Knokke : à nouveau contesté, le mégaprojet de golf sortira-t-il un jour de terre ?

Le projet de méga golf à Knokke. PG

L’homme d’affaires Paul Gheysens a reçu récemment le feu vert pour construire son méga projet de golf à Knokke. Mais rien n’est joué. Le nouveau terrain avec ses infrastructures luxueuses se heurte à de vives protestations de riverains et d’associations de défense de la nature.  

Après avoir enfin reçu le feu vert en avril dernier de la ministre de l’Environnement Zuhal Demir (N-VA), le mégaprojet de golf à Knokke de l’homme d’affaires Paul Gheysens a de nouveau des bâtons dans les roues.

Pour rappel, depuis 2001, le magnat de la construction et CEO de la société de construction Ghelamco, travaille à l’élaboration d’un nouvel immense terrain de golf en achetant l’une après l’autre des terres agricoles à la périphérie de Knokke. Leisure Property Invest, société détenue par Gheysens, prévoit un prestigieux parcours de 120 hectares dans la station balnéaire. La propriété située le long de la Natiënlaan comprendra 27 trous, un hôtel de luxe de 150 chambres et 200 suites, 1.350 places de parking souterrain de même qu’un centre de congrès de 6000 mètres carrés pouvant accueillir 2.200 visiteurs. Le terrain lui-même a été dessiné par une figure majeure du golf professionnel, le légendaire joueur américain Jack Nicklaus (82). Valeur du projet : près de 800 millions d’euros.

Soutien de la commune

La ministre flamande de l’Environnement, Zuhal Demir (N-VA), soucieuse de la protection du paysage des polders, avait décidé l’été dernier de ne pas accorder de permis d’environnement au projet vu les modifications importantes du relief que le projet nécessitait. Il y a quelques semaines, une nouvelle mouture répondant aux critiques et, entre autres, diminuant les rehaussements prévus a finalement trouvé grâce aux yeux de la ministre moyennant 47 conditions à respecter, parmi lesquelles l’interdiction de toute occupation permanente dans la partie hôtelière, l’utilisation de pesticides, etc. Vingt hectares devront également être boisés en guise de compensation.

Cet ambitieux projet dispose du soutien de la commune pour trois raisons: la saturation du golf existant, la construction d’un grand hôtel dans une station où des exigences administratives de plus en plus sévères poussent les petits établissements à la fermeture, et enfin, l’ouverture d’un centre de congrès capable d’accueillir 2.200 personnes alors que, commente le bourgmestre de Knokke, “de nombreux congrès ne peuvent actuellement être organisés faute d’équipements disponibles”.

« Les polders doivent rester les polders »

Mais, ce nouveau golf se heurte aujourd’hui encore à de nouvelles vives protestations, notamment de la part de l’homme d’affaires de Flandre occidentale Peter Taffeiren, lui aussi actif dans l’immobilier. Ce dernier est propriétaire du terrain situé juste à côté de l’endroit où le golf doit s’installer. Il y exploite un élevage de chevaux et un verger. L’homme se bat pour la protection de cette zone naturelle.  « Les polders doivent rester les polders » clame-t-il dans la presse flamande. Le système d’irrigation du terrain de golf menace de perturber l’hydrologie de sa propriété, ainsi que le reste des polders, explique-t-il dans Het Nieuwsblad.

« Le tourisme côtier prend de plus en plus le pas sur l’agriculture et la nature dans les polders. Si cela continue, nous ne connaîtrons bientôt plus les polders que dans les livres d’histoire”

Taffeiren, lui-même membre du conseil d’administration de la N-VA, dénonce le virage à 180 degrés pris par la ministre Demir après son premier refus, bien que la nouvelle demande “ne diffère pratiquement en rien” de la précédente. Il est soutenu dans sa lutte par trois associations de protection de la nature, vzw Bescherm Bomen en Natuur, Natuurpunt Brugs Ommeland et Middenkust and Groen vzw, soutenues elles-mêmes par des riverains. Ensemble, ils s’unissent contre la construction et saisissent le Conseil pour les litiges relatifs aux permis.

« Une grande ville côtière »

« Le tourisme côtier prend de plus en plus le pas sur l’agriculture et la nature dans les polders. Si cela continue, nous ne connaîtrons bientôt plus les polders que dans les livres d’histoire”, avertissent ces associations dans Het Nieuwsblad. Natuurpunt craint que la région ne devienne bientôt “une grande ville côtière”.

“880.000 mètres cubes de terrassement : cela change complètement ce paysage”

L’organisation à but non lucratif vzw Bescherm Bomen en Natuur émet de son côté des craintes sur les effets du “projet mégalomane” sur la nature. Elle critique la transformation totale de la région. “880 000 mètres cubes de terrassement : cela change complètement le paysage. Des anciens canaux sont comblées, des arbres sont abattus, des mares existantes sont comblées et déplacées en fonction du parcours du golf. C’est de la pure folie ! », s’indigne-t-elle dans Het Laatste Nieuws.

150 millions de litres d’eau

L’asbl Groen fait aussi partie des militants. Comme les riverains, elle a introduit une réclamation auprès du Conseil du contentieux des permis contre le projet de golf géant. Elle remet en question le stockage de 150 millions de litres d’eau nécessaires pour maintenir les terrains de golf verts. Pendant l’été, l’agriculture et la nature ont besoin de beaucoup d’eau. Pendant l’année, les polders doivent être rincés pour éviter la salinisation. Comment pouvons-nous nous permettre le luxe de réserver 150 millions de litres d’eau pour un projet de golf, alors que la production alimentaire et la nature sont sous pression ? », s’offusquent ses représentants dans Het Nieuwsblad.

Ce risque est bien réel, reconnaît dans le quotidien flamand Wim Van Isacker, chargé de projet au sein de la Vlaamse Landmaatschappij. Il souligne toutefois qu’il ne connaît pas le cas concret. “Toute utilisation importante d’eau dans les polders crée un risque de dessiccation et de salinisation, surtout en période de changement climatique. Un terrain de golf est également synonyme de concurrence pour l’agriculture, qui n’est parfois pas autorisée à utiliser les eaux de surface en période de sécheresse. L’utilisation de l’eau sur un terrain de golf est beaucoup plus intensive que pour l’agriculture. »

Ces nouvelles contestations pourraient donc encore retarder la concrétisation de ce projet dans la cité balnéaire.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content