Techniques de vente: des outils ludiques pour capter réellement l’attention du client

Face à un client peu réceptif, le vendeur peut retourner la situation à son avantage avec classe et humour. © Getty Images

Le schéma classique de la relation commerciale, qui démarre par “Bonjour, je peux vous aider?” et où les deux parties se quittent bredouilles, n’est pas une fatalité. Il existe des outils ludiques pour capter réellement l’attention du client.

Bonjour, je peux vous aider?” “Non merci je ne fais que regarder.” “Faites à votre aise. Je suis à votre disposition si vous avez des questions.” “Merci.” L’avez-vous reconnu? Quoi donc? Le schéma pardi! Vous connaissez cette petite succession de questions et de réponses par cœur, probablement parce que vous l’avez expérimentée vous-même des centaines, voire peut-être des milliers de fois.

C’est une routine commune qui se déroule sans la moindre étincelle de raison, de créativité ou d’intelligence. Sans même réaliser pourquoi, client et vendeur sont en pilote automatique, l’un se défendant spontanément contre une agression, l’autre se protégeant de la possibilité d’un rejet. Lorsque vous observez les interactions commerciales partout autour de vous, vous allez en repérer des dizaines:

*Dans les appels de prospection: “Bonjour, excusez-moi de vous déranger… / C’est à quel sujet? / Ça ne nous intéresse pas” ;

* Dans les réponses aux objections clients: “C’est cher / Cher par rapport à quoi?” ;

* Dans les relances de devis: “Je voudrais faire le suivi de la proposition que nous vous avons envoyée”/ Pas de réponse de la part du client.

Ces schémas classiques conduisent au statu quo, à l’évitement, à l’inaction. Ces routines ont pour objectif inconscient d’éviter la collision, la confrontation. Tout en donnant l’illusion d’un échange réel, elles permettent en fait aux acteurs du scénario d’en sortir certes indemnes mais complètement bredouilles. Elles nous épargnent de l’énergie, du stress, de l’émotion négative mais génèrent en fin de compte très peu de résultats et un cumul de plus en plus important de frustrations de part et d’autre: le vendeur ne vend pas, l’acheteur ne passe pas à l’acte et continue à hésiter.

Pire, leurs répétitions nous confortent et nous renforcent dans nos croyances mutuelles. Ainsi, à chaque déclenchement de ces schémas, les clients auront la confirmation que les vendeurs sont intrusifs, envahissants et inutiles, tandis les commerciaux entretiendront la certitude que les clients sont fermés, pas sympathiques et peu intéressés.

Prendre au dépourvu

Il existe pourtant un outil ludique pour briser les routines: le pattern interrupt. Héritée d’un principe éprouvé en PNL et très en vogue chez les vendeurs aux Etats-Unis depuis une dizaine d’années, cette “interruption de schéma” est une proposition inattendue qui vient faire dérailler l’automatisme défensif du client.

Pris au dépourvu, sans routine pour répondre, le cerveau sort de son programme pour se mettre à réfléchir consciemment. L’interruption peut prendre plusieurs formes mêlant l’inattendu, l’incongru, l’humour, la réactance. Il s’agit de réveiller l’attention du client, comme si l’on souhaitait que le vrai pilote reprenne les commandes de l’avion qui traverse tout à coup une turbulence.

“Peut-être avez-vous envie de savoir pourquoi j’ai choisi de vous appeler, vous?”

Créer des pattern interrupts est un exercice follement créatif qui amuse toujours beaucoup les équipes commerciales. Il importe d’abord de bien observer vos transactions et d’y repérer ces petites répétitions, puis de travailler en ateliers de brainstorms et en jeux de rôles pour y trouver des ruptures originales, décalées, parfois très drôles et en sélectionner les meilleures pour les utiliser sur le terrain.

Ainsi, on peut par exemple couper l’herbe sous le pied d’un schéma classique en incluant dans la première approche en magasin la réponse automatique du client. “Bonjour! je présume que vous ne faites que regarder?” “Euh, oui.” “Super, et vous regardez quoi, aujourd’hui?” En l’absence d’une réponse toute faite, le “je ne fais que regarder” ayant déjà été émis et déjoué, l’accès au cerveau conscient est instantané. Le client va probablement indiquer ce qu’il regarde, donc ce qui l’intéresse, permettant au vendeur d’intervenir utilement.

En prospection téléphonique, on peut jouer sur l’intrigue. Par exemple: “Bonjour, je vous préviens, c’est un appel de prospection à froid. Vous pouvez raccrocher tout de suite, mais peut-être avez-vous envie de savoir pourquoi j’ai choisi de vous appeler, vous?” Ou encore en utilisant un renversement de rôles et une position basse: “Bonjour… je suis complètement perdu et j’ai besoin de vous! Si vous étiez à ma place, comment feriez-vous pour obtenir un rendez-vous avec vous?”

Réactance

Il est possible de jouer sur la réactance, soit notre propension à accorder plus d’attention à ce qui nous échappe ou à ce qui est plus difficile à obtenir, qu’à ce qui nous est garanti. “Bonjour, nous proposons des systèmes qui permettent aux entreprises comme la vôtre de réaliser énormément d’économies mais je ne suis pas encore sûr que vous soyez qualifiés pour en bénéficier.”

Vous pouvez vous sortir de l’enfer du voicemail avec un peu d’humour et de créativité. Par exemple, un de mes confrères m’a raconté qu’un conseiller financier qui tentait de le joindre à plusieurs reprises lisait des vers de Verlaine sur les messageries vocales en cadeau pour ses clients qu’il estimait cultivés et amateurs de beaux mots. Voilà qui donne infiniment plus envie de rappeler qu’un message standard.

L’inclusion de l’humour, de photos amusantes, de gifs animés peut totalement changer la perception.

Ou encore, plutôt que de relancer en accusant implicitement votre interlocuteur de ne pas vous rappeler, prenez, contre toute attente, la responsabilité sur vous! “Bonjour, je vous appelle pour vous dire que je me sens terriblement mal parce que j’ai dû dire ou faire un truc affreux qui fait que vous ne me rappelez pas, alors que ce n’est absolument pas votre genre! Donc dites-moi de quoi il s’agit pour que je puisse m’en excuser ou corriger le tir.”

Humour toujours

Il en va de même pour les mails, où l’inclusion de l’humour, de photos amusantes, de gifs animés peut totalement changer la perception que votre interlocuteur aura de vous. Ainsi, l’image du Chat Potté du dessin animé Shrek, aux yeux grands ouverts et super attendrissants, fait une carrière remarquée dans les boîtes mails des clients relancés, accompagnée d’un petit message comme “Puisque je n’ai plus de nouvelles, je tente le tout pour le tout et vous envoie une photo de moi attendant une réponse de votre part”.

Même pour déjouer les objections les plus coriaces, certains commerciaux peuvent retourner avec classe et humour la situation en utilisant à nouveau des ruptures de schémas: “Je voudrais réfléchir.” “Ah vous me rassurez, pendant un instant j’ai redouté que ne vous fonciez tête baissée. Notez, c’aurait été bien pour vous, mais je n’étais pas prêt à un démarrage aussi brutal! Alors, par quoi allons-nous commencer cette réflexion?” Ou encore: “Vous êtes chers!” “Et c’est tout à fait réciproque, vous aussi vous m’êtes très cher! Et c’est pour cela que je veux le meilleur pour vous! Qu’est-ce qui vous fait penser que vous ne le méritez pas?”

Encore une fois, les routines sont désamorcées et, bien qu’il soit un peu décontenancé, vous obtiendrez bien plus souvent de votre client une réponse franche et coopérative au lieu d’une esquive automatique.

Les “pattern interrupts” changent drastiquement la journée des acheteurs et des vendeurs.

Bien sûr, certains d’entre vous vont penser qu’utiliser ces phrases incongrues risque de provoquer les foudres de vos clients et de vous les aliéner définitivement. Eh bien, vous voilà à nouveau dans un pattern psychologique qui nous fait toujours envisager avec méfiance, en imaginant le pire, toute proposition différente et originale.

Je peux par contre attester de ceci: les pattern interrupts, par leur capacité à provoquer la surprise et parfois le sourire, changent drastiquement la journée des acheteurs et des vendeurs, permettent une plus forte mémorisation et un ancrage émotionnel plus profond. En peu de mots, ça marche, tout simplement! Comme le dit mon ami le conférencier Michael Aguilar: “En vente, il faut savoir faire la différence pour susciter la préférence”.

Retrouvez la chronique de Laurent De Smet, alias Dr Sales, spécialiste dans l’expérience commerciale, managériale et marketing B to B, tous les deuxièmes jeudis du mois dans Trends-Tendances.

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