ERA se mue en fournisseur de services immobiliers

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Johan Krijgsman est en train de transformer le réseau d’agences ­immobilières ERA en une société immobilière à part entière. Ce faisant, le modèle classique de franchises disparaît à l’arrière-plan.

Chez Johan Krijgsman (38 ans), les choses doivent toujours aller de l’avant. La stagnation le frustre. Il y a cinq ans, il possédait six agences ERA en Flandre. Alors que ses agences immobilières se développaient, il voyait ERA Belgique rester à la traîne depuis plusieurs années déjà. Pour l’entrepreneur de Saint-Nicolas, il n’était pas question de rester les bras croisés. Il prit alors contact avec les actionnaires de l’époque, le fondateur et CEO Iain Cook et le directeur Pol Van Acker. Avec succès : à 33 ans, Johan Krijgsman devenait actionnaire principal et CEO d’ERA Belgique.

Dans une interview accordée à l’époque à notre magazine, il exprimait son ambition de faire passer le réseau ERA de 110 à 150 bureaux d’ici 2025. Aujourd’hui, le compteur est à 142. Plus de 600 personnes travaillent pour le réseau de courtage. En 2023, celui-ci a réalisé un chiffre d’affaires de 62,5 millions d’euros, soit près du double par rapport à 2019.

Aujourd’hui, le réseau ERA est le plus grand réseau d’agences immobilières du pays. Mais cela ne suffit pas à satisfaire la soif de Johan ­Krijgsman. Ses nouvelles ambitions visent les 180 bureaux et 100 millions d’euros de chiffre d’affaires d’ici 2030. Le boss veut faire passer l’entreprise au “niveau supérieur”.

Un directeur des opérations complémentaire

La nomination, en avril, de Kathleen Van Beveren au poste de directrice des opérations (COO) d’ERA et de son holding Alfabet s’inscrit dans cette optique. Kathleen Van Beveren a bossé en tant que manager chez Volvo Cars et bpost Group, entre autres. Au cours des quatre dernières années, elle a été membre du comité exécutif du groupe bpost et CEO d’E-Logistics Europe et Asie.

Kathleen Van Beveren et Johan Krijgsman, respectivement COO et CEO d’ERA Belgique.

Kathleen Van Beveren, la cinquantaine, s’affiche plus calme face à l’impétueux Johan Krijgsman. Leur expérience et leur formation sont également très différentes. Johan a commencé à travailler dans un bureau ERA à Saint-Nicolas à l’âge de 19 ans, sans diplôme. Kathleen a entamé une carrière internationale après avoir étudié les sciences économiques appliquées.

Le jeune CEO reconnaît qu’il recherchait un profil complémentaire. “Je cherchais surtout quelqu’un qui avait déjà réussi à faire croître une entreprise à un tout autre niveau, explique-t-il. Autre élément important : le secteur dans lequel Kathleen travaille depuis 16 ans. On peut être un très bon directeur des opérations dans une usine presque entièrement automatisée où il n’y a pratiquement pas de personnel. Ce n’est pas l’expertise dont j’avais besoin. L’immobilier est une affaire de personnes ; nous dépendons de nos collaborateurs pour aller de l’avant. C’est également le cas chez bpost. Il ne suffit pas ­d’appuyer sur un bouton pour que les postiers travaillent deux fois plus vite. Nos compétences sont largement complémentaires, mais notre vision du développement de l’entreprise et de l’évolution du secteur s’est avérée très similaire.”

Bien plus que du courtage

Au cours des prochaines années, le duo souhaite travailler sur “l’intégration verticale-horizontale totale”. “Chaque année, nous avons plus de 100.000 entretiens physiques avec nos clients par l’intermédiaire de notre réseau d’agences, explique le CEO. Ces contatcs doivent pouvoir avoir beaucoup plus d’impact.” Comment ? Avec la société de gestion Rentica et le syndic Syndica, le groupe dispose déjà de deux entreprises qui permettent de fidéliser les clients à plus long terme. Avec sa division construction neuve ERA PROJECTS, il cible à son tour les promoteurs immobiliers. Par ailleurs, avec ­Yxilon, Alfabet comprend également une société de rénovation, un bureau de géomètres ­(Z Landmeters), un bureau ­d’architectes (X Architecten) et quelques participations dans des sociétés de proptech.

“Pour nos activités de syndic et de gérance, il n’y a pas de meilleur générateur de leads qu’ERA, explique Johan Krijgsman. Et inversement, Syndica et Rentica devraient être les bouées de sauvetage grâce auxquelles nous restons en relation avec des clients satisfaits. Il existe également de nombreuses possibilités de ventes croisées à partir des autres activités – le cabinet d’architectes, le bureau de géomètres, l’entreprise de rénovation…”

Faire davantage d’efforts dans la digitalisation et l’automatisation est un deuxième critère important pour le tandem à la tête d’ERA Belgique. “La valeur ajoutée pour le client doit être primordiale, souligne Johan Krijgsman. L’expérience utilisateur doit être optimale, l’information doit parvenir au client plus rapidement et de manière plus ciblée. La partie numérique de notre travail ne fera que gagner en importance.”

Cependant, il ne croit pas à une numérisation complète du courtage. “L’aspect humain reste cruciale. Nous pouvons automatiser la signature d’un compromis, la rendre plus efficace et plus fluide, mais elle ne sera jamais entièrement numérique chez ERA. Il s’agit toujours d’acheter un bien immobilier. C’est différent de l’achat d’une paire de chaussures en ligne. L’immobilier sera-t-il un jour vendu à la manière de booking.com ? J’en doute. Les biens immobiliers seront-ils loués à la booking.com ? Certainement !”

Ambitieux dans le sud 
du pays

Le leadership national qu’ERA revendique est principalement dû à sa position forte en Flandre. En Belgique francophone, le réseau est un peu moins présent. Néanmoins, Johan Krijgsman se montre très satisfait de la progression d’ERA dans le sud du pays. “En cinq ans, le nombre de bureaux ERA à Bruxelles et en Wallonie est passé de huit à 33, déclare-t-il. Et c’est surtout en Belgique francophone que notre chiffre d’affaires a fortement augmenté. En cinq ans, il a été multiplié par cinq. Aujourd’hui, nous sommes présents dans toutes les grandes villes et nous avons une bonne couverture dans toutes les provinces. Seul le Hainaut est encore un peu dans l’ombre. Notre ambition est de devenir numéro un en Belgique francophone également. Je pense que nous devrions évoluer vers une cinquantaine de bureaux dans cette partie du pays.”

Le marché francophone exige-t-il une approche différente de celle du marché flamand ? “Oui et non, répond Johan Krijgsman. Environ 90 % de ce que nous faisons en Flandre fonctionne également en Wallonie et à Bruxelles. Mais, il y a parfois de petites différences culturelles. Si j’entame une conversation en Flandre avec 10 minutes de bavardage, les gens commencent à regarder leur montre. En Wallonie, les gens pensent que j’en viens trop vite au fait.”

Moins de franchises

En mai, ERA a également ouvert une agence à Durbuy. “Toute la Belgique vient à Durbuy. C’est un endroit avec une très grande visibilité et là aussi nous voulons être le leader du marché.” L’agence de Durbuy n’est pas franchisée. C’est d’autant plus remarquable qu’ERA est connu pour être un réseau de franchises.

“Nous gérons nous-mêmes une grande partie des agences ERA, explique Johan Krijgsman. Nous ne cesserons jamais de franchiser des agences, car il s’agit souvent d’établissements de premier ordre. Mais nous exigeons un certain niveau de qualité et d’ambition de croissance de la part de nos franchisés. Il faut généralement une certaine envergure pour cela. Nous voulons être parmi les trois premiers dans chaque Région. S’il y a une très bonne franchise, c’est bien ! Mais si ce n’est pas le cas, nous exploiterons l’agence nous-mêmes.”

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