Pour conclure une vente: réfléchir ou faire fléchir?

Maximisez vos chances d'aboutir à un accord en validant les points cruciaux de décision et en évacuant les préoccupations du client. © Getty Images

“Je vais réfléchir”. Voilà les trois mots que chaque commercial redoute d’entendre au moment de la vente. Pour votre client, c’est une tentative de conclusion de l’entretien. Pourtant, c’est à partir de ce point que tout se corse.

Mais qu’ont-ils tous à vouloir réfléchir? Rationnellement, le client vous expliquera qu’il s’agit pour lui de comparer, de prendre des informations ailleurs, d’en discuter avec sa compagne, son patron, son responsable achat. Et c’est peut-être ce qui va se dérouler ensuite dans les faits, donnant raison à cette interprétation a posteriori de la plus tristement célèbre objection commerciale après le “c’est trop cher”.

Humains avant tout, nous hésitons, nous reculons au dernier moment de tout achat, pour une raison bien simple: décider est douloureux. Choisir est une coûteuse torture psychologique. Une fois la question tranchée, il n’y a plus de retour en arrière et chacun d’entre nous vit cet instant terrifiant comme un véritable calvaire.

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“Choisir c’est renoncer” écrit Gide. Je confirme: dans la tête d’un client, chaque décision d’achat est avant tout une perte certaine d’argent ou de liberté contre un gain ultérieur incertain. L’inconscient de votre client “sait” ce qu’il perd, ou plutôt il “sent” littéralement le poids de cette perte potentielle peser sur son envie de réalisation, au point de la freiner à bloc.

Vendre, c’est obtenir une décision, pas une incertitude.

Dans un monde, pas si lointain, ou vous teniez la plus belle boutique de mode du village, où vous étiez le courtier de la région ou l’unique fabriquant de pièces mécaniques de la province, il vous était loisible de lâcher la bride, de laisser votre client reculer et calmer ses appréhensions pour mieux revenir. C’était l’heure de gloire de la “vente consultative” où plus aucune entreprise n’avait de vendeurs, seulement des conseillers, qui informaient, renseignaient et se tenaient à disposition d’un client qui revenait de lui-même, apaisé, son choix fait.

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Ce temps-là est révolu. Ne croyez pas que vos clients sont devenus plus retors, plus fourbes, non. Le monde les a rattrapés! Ils ne vont pas à la concurrence, c’est la concurrence qui vient à eux! Par toutes les voies disponibles, par la stimulation de l’information, omnidisponible et omniprésente, là, dans la paume de leur main, constamment sous leurs yeux et bientôt amplifiée par le calibrage des intelligences artificielles qui, décodant nos mots clés et nos comportements, sauront bientôt nous proposer, juste au bon moment, des offres (promues) répondant à nos désirs.

La phrase qui tue

Une fois que votre client, stoppé par ses émotions contradictoires, aura tourné les talons pour “réfléchir”, calmant ainsi inconsciemment la tension désagréable qu’il éprouve entre désir et peur, il disparaîtra dans un tourbillon de possibilités commerciales infinies. Son retour est toujours possible, mais de moins en moins probable. Vous le laissez partir s’engager ailleurs chez quelqu’un qui n’est pas meilleur que vous mais qui est certainement meilleur vendeur que vous.

La phrase qui coûte le plus cher, en B to B comme en retail, ressemble à ceci: “n’hésitez pas à revenir vers moi si vous avez besoin de plus amples informations”. C’est le signal de l’abandon commercial, le niveau zéro de l’engagement, la porte ouverte à toutes les fuites.

Vous pensez peut-être que les vendeurs qui prononcent ces mots ont réellement l’intention de se tenir à disposition de leur client et que cette réponse est stratégique? Non. C’est ce qu’ils vous diront de bonne foi, en rationnalisant leur comportement. Mais en parfaite symétrie avec leurs clients, ils vivent les mêmes montagnes russes émotionnelles.

Pendant que le cerveau du client est pris en otage par l’aversion pour la perte, la peur de s’engager, de se tromper, de regretter et la tension décisionnelle qui en résulte, celui du vendeur est paralysé par d’autres émotions contradictoires, comme la peur de perdre son client, l’aversion du rejet, le désir d’approbation et l’envie de conclure, ce qui l’amène strictement au même point d’inaction. Peu importe qui commence: la fuite de l’un est accueillie inconsciemment comme un soulagement par l’autre. Vendre, c’est demander à votre client de sortir de sa zone de confort, ce qui nécessite que vous sortiez d’abord de la vôtre!

Tentez toujours un “closing”

Alors comment y parvenir? Il n’y a pas pléthore de possibilités. Tentez un closing, quoi qu’il arrive! Celui-ci aura été grandement facilité si le vendeur a soigneusement engagé dans l’action son client pendant toute la durée du dialogue de façon cohérente, à chaque étape. En étant vigilant à tester ses motivations d’achat, en cadrant l’entretien, en obtenant une validation des points cruciaux de décision et en évacuant au fur et à mesure ses préoccupations, il aura maximisé ses chances d’aboutir à un accord. Si tout l’effort de closing se concentre sur la seule étape de conclusion de la vente, celle-ci risque de ressembler d’avantage à une clé de bras qu’à une validation de commande.

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Prenez l’habitude de bannir des formules comme “qu’en pensez-vous?” ou “avez-vous des questions?” quand il s’agit de conclure votre argumentaire. Préférez des questions de validation qui poussent à la prise de position – “est-ce que ça vous convient?”, “est-ce bien ce que vous voulez?” – pour obtenir de votre client une décision, pas une opinion! Souvent un vendeur récolte un “je vais réfléchir” parce qu’il lui a préalablement ouvert la voie avec ce type de formulations désastreuses. “Non” est ma seconde réponse favorite! Je préfère mille fois obtenir un “non” franc qu’un “je vais réfléchir” déroutant.

Si l’objection survient quand même, accueillez-la avec bienveillance mais ne vous privez pas de tester sa solidité par une réponse comme: “Je comprends bien, c’est une décision importante, cela me paraît normal que vous ayez envie de prendre le temps de réfléchir. Cependant, quand j’entends cela à ce stade, je crains de comprendre que vous n’êtes pas intéressé par ce que je vous propose mais que vous êtes trop gentil que pour me faire l’affront d’un refus net… Je me trompe?”. Ensuite battez en brèche les nouvelles objections si elles apparaissent.

Etayez les certitudes

Si le souhait d’un délai de réflexion persiste parce que votre client invoque, légitimement, un besoin de comparaison ou de délibération, de grâce, gardez le contrôle du processus en proposant non pas un éventuel appel de suivi, mais bien un rendez-vous ferme calé dans vos agendas respectifs. Ce faisant, vous allez réduire les tensions émotionnelles de votre client et calmer ses défenses qui auront perçu que vous renoncez à obtenir de lui une décision immédiate. Une fois le rendez-vous pris, vous partirez avec délicatesse à la recherche des causes en lui demandant, par exemple, quelles sont les informations et les démarches qu’il va entreprendre entre-temps, quels sont les éléments clés qui vont fonder sa décision, ou encore ce qu’il attend d’une éventuelle consultation d’un confrère. Là encore, travaillez les doutes qui se feront jour et étayez les certitudes avec force de conviction et tout votre engagement.

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Et si votre client s’en tient à son besoin de réflexion, respectez-le. Tentez une prise de contact au deux tiers du délai de délibération pour vérifier avec lui si votre proposition est toujours bien positionnée. Cela vous permettra peut-être une ultime mise à jour qui vous fera remporter la mise et de toute façon, vous laisserez une impression très positive de votre professionnalisme.

Cultivez la persistance, aidez vos clients à aboutir et gardez autant que possible le contrôle du processus. Vendre, c’est obtenir une décision, pas une incertitude. Si vous les laissez partir, vous les laissez tomber.

Retrouvez la chronique de Laurent De Smet, alias Dr Sales, spécialiste dans l’expérience commerciale, managériale et marketing B to B, tous les deuxièmes jeudis du mois dans Trends-Tendances.

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