A quoi sert la thermographie aérienne de votre maison ?
En début d’année, des communes belges ont eu recours à la thermographie aérienne pour identifier les déperditions calorifiques des toitures privées et publiques. A quoi sert cet exercice et quelles peuvent être ses dérives ?
Si vous habitez le Brabant wallon, un petit avion a pris une photo de votre toiture début de cette année. Il a survolé votre maison et celle de vos voisins dans le cadre de la thermographie aérienne. De nombreuses communes en Wallonie et à Bruxelles ont eu recours à cet outil d’une grande efficacité pour établir une cartographie détaillée des toitures peu ou mal isolées.
Les autorités souhaitent de la sorte objectiver les besoins d’isolation ou de renforcement d’isolation des bâtiments, pour réduire les pertes énergétiques. Leur volonté est de proposer (gratuitement) aux citoyens les informations utiles permettant d’entreprendre des travaux d’isolation. Si ces informations revêtent une importance cruciale pour les bâtiments publics, elles sont également précieuses pour tous les propriétaires. En effet, il est estimé que jusqu’à 30% des pertes thermiques d’un bâtiment se font par le toit.
Découvrir le résultat des relevés
Depuis quelques semaines, les communes qui ont eu recours à cette technologie invitent les citoyens à découvrir le résultat des relevés. Lors de ces rendez-vous individuels, les propriétaires reçoivent un bref diagnostic de leur habitation. Les déperditions de chaleur apparaissent en rouge sur le cliché, la couleur bleue indique aucune perte de chaleur. Si besoin, au cas par cas, des informations sur les primes accessibles en cas de travaux d’isolation de sa toiture sont données aux citoyens.
La thermographie aérienne est une technique utilisée pour cartographier les variations de température à l’aide d’appareils spéciaux montés sur des avions ou des drones. Cette méthode repose sur la détection des rayonnements infrarouges émis par les objets en fonction de leur température. Les caméras thermiques captent les émissions de chaleur émanant des surfaces terrestres. Les zones chaudes et froides sont représentées par différentes couleurs ou tonalités sur les images thermiques, permettant ainsi d’identifier des variations de température. Dans le domaine, cette technologie est utile pour inspecter l’isolation thermique des bâtiments, détecter les fuites de chaleur, etc.
La technique permet de se rendre compte du niveau d’isolation de la toiture d’une habitation. Elle n’est cependant pas sans failles. Ainsi, deux logements parfaitement identiques peuvent être chauffés différemment et ne pas donner le même résultat de thermographie.
L’analyse ne doit pas non plus être confondue avec le certificat PEB (certificat de performance énergétique) qui évalue la performance des bâtiments. Le score PEB a un caractère légal et obligatoire pour le propriétaire lors de la vente ou de la mise en location d’un bien. Il est beaucoup plus complet que la thermographie aérienne qui se limite à l’analyse des déperditions de chaleur des toitures. Il est également à noter que le PEB est théorique (par exemple, si l’isolation d’une paroi n’est pas connue, une valeur par défaut sera attribuée) et que la thermographie aérienne est une photo ponctuelle des déperditions de chaleur.
Garantir le respect de la vie privée
Par ailleurs, certains citoyens s’inquiètent: comment garantir le respect de la vie privée (le fameux RGPD, Règlement général sur la protection des données) et comment éviter les dérives du type “chasse aux infractions urbanistiques”?
Les communes se veulent rassurantes et disent garantir la confidentialité et le respect des données privées. Les clichés, leur traitement et la cartographie des habitations et autres bâtiments servent uniquement et exclusivement à des fins d’amélioration de l’isolation des toitures, assure-t-on dans les communes ayant déjà eu recours à cette méthode. “Pourtant, à Namur, en 2018, l’Autorité de Protection des Données (APD) avait émis un avis négatif en matière de respect des données privées“, rappelle Jean-Marc Van Gyseghem, Directeur de recherche au Centre de Recherches Information, Droit et Société, à l’Université de Namur interviewé par la RTBF.
Retrouver les fraudeurs
Le risque potentiel de dérive existe mais est minime. “Il est facile d’identifier les habitudes de vie“, explique le spécialiste. “Voir une déperdition de chaleur (couleur rouge sur le cliché) dans une maison à un moment donné, puis ne plus l’apercevoir (couleur bleue) à un autre moment, cela peut donner des indications sur l’occupation (ou non) du bien. Avec les déperditions de chaleur, on pourrait aussi repérer le propriétaire dont le bien est sensé être inoccupé et non loué. Les services de l’urbanisme pourraient par exemple, comme cela se fait déjà avec les images satellite, repérer les constructions non déclarées“.
Qui plus est, potentiellement, “le croisement des différentes données utilisées avec les nouvelles technologies pourrait permettre de retracer les déplacements de travailleurs venus construire une annexe illégale et de retrouver les fraudeurs“, commente un collègue du professeur namurois à la RTBF.
Selon Jean-Marc Van Gyseghem, une autre dérive potentielle serait d’être tenté “de taxer les citoyens dont la toiture est mal isolée. Ou d’éviter la réduction d’impôts pour les biens mal isolés. Un autre danger, c’est que les données finissent entre les mains de sociétés de travaux d’isolation. Celles-ci pourraient cibler les clients en leur envoyant des publicités“.
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