Maintenir les plus âgés au travail est une nécessité: voici comment adoucir une fin de carrière
Le vieillissement des personnes actives s’accélère. Plus d’un travailleur sur 10 est âgé aujourd’hui d’au moins 60 ans. Face aux défis des compétences, des pénuries de main-d’œuvre et de la relève moins nombreuse, maintenir ces collaborateurs au travail est une nécessité pour la Belgique. Il existe des dispositifs qui permettent d’adoucir les fins de carrière.
Il fut un temps où les fameuses prépensions occupaient le devant de la scène. Les entreprises, en restructuration (vaste domaine…) ou pas, se séparaient abondamment de leurs profils plus âgés pour des raisons de coût. Il n’est plus du tout question de cela aujourd’hui. Le contexte a changé drastiquement. Non seulement nos sociétés n’hésitent plus à engager des profils de plus de 55 ans, mais elles rivalisent de dispositifs pour garder leurs seniors. La guerre des talents, la pénurie de main-d’œuvre et la recherche difficile de compétences ad hoc ont profondément modifié le marché du travail.
Aujourd’hui, selon les derniers chiffres disponibles, 11,5% des travailleurs belges ont 60 ans ou plus. En cinq ans, cette tranche d’âge a gonflé de 60% sur le marché du travail. Le vieillissement de nos forces actives s’accélère. Garder nos seniors en entreprise, en leur proposant un travail adapté et faisable, est devenu un véritable enjeu. D’autant que la relève n’arrive pas sur le marché au même rythme. Quelles options s’offrent aujourd’hui aux collaborateurs et aux entreprises pour adoucir les fins de carrière ? Petit tour d’horizon.
1. Le crédit-temps de fin de carrière
Le crédit-temps de fin de carrière permet aux salariés, à partir de 55 ans (dans certains secteurs, cet âge a même été abaissé à 50 ans), de réduire leurs prestations à 4/5e ou à mi-temps jusqu’à l’âge de leur pension. Il faut disposer d’une carrière d’au moins 25 ans, avoir au moins deux ans d’ancienneté chez l’employeur actuel et avoir été occupé dans le régime de travail imparti pendant les 24 mois qui précèdent.
“C’est la meilleure de toutes les solutions pour adoucir sa fin de carrière, explique Marta Sequeira Pereira, juriste chez Securex, le prestataire de services RH. La règle générale, c’est qu’il faut avoir 60 ans, mais, de fait, il existe des exceptions dans certains secteurs pour commencer plus tôt. La différence, c’est que l’Onem ne va compenser votre crédit-temps que si vous avez 60 ans. Il est quand même question d’une allocation mensuelle nette de 404,8 euros pour un temps-plein qui passe à mi-temps (513,44 euros pour un isolé). Le 4/5e ouvre une allocation moins importante évidemment, mais non négligeable. Suivant les cas, elle oscille entre 187,11 euros net par mois et 287,8 euros.”
En sus de l’allocation de l’Onem, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à ajouter une indemnité mensuelle supplémentaire. “C’est une façon élégante d’encourager les profils seniors à rester, poursuit-elle, et ainsi de conserver leurs compétences et expertises. Mais aussi de voir ces profils transmettre leur savoir-faire aux plus jeunes. L’indemnité mensuelle payée par l’entreprise ne peut dépasser l’allocation de l’Onem. Et l’ensemble perçu ne peut être supérieur au dernier salaire brut complet.”
Le crédit-temps est une façon élégante d’encourager les profils seniors à rester.
Marta Sequeira Pereira,
juriste chez Securex
Ce crédit-temps de fin de carrière permet donc de minimiser la perte salariale. L’effet est nul sur la pension dès que l’on touche une allocation de l’Onem. Le mi-temps ou le 1/5e temps non prestés sont, en effet, assimilés à des prestations complètes par l’Office des Pensions. Évidemment, pour adoucir sa fin de carrière, il est aussi possible de passer à un temps partiel classique. Ici, par contre, le montant de la pension est affecté.
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2. La prépension
La prépension existe toujours, même s’il faut, depuis le 1er janvier 2012, parler de RCC pour régime de chômage avec complément d’entreprise. Depuis 2024, tant les hommes que les femmes doivent avoir 62 ans et 40 années de carrière pour prétendre au régime, pour autant que leurs entreprises aient envie de les licencier évidemment. Ce qui, vu le contexte expliqué plus haut, est devenu rare. Les 40 ans exigés par le législateur réduisent aussi fortement le nombre de profils concernés. Depuis 2021, ce RCC est octroyé à partir de 60 ans et de 33 années de carrière dans les secteurs de la construction, du travail de nuit et des métiers lourds. Le RCC ne signifie pas pour autant une sortie définitive du monde du travail.
“La personne est, en réalité, au chômage et rien ne l’empêche de recommencer à travailler, confie Marta Sequeira Pereira. Cela arrive avec des profils qui ont décidé de changer d’orientation ou qui, après un certain temps, se rendent compte qu’ils veulent continuer à être actifs. Il faut savoir que, dans ce cas, le complément d’entreprise n’est pas perdu. Il est, en effet, dû jusqu’au dernier jour avant le départ en pension légale. Ce complément d’entreprise n’est pas négligeable du tout puisqu’il correspond à la moitié de la différence entre le dernier salaire net et l’allocation de chômage.”
3. Les pensions et le bonus
Les travailleurs ont aussi le loisir de prendre leur pension de façon anticipée. La perte sur le montant définitif de la pension est minime. Il faut juste veiller à ne pas demander le versement des différentes pensions complémentaires sous peine de se voir taxer à 20 au lieu de 10%. Aujourd’hui, il faut avoir 63 ans et 42 années de carrière (ou 60 et 44, ou 61/62 et 43) pour prétendre à la pension anticipée. Toutefois, avec l’arrivée du bonus pension le 1er juillet dernier pour un premier départ en pension en janvier 2025, prendre sa pension anticipée n’est plus une option à favoriser.
“Si l’on a 63 ans, cela vaut la peine de mordre sur sa chique trois années de plus, sourit Marta Sequeira Pereira. Le bonus pension va alors démarrer à la date de la pension anticipée. Il suffit de signaler à l’Office des pensions que l’on n’opte pas pour l’anticipation et que l’on souhaite bénéficier de ce bonus. Ce n’est pas automatique comme dans la pension légale. Le collaborateur aura droit à 3.927,41 euros la première année, 7.855,02 euros la deuxième et 11.782,53 euros la troisième.”
La personne qui est arrivée à l’âge légal et qui ne demande pas sa pension se constitue, chaque année, pendant trois ans, un bonus de 11.782,53 euros. Comme le soulignent de nombreux experts, le bonus pension peut être plus intéressant à constituer pendant les trois années de pension anticipée. En effet, dès l’âge légal, il n’y a plus aucune limite à ce qu’un pensionné peut gagner en travaillant. Signalons que les premiers départs en pension à l’âge légal de 66 ans auront lieu en 2026 avec une demande en 2025.
4. Plan pour l’emploi des 45+
Depuis 2013 et la CCT 104, les entreprises de plus de 20 travailleurs doivent obligatoirement établir chaque année un plan qui détaille ce qu’elles font pour retenir ou recruter des collaborateurs âgés de 45 ans et plus. La plupart des dispositifs qu’elles déploient envers leurs seniors sont liés à ce plan. Qu’y retrouve-t-on pour adoucir les fins de carrière ? Des horaires adaptés ou flottants, une charge revue à la baisse, des conditions de travail plus souples, des formations, de la prévention pour stimuler le bien-être au travail, mais aussi de la mobilité interne pour exercer une autre fonction qui valorise mieux leurs compétences, des jours de congé liés à l’ancienneté (la plupart du temps, il s’agit de dispositifs sectoriels), etc. Pour valoriser les seniors, les entreprises ont aussi le loisir de leur offrir des primes d’ancienneté. Soit une fois le salaire mensuel brut pour 25 années de carrière et deux fois pour 35.
La CCT 104 prévoit aussi le système des fins de carrière adoucies. Il doit être réglé par une CCT sectorielle ou une convention individuelle. Ou alors être prévu dans le règlement du travail. Ouvert aux collaborateurs âgés d’au moins 58 ans, il concerne obligatoirement des mesures permettant de passer d’un travail en équipe et de nuit à un travail ordinaire de jour, de prester moins d’heures ou d’exercer un travail moins lourd. La réduction du temps de travail est limitée à un passage d’un temps-plein à un 4/5e. Les collaborateurs d’au moins 60 ans ont droit à une indemnité compensatoire, exonérée d’impôts et payée par l’employeur ou un fonds sectoriel. Par exemple, l’Inami dans le cadre des soins de santé, grands utilisateurs de ce dispositif. Ce dernier est aussi très présent dans la construction, où certains travaux (comme ceux de voirie, par exemple) se déroulent obligatoirement de nuit.
5. Dispense de prestations
De très nombreux secteurs, dont le non-marchand, offrent des dispenses de prestation parfaitement légales à leurs collaborateurs en fonction de leur ancienneté. À titre d’exemple, dans les hôpitaux, les plus de 55 ans bénéficient de 288 heures de dispense de prestations par an ou 3 x 8h par mois proportionnelle au temps contractuel pour les temps partiels. Une dispense de prestation peut parfois déboucher sur ce que l’on appelle du temps partiel involontaire.
“Dans les secteurs déjà cités, la demande de quitter le travail de nuit pour celui de jour à partir d’un certain âge et d’une certaine ancienneté peut se produire pour des raisons médicales, conclut Marta Sequeira Pereira. Parfois, ce changement n’est pas compatible avec les activités de l’entreprise. Dans ce cas-là, le travailleur ne sera pas sanctionné par l’Onem, touchera son chômage normalement et, en sus, bénéficiera d’une allocation mensuelle complémentaire pendant cinq ans qui sera payée par l’employeur ou le fonds sectoriel.”
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