démolition d’une grande maison située sur un grand terrain pour la remplacer par trois maisons neuves, plus compactes avec un jardin plus réduit. Pour y arriver, il faut que les services communaux d’urbanisme fassent preuve de davantage d’ouverture. Or, cela reste très compliqué.”

“Il y a des résistances à la densification et à la transformation mais maintenir ces bâtiments en l’état n’est tout simplement plus possible.” – JACQUES TELLER (ULIÈGE)

Quand on se balade en Wallonie, on observe néanmoins que si les immeubles à appartements se multiplient, ils sont rarement autorisés dans les lotissements. “Il s’agit d’une problématique à laquelle nous sommes régulièrement confrontés, fait remarquer Christophe Hanin, échevin de l’Urbanisme à Rixensart. Plusieurs villas situées sur des grands terrains ont été démolies pour faire place à des ensembles d’appartements. Nous nous y sommes parfois opposés car cela ne cadrait pas avec notre politique d’aménagement du territoire. Le demandeur a ensuite obtenu gain de cause en allant en recours devant le ministre. Nous devons d’ailleurs faire face pour le moment à la demande d’un propriétaire d’une villa implantée sur un terrain de 80 ares qui veut la remplacer par 17 appartements. Cela ne va pas. Même chose pour les demandes de division de bien qui sont systématiquement refusées mais octroyées en recours. A l’avenir, toutes ces villas obsolètes et trop spacieuses vont vraiment poser problème.”

Car si la division de logement ou la reconstruction permet de proposer de nouvelles formes d’habitat, il s’agit également d’un choix bien plus rentable pour le propriétaire. “Nous refusons les autorisations de ce genre car il n’est pas question de favoriser des opérations financières par le biais de division, nous disait d’ailleurs il y a peu l’échevin waterlootois Cédric Tumelaire. Car diviser une villa en deux logements, c’est aussi augmenter considérablement sa valeur. Nous ne sommes pas demandeurs d’une densification à outrance de manière à maintenir une certaine qualité de vie. Waterloo est déjà la commune la plus urbanisée du Brabant wallon.”

Dégager des solutions juridiques

En fait, il semble que seules les villas situées à proximité d’un centre, que ce soit d’un village ou d’une ville, pourraient recevoir un feu vert pour ce type d’opération, vu la nouvelle politique territoriale favorisant désormais les centralités en Wallonie.

“Cela dépend surtout de la commune, explique Fabrice Evrard, spécialiste en droit de l’urbanisme au sein du cabinet HSP. Dans certaines villes, les autorités refusent clairement la division de logement unifamilial pour qu’on ne porte pas atteinte à l’architecture du bâti. Car cela peut dénaturer le cachet de certaines habitations. Un autre frein à la division de villas quatre façades, ce sont les prescriptions urbanistiques dans les permis de lotir. Dans certaines communes, les autorités sont fort attachées à ces grandes villas. Elles ne veulent pas accepter de divisions car il y a une atteinte à l’uniformité du bâti et un risque de diminuer la qualité de vie. Sans parler des problèmes de mobilité que cette densification engendre. A contrario, cela augmente aussi la valeur du bien.”

Faire table rase du passé pour ce parc de logements paraît une démarche impossible. Une des possibilités à l’avenir serait donc de multiplier les opérations. “Il y a des résistances à la densification et à la transformation mais maintenir ces bâtiments en l’état n’est tout simplement plus possible, détaille Jacques Teller, professeur d’urbanisme à l’ULiège. Il faut ramener les coûts de rénovation au nombre d’habitants potentiels plutôt qu’au mètre carré pour saisir le problème. Cela étant dit, un certain nombre de ces villas sont localisées en proche périphérie des villes. Il y a là des possibilités en termes de reconversion qu’on ne retrouvera pas dans les quatre façades plus récentes et encore moins accessibles. Il convient néanmoins également de signaler qu’une partie du blocage est politique. Les élus locaux n’ont aucun intérêt à favoriser la reconversion dans des quartiers où la résistance est forte et de favoriser des reconversions qui sont perçues comme une forme de déclassement pour ceux qui restent. Et qui votent. La perte de valeur est par contre assumée par ceux qui héritent des biens et qui ne vivent bien souvent pas dans la commune… On est donc dans une impasse. Il faudrait un cadre régional pour sortir du blocage et valoriser le foncier potentiellement valorisable. Avec une procédure allégée pour les opérations de densification.”

Un supplément !

Impossible d’ignorer la performance énergétique lors d’une transaction immobilière. Le score PEB est désormais tout aussi important que le prix et la localisation du bien, ce qui impacte fortement le prix des maisons et appartements. Le nouveau Guide immobilier de Trends-Tendances qui est paru le jeudi 4 mai fait le point sur le sujet et vous présente tous les prix des maisons et appartements du pays, commune par commune, en fonction de leur PEB.

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