Le droit à la déconnexion peine à s’imposer en Belgique

Droit à la déconnexion © getty

Deux ans après son entrée en vigueur en Belgique, le droit à la déconnexion peine à se concrétiser : plus de la moitié des employés (52 %) sont encore contactés par leur manager en dehors des heures de travail.

Un droit instauré, mais peu appliqué

L’une des mesures phares du Deal pour l’emploi, entrée en vigueur le 1er janvier 2023, visait à assurer un meilleur respect du temps de travail et à préserver l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Depuis cette date, les employeurs comptant au moins 20 travailleurs ont l’obligation d’organiser une concertation interne afin de définir les modalités du droit à la déconnexion et de mettre en place des dispositifs réglementant l’utilisation des outils numériques.

Ce que dit la loi

« La concertation doit, à minima, déterminer les modalités pratiques garantissant le droit du travailleur de ne pas être joignable en dehors de ses horaires de travail », expliquait à l’époque Barbara Marissens, avocate chez CMS. Elle doit également fixer des consignes relatives à l’usage des outils numériques afin d’assurer le respect des périodes de repos, des congés et de la vie privée des salariés, ainsi que prévoir des actions de sensibilisation sur les risques liés à une connexion excessive.

Les modalités et dispositifs adoptés doivent être formalisés dans une convention collective de travail. Ou, à défaut, dans le règlement de travail de l’entreprise. Toutefois, si une convention collective sectorielle ou nationale existe déjà sur ce sujet, l’employeur n’est pas tenu d’en rédiger une nouvelle. En revanche, l’absence de sanctions en cas de non-respect affaiblit considérablement le dispositif.

Deux ans plus tard…

Selon une étude récente de Protime, spécialiste de la gestion du temps et du personnel, le droit à la déconnexion demeure largement théorique. Plus de la moitié des employés (52 %) continuent à être sollicités en dehors des heures de travail, notamment par appels téléphoniques (59 %), messages (51 %) ou emails (44 %). Par ailleurs, 24 % des Belges francophones interrogés disent être rarement contactés en dehors de leurs horaires.

Florent Bovicelli, porte-parole de Protime, explique cette situation par la flexibilité croissante du travail. « De plus en plus d’employés (23 %) ne suivent plus d’horaires fixes. Avec des plannings variables, il devient plus difficile de limiter les contacts aux heures de bureau ».

Un autre problème réside dans la perception des employés. Près de 69 % d’entre eux ressentent la nécessité de répondre aussi vite que possible, voire immédiatement. Or, comme le rappelle Lode Godderis, professeur de médecine du travail à la KU Leuven, « être contacté hors des heures de travail ne signifie pas nécessairement qu’une réaction immédiate est attendue. Pourtant, la plupart des employés l’interprètent ainsi ».

Il semble donc urgent d’établir des règles claires sur la disponibilité hors temps de travail.

Intégrateur ou séparateur ?

L’étude de Protime distingue deux profils d’employés en fonction de leur approche du travail :
– L’intégrateur : il accepte que son travail empiète sur sa vie privée et n’hésite pas à travailler en soirée si nécessaire.
– Le séparateur : il veille à une stricte distinction entre sa vie professionnelle et personnelle et tolère peu les sollicitations hors horaires.

Selon l’étude, 38 % des employés se considèrent comme intégrateurs, tandis que 44 % se voient comme séparateurs.

Quel est votre profil ?
– Totalement intégrateur (14 %)
– Plutôt intégrateur (24 %)
– Plutôt séparateur (24 %)
– Totalement séparateur (19 %)
– Aucun des deux (9 %)
– Un mix des deux (9 %)

« Ces catégories ne sont pas figées, précise Katelijn Nijsmans, neuroscientifique et fondatrice de How’s Work. Notre perception du travail évolue en fonction des situations et du temps ».

Des efforts en cours

Face aux résultats de l’enquête, la pertinence du droit à la déconnexion peut être remise en question. Pourtant, 81 % des répondants estiment qu’il conserve toute son importance.

Par ailleurs, l’étude indique une évolution positive. 38 % des employés disent être moins souvent sollicités en dehors de leurs heures qu’auparavant. Une proportion équivalente signale une diminution des messages, tandis qu’un tiers observe une baisse des emails. En outre, 57 % des salariés se montrent aujourd’hui plus intransigeants face aux sollicitations hors horaires de leur manager.

Enfin, la possibilité de se déconnecter contribue à réduire le stress professionnel pour 41 % des employés.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content