Olivier Mouton
Valorisons nos talents, c’est bon pour notre image à tous
La Belgique a évolué, fédérale, riche de ses diversités et pauvre de ses rivalités. Mais en tout état de cause, ses talents doivent être soutenus et valorisés, partout, tout le temps, quelle que soit leur étiquette.
Le “made in Belgium” a fait recette au festival du film de Cannes. En remportant trois prix, nos auteurs ont une nouvelle fois placé le pays sur la carte du monde, de la plus belle des manières. Les ambassadeurs “historiques”, Luc et Jean-Pierre Dardenne, salués d’un prix “unique” du 75e anniversaire, ont montré la voie au couple Felix Van Groenigen-Charlotte Vandermeersch (prix du jury) et au jeune prodige Lukas Dhont (grand prix). Ancré dans son temps, n’hésitant pas à raconter des histoires bouleversantes dénonçant les tourments de notre époque, notre septième art ne cesse d’atteindre des sommets aux yeux des critiques. Il lui reste, parfois, à convaincre… le public belge qui n’est pas assez fier de son patrimoine vivant ou qui demande d’autres récits, plus lumineux.
Le cinéma belge se porte bien grâce à un soutien effectif des pouvoirs publics, une volonté politique concrète, couplée à celle de valoriser nos territoires par le biais de l’art. Bien de nos villes sont devenues, d’ailleurs, des lieux de tournage réputés dans le monde. Ce soutien s’est parfaitement concrétisé par un mécanisme dont le succès n’est plus à démontrer: le tax shelter. Ayant vu le jour en 2003, ouvert aux arts de la scène depuis 2017, le mécanisme apporte annuellement quelque 180 millions d’euros aux secteurs concernés. Ce n’est pas rien.
Ce partenariat public-privé est vertueux: c’est une aide plus ouverte et plus dynamique, qui encourage l’investissement des entreprises. Une formule parfaite pour mettre en valeur des pépites artistiques, tout en valorisant nos tissus économiques. C’est donc une bonne nouvelle de savoir que le gouvernement fédéral va enfin s’accorder sur une extension du tax shelter aux jeux vidéo, le secteur culturel devenu le plus important dans le monde. En Wallonie, il reste bien du travail, même si le potentiel existe: sur les 84 entreprises actives en Belgique en 2020, à peine 17 étaient wallonnes. Ce sera une occasion à saisir.
Le contraste est grand entre la célébration belge sur la Croisette et la débâcle francophone lors du palmarès gastronomique du Michelin, symbolisée par la perte d’une étoile du Comme chez soi. La réussite se trouve désormais en Flandre, Région accueillant les trois restaurants triplement étoilés du pays. Anvers a supplanté Bruxelles comme capitale du bien manger: tout un symbole… très politique. A l’instar du Pays basque, de la Catalogne ou des pays scandinaves, la Flandre a compris tout le potentiel de la gastronomie pour doper son tourisme et attirer les investisseurs. Avec une politique structurée et un soutien de chefs considérés comme des stars.
“Nous, Wallons, devons être plus combatifs, souligne Sang Hoon Degeimbre, chef du restaurant deux étoiles L’Air du Temps. Nous nous contentons trop de ce que nous avons.” Pour inverser la tendance, le cuisinier annonce le lancement d’un “projet 3 étoiles” en Wallonie, conscient qu’il s’agira de “la seule façon de changer la donne” en offrant des exemples aux jeunes, en générant un modèle à suivre pour ces guides qui font la pluie et le beau temps. Significativement, il se lance sans l’appui des pouvoirs publics, après le manque de soutien régional à une initiative baptisée Génération W.
“Le cinéma, comme le football, reste quelque chose de national”, soulignaient les frères Dardenne au Soir pour en vanter l’impact. En l’occurrence, la Belgique a évolué, fédérale, riche de ses diversités et pauvre de ses rivalités. Mais en tout état de cause, ses talents doivent être soutenus et valorisés, partout, tout le temps, quelle que soit leur étiquette. Sans nier que cette “starification” rapporte aussi de la notoriété pour tous.
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