La location en quête de sexe-appeal
Le Belge opte par défaut pour la location, car celui qui en a les moyens préfère acheter. Des concepts innovants et de nouveaux acteurs réussiront-ils à rendre ce marché plus attractif?
A en juger d’après la proportion d’acheteurs et de locataires sur le marché résidentiel, la grande majorité des Belges préfèrent acheter. Selon les chiffres de l’office de statistiques Statbel, la Belgique comptait 68% de propriétaires et 32% de locataires en 2019. Le nombre de locataires augmente, mais très lentement: ils étaient 30% en 2006.
De l’avis des prévisionnistes, la hausse du nombre de locataires devrait se poursuivre dans les prochaines années.
De l’avis des prévisionnistes, la hausse du nombre de locataires devrait se poursuivre dans les prochaines années. Si l’impact économique de la crise sanitaire se traduit par une nouvelle hausse du chômage et une insécurité croissante sur le marché du travail, la grande aventure financière que représente l’acquisition d’un logement paraîtra moins tentante.
L’accessibilité du prix d’achat est problématique depuis un bon moment. Les prix des terrains et des habitations ont grimpé en flèche au cours des deux dernières décennies. Avec le resserrement des conditions liées au crédit, reliquat de la crise financière de 2009, les prix sont au plus haut, ce qui ne facilite pas l’accès à la propriété, pour les jeunes surtout.
Evolution culturelle
La dilution familiale et le nombre croissant de personnes isolées seraient deux autres facteurs favorables à la progression du marché locatif. Car pour de nombreux isolés, le seuil financier à franchir pour acheter est trop élevé. “Qui plus est, bon nombre de célibataires sont habitués à un mode de vie et un habitat plus flexibles, constate Tom Palmaerts, observateur de tendances à l’agence de marketing Trendwolves. Or la flexibilité est précisément un des principaux atouts de la location.” Cette flexibilité explique aussi en grande partie pourquoi, outre l’aspect financier, de nombreux jeunes s’orientent vers le marché locatif.
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La propriété ne serait-elle plus le saint graal pour les nouvelles générations, les clients de demain? “Effectivement, répond Tom Palmaerts. Reste à savoir si ce virage déterminant sera négocié par la génération Z, les adolescents d’aujourd’hui et les jeunes au début de la vingtaine. Fervents adeptes des plateformes telles que Netflix et Spotify, ils ont grandi dans un monde où l’accès aux services importe plus que la possession. D’un autre côté, ils sont aussi influencés par leurs parents qui appartiennent à la génération X, pour laquelle la possession a encore énormément de valeur.” Tom Palmaerts souligne par ailleurs l’importance culturelle du choix de son type de logement, à ne pas sous-estimer. “Il s’agit non pas de l’émergence de l’une ou l’autre technologie mais d’un changement en profondeur. L’expression ‘avoir une brique dans le ventre’ reflète une réalité. Une évolution culturelle aussi radicale s’opère généralement sur plus d’une génération.” Les milléniaux bénéficient souvent d’une aide financière de leurs parents et grands-parents, ce qui freine la transition vers un élargissement du marché locatif, dixit Tom Palmaerts. “Outre l’aide financière, le message ainsi transmis est clair: l’achat d’une habitation est un investissement judicieux.”
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Nouvelles formules
Selon l’enquête du sociologue, plannologue et spécialiste du marché résidentiel Pascal De Decker (KU Leuven), les préférences parentales semblent effectivement déteindre sur les projets de logement des enfants, sur leur propension à louer ou à acheter. Pascal De Decker se montre donc sceptique quant à l’impact d’un changement générationnel sur le marché du logement. “L’argent n’a jamais été aussi bon marché, ce qui pousse les jeunes à acheter de plus en plus tôt, constate-t-il. De plus, la politique belge en matière de logement et le contexte économique favorisent encore et toujours la propriété. “En toute logique, le Belge devient tôt ou tard propriétaire et cela ne risque pas de changer de sitôt.”
Pascal De Decker, quant à lui, s’inquiète de la tendance buy-to-let observée sur le marché résidentiel. “Les promoteurs immobiliers construisent pour l’investisseur-bailleur, pas pour le résident, explique-t-il. L’offre des appartements s’adresse aux quintiles des revenus les plus élevés alors que la question des prix abordables est une des plus problématiques sur le marché locatif.”
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Comme le confirme une étude de marché réalisée par le spécialiste du logement étudiant Upgrade Estate, les jeunes n’ont pas encore renoncé à la propriété. Lors du lancement d’Upliving, une formule ciblant les starters et les young professionals, Upgrade Estate a sondé les préférences des diplômés de 20 à 40 ans. Quelque 81% des répondants préfèrent acheter. Upgrade Estate n’a pas pour autant renoncé à développer son concept Upliving. Après le projet pilote de Gand, Upgrade Estate a inauguré mi-février un deuxième complexe de logements Upliving à Bruxelles. Upliving BXL- The Brewery propose pas moins de 107 appartements sur l’ancien site de la brasserie de Koekelberg. Les résidents ont accès à toute une série d’espaces partagés comme un lieu de rencontre, une buanderie et un grand jardin. Le concept joue en outre la carte de la mobilité partagée.
Tache d’huile
Quel est le profil des résidents de The Brewery? “Le public est très diversifié, répond Nele Van Damme, co-CEO d’Upgrade Estate. Environ 40% sont des anciens d’Upkot, notre formule de logements d’étudiant, mais il y a aussi des personnes isolées, des jeunes couples, des expatriés, des amis qui ont fait le choix de vivre ensemble et quelques familles avec de jeunes enfants.” Pour s’assurer que l’étude de marché reflète bien la réalité, Upgrade Estate a investigué auprès des locataires de The Brewery pour connaître les raisons qui les ont poussés à choisir Upliving. Les principales? Situation centrale, transports en commun, facilité, durabilité du projet, sentiment d’appartenance à une communauté, terrasses spacieuses, jardin partagé et flexibilité. “Flexibilité en termes de baux de courte durée mais aussi d’aménagement des appartements, pointe Koenraad Belsack, co-CEO d’Upgrade Estate. Les grands meubles sont fournis. Il suffit de quelques petits meubles et d’une décoration à son goût pour personnaliser l’appartement.”
Le concept real estate as a servicedont s’inspire Upliving fait tache d’huile. Yust, de l’entrepreneur immobilier Stéphane Verbeeck, ARC à Liège du promoteur Life, The Horizon de la société immobilière réglementée Home Invest Belgium et Left du promoteur Vooruitzicht sont autant d’exemples de concept résidentiel à forte valeur ajoutée de service.
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