Le marché des kots reste très séduisant pour les investisseurs

TIMING. Ceux qui commencent leurs recherches trop tard doivent souvent se contenter d’une chambre coûteuse.

Les étudiants et leurs parents ne sont pas contents. En raison de la pénurie sur le marché, la recherche d’un logement convenable est devenue presque aussi stressante que la période des examens. Les prix des kots d’étudiants sont également montés en flèche. Pour les investisseurs, ce marché redevient dès lors séduisant.

Depuis plus de deux ans, le marché de l’immobilier doit affronter d’importants vents contraires. En particulier, dans le secteur résidentiel ou le développement et les ventes ont particulièrement souffert de la hausse des taux d’intérêt.

Cependant, le marché de niche de l’immobilier étudiant semble échapper à ce malaise. L’offre restreinte, combinée à l’augmentation du nombre d’étudiants, a pourtant mis le marché à rude épreuve avec des prix de kots qui ont augmenté très rapidement. En plus du stress habituel lié à leurs examens, les étudiants s’ajoutent une autre angoisse avec la recherche d’un kot. Ceux qui s’y prennent un peu tard doivent souvent se contenter de la moins bonne offre ou d’un kot (trop) cher. Les étudiants n’ont généralement pas beaucoup de temps devant eux pour comparer les offres. Kotkompas, une étude de marché annuelle réalisée par l’agence d’études immobilières Stadim et le gestionnaire de biens immobiliers pour étudiants Diggit StudentLife, montre que 45 % des étudiants décident de louer un kot après une seule visite. Et environ trois-quarts d’entre eux signent un bail au terme de trois visites maximum. Les propriétaires de logements pour étudiants se trouvent en position de force et peuvent se montrer ainsi laxistes.

“Il ne s’agit pas d’une situation de marché équilibrée”, estime Frederik Boumans, associé chez Stadim et co-auteur de l’enquête Kotkompas. “En fait, il faut un taux de vacance frictionnelle (moins de deux ans, ndlr) correct, afin que toutes les parties puissent faire un choix équilibré et que les kots qui ne répondent plus aux attentes ou aux besoins disparaissent du marché.”

Toutefois, Frederik Boumans ajoute immédiatement que la pénurie d’offre n’est pas la même dans toutes les villes estudiantines. C’est à Gand, Bruxelles et Louvain que le besoin d’offre supplémentaire se fait cruellement ressentir. Dans la capitale, la ville étudiante la plus grande et la plus chère du pays, l’augmentation régulière du nombre d’étudiants est compensée par une réserve bienvenue de projets intéressants. Pour Namur, Kotkompas évoque la possibilité qu’en cas de stagnation du nombre d’étudiants, les projets en cours d’élaboration puissent conduire à un équilibre sain, voire à une offre excédentaire.

LOGEMENTS POUR ÉTUDIANTS. Une offre restreinte, combinée à l’augmentation du nombre d’étudiants, met le marché sous pression.

Une offre fragmentée

La pénurie de logements étudiants se fait de plus en plus sentir, mais le phénomène n’est pas neuf. Des villes comme Bruxelles et Gand affrontent une pénurie structurelle depuis plusieurs années. Cette pénurie des offres est même un thème récurrent de l’enquête annuelle. Pourquoi n’a-t-on toujours pas trouvé de solution à ce problème ? “Cela s’explique en partie par l’hyper-fragmentation du marché, répond Frederik Boumans. Outre quelques grands acteurs comme Xior, il y a de nombreux petits investisseurs qui possèdent un ou plusieurs kots. Certaines institutions universitaires sont également de grands propriétaires de logements destinés aux étudiants et ont un impact important au niveau local. A Louvain-la-Neuve, par exemple, l’UCL est un acteur dominant du marché.”

Le rôle de la logeuse (ou kotmadam en néerlandais) traditionnelle semble être sur le déclin : seulement 1 % des étudiants interrogés déclarent louer un kot par le biais de la “formule hospitalière” (hospitaformule). Pour environ 10 % des étudiants de l’enseignement supérieur, c’est via le “patron de kot” (kotbaas ou propriétaire de locaux avec des chambres d’étudiants, ndlr), alors qu’environ 72 % des sondés affirment signer leur bail auprès d’un professionnel ou d’un propriétaire privé. Les 17 % restants comprennent les personnes qui louent auprès d’amis ou de membres de leur famille et puis il y a celles qui ne savent pas. “Cette grande diversité et fragmentation de l’offre rend la transparence du marché d’autant plus difficile”, réagit Frederik Boumans.

“L’immobilier étudiant s’accorde bien avec d’autres types d’immobilier, comme les logements pour personnes âgées ou les hôtels.” – Frederik Boumans (Stadim)

Ce contexte flou explique sans doute pourquoi les acteurs professionnels et les autorités locales font preuve d’une certaine prudence dans la création d’une offre supplémentaire. Cela ne signifie pas pour autant qu’aucune mesure n’est prise. “D’après nos échanges avec les autorités locales des villes étudiantes confrontées à une pénurie d’offre, il semble qu’elles soient bien conscientes de l’urgence de créer une offre supplémentaire. Et elles envisagent toutes des solutions très générales. Celles-ci vont d’une offre supplémentaire dans les communes voisines, à un assouplissement de la formule “kotmadam“, en passant par des logements temporaires pour étudiants dans des conteneurs. A Anvers, la Care Company propose même une formule où les étudiants peuvent louer une chambre dans un centre de soins résidentiel”, explique notre interlocuteur.

Depuis un moment, Stadim ressent également un intérêt croissant de la part des investisseurs professionnels dans l’immobilier pour le logement étudiant. “Il s’agit de parties qui n’ont pas encore de biens immobiliers pour étudiants dans leur portefeuille, détaille Frederik Boumans. Devenir actif sur un marché que l’on ne connaît pas bien comporte toujours un risque. Si les investisseurs franchissent ce pas, c’est qu’ils se sentent à l’aise avec les conditions actuelles du marché.”

En même temps, les villes et les investisseurs craignent une offre excédentaire. En effet, en plus d’être un marché de niche, l’immobilier étudiant est aussi le marché très local par excellence. En effet, un excédent d’offres dans une ville étudiante ne compensera pas une pénurie dans une autre cité estudiantine. Dans les petites villes étudiantes, un grand projet peut même faire basculer un marché en pénurie à l’offre excédentaire et à la vacance.

Mais la demande en logements estudiantins reste aussi un facteur en partie imprévisible. Les statistiques démographiques permettent d’estimer facilement le nombre d’étudiants, mais le rapport entre le nombre d’étudiants qui “kottent” et celui de ceux qui restent au domicile familial n’est pas constant. Après la pandémie du covid, par exemple, on a constaté une explosion de la demande en logements qui peut expliquer en partie la pénurie actuelle. Mais la situation peut tout à fait s’inverser. Le nombre des étudiants étrangers connaît aussi une évolution constante et constitue un facteur incertain mais avec un impact important sur la demande de logements pour étudiants.

“Une offre excédentaire n’est pas nécessairement problématique, estime Frederik Boumans. L’immobilier étudiant s’accorde bien avec d’autres types d’immobilier, comme les logements pour personnes âgées ou les hôtels. Même pour les logements temporaires, une offre excédentaire peut parfois être une solution. Pensez, par exemple, au logement des ouvriers étrangers pour les travaux de l’Oosterweel, à Anvers. De toute façon, les architectes d’aujourd’hui tiennent davantage compte de la flexibilité et de l’évolution des remplissages dans leurs projets. L’inverse est également possible : à Anvers, le promoteur immobilier Antonissen Development Group a l’intention de transformer un immeuble de bureaux en un complexe de logements pour étudiants comprenant 235 chambres d’étudiants.”

D’un autre côté, les villes se méfient également d’une grande concentration de dortoirs d’étudiants, car elle peut nuire à la qualité de vie d’un quartier. “Une pénurie exerce une pression sur le marché résidentiel ordinaire, note Frederik Boumans. Il s’agit donc d’un difficile exercice d’équilibre.”

KOTS. La barrière à l’entrée pour les investisseurs est relativement faible.

Choisir entre un appartement et une voiture

Par ailleurs, les prix des logements pour étudiants sont en hausse depuis plusieurs années, ce qui pèse évidemment sur les finances des familles ayant des étudiants devant kotter. L’enquête Kotkompas démontre d’ailleurs que l’aspect financier est de loin la raison la plus souvent invoquée pour ne pas prendre un kot.

C’est à Bruxelles que les prix sont les plus élevés. Kotkompas a calculé que le loyer moyen “nu” – c’est-à-dire hors frais – pour une chambre avec les sanitaires était de 510 euros. En Flandre, il est un rien moins cher, soit 490 euros, alors qu’en Wallonie, il n’est que de 400 euros.

Mais ce qui est plus intéressant et le plus pertinent, selon Frederik Boumans, c’est le prix COT (cost of tenancy, les charges en français), qui tient compte des frais supplémentaires pour l’énergie, les facilités, les services, etc. Pour une chambre équipée de sanitaires à Bruxelles, ce prix COT s’élève aujourd’hui à 615 euros, contre 575 euros en Flandre et 490 euros en Wallonie. En trois ans, le prix moyen du COT a donc connu une augmentation importante d’environ 100 euros. Cette dernière correspond largement à l’évolution de l’inflation au cours de cette période. Une baisse ou une stabilisation des prix du marché actuel ne semble en tout cas pas se profiler à l’horizon.

Frederik Boumans note aussi qu’un certain nombre de projets de logements pour étudiants sont en cours de réalisation ou en préparation. Mais compte tenu de délais de livraison parfois éloignés, notre expert ne s’attend pas à ce que ces nouveaux projets provoquent des effets majeurs sur les prix.

Si ces derniers venaient encore à s’embraser dans les prochains mois, les propriétaires de logements étudiants devront prendre en compte le risque de voir des étudiants en kots les quitter pour d’autres alternatives. Celles-ci pourraient se trouver sur le marché du logement ordinaire, par exemple en louant un appartement ou une maison avec des amis ou dans l’automobile. En effet, un quart des étudiants envisageraient l’achat d’une voiture si cette solution de logement s’avérait plus intéressante financièrement que la location d’un kot.

En plus d’être un marché de niche, l’immobilier étudiant est aussi le marché très local par excellence.

Du côté de l’offre, des solutions susceptibles de baisser le prix des logements sont également envisagées. Il s’agit par exemple d’installations pour étudiants dans la périphérie des cités universitaires ou dans les communes voisines. “Ces centres étudiants peuvent certainement contribuer à résoudre le problème de l’accessibilité financière, estime Frederik Boumans. Mais il ne faut pas non plus en attendre des miracles. Le coût de la construction reste pratiquement le même. La marge de manœuvre reste donc limitée à la différence de la valeur du terrain. Vous n’allez pas créer de grandes différences de prix avec cela.”

Une proportion importante d’étudiants semble ouverte à s’installer dans des logements moins chers et situés moins centralement. Ils sont ainsi 53% à envisager de loger dans un centre étudiant qui se trouverait en périphérie. Un tiers des étudiants est même prêt à déménager dans une commune voisine de leur ville étudiante.

Produit d’investissement

Frederik Boumans a déjà souligné l’intérêt accru des investisseurs professionnels pour le logement étudiant. Mais les conditions du marché semblent également favorables au petit investisseur privé. Le seuil d’entrée est relativement bas, car une chambre d’étudiant est généralement bien moins chère qu’un studio ou un appartement d’une chambre. De plus, les rendements de l’immobilier étudiant sont en moyenne plus élevés que ceux de l’immobilier résidentiel classique. “Mais c’est aussi tout simplement plus risqué qu’un appartement d’investissement, prévient Frederik Boumans. Tout d’abord, parce que les baux sont généralement à court terme. Les modalités de résiliation pour le locataire sont également beaucoup plus souples. Essayez de dénicher un nouvel étudiant pour votre kot vide en mars… La location d’un kot est également plus exigeante en termes de main-d’œuvre, car vous louez à quelqu’un qui n’est pas encore prêt à être un locataire classique.”

Selon l’auteur de l’enquête Kotkompas, une chambre d’étudiant est donc un produit d’investissement pur et simple. “Et c’est ainsi qu’il faut l’envisager, renchérit-il. Le logement étudiant est vraiment un marché différent du marché résidentiel ordinaire. Lorsque vous êtes investisseur dans les kots d’étudiants, vous devez faire vos devoirs et être très rationnel. Alors que – peut-être précisément en raison des conditions actuelles du marché – nous constatons qu’il s’agit de plus en plus d’un achat émotionnel. Il n’y a rien de mal à associer les émotions à l’immobilier si celui-ci est destiné à votre propre usage. Mais un dortoir pour étudiants ne suit pas la même logique, sauf si vous l’achetez pour vos enfants. Mais ce ne sera de toute façon que pour quelques années tout au plus. Et si vous n’avez pas de chance, votre fille ou votre fils changera d’orientation et d’université au bout d’un an. Je vous l’accorde : vous pourrez toujours louer le logement. Mais la question est alors de savoir à quel prix vous l’avez acheté, car avec les prix de vente en vigueur aujourd’hui, les rendements sont parfois un peu justes.”

La “durabilité” des kots n’est pas encore une priorité

Si l’accent est de plus souvent mis sur la durabilité des logements étudiants, cet aspect n’est cependant pas le plus important par rapport à des segments immobiliers plus matures tels que le marché des bureaux. Cela s’explique en partie, selon Frederik Boumans, par la fragmentation du marché du logement étudiant, qui compte de nombreux petits propriétaires, souvent privés. En effet, les grands acteurs institutionnels subissent des pressions de toutes parts – utilisateurs, banques, médias, réglementation européenne, etc. – pour rendre leurs bâtiments plus durables.
“Mais le prix de revient des investissements durables et, surtout, l’impossibilité de les répercuter sur les loyers expliquent aussi la lenteur de la percée du marché de l’immobilier étudiant, commente l’auteur de l’enquête Kotkompas. Si la transparence sur les coûts de consommation des bâtiments augmente, les investisseurs disposeront d’une arme pour ajuster leurs loyers. En effet, ils pourront démontrer que, malgré un loyer “nu” plus élevé, le locataire est mieux loti dans un bâtiment durable. Nous sommes donc heureux de constater que cette compréhension a fortement progressé parmi les étudiants : dans notre enquête, plus de 80 % d’entre eux ont indiqué qu’ils prenaient en compte le loyer total, c’est-à-dire y compris les coûts énergétiques, lorsqu’ils choisissaient leur kot.”
Frank Boumans trouve décevant que la durabilité en soi ne soit pas un critère décisif pour les étudiants lorsqu’ils choisissent leur kot, l’efficacité énergétique et la durabilité arrivant en dernière position sur les sept critères proposés. “Encore une fois, je ne trouve pas cela très surprenant. Je peux imaginer que des jeunes de 18 à 23 ans ont d’autres priorités dans la vie. Mais il y a quelques années encore, la durabilité et le climat étaient des thèmes importants pour la jeunesse. Aujourd’hui, le discours semble avoir complètement changé. Peut-être le sujet sera-t-il à nouveau à l’ordre du jour l’année prochaine”, conclut notre interlocuteur.

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