L’IA creuse un fossé générationnel chez les commerciaux : les seniors en danger?
Le choc de l’IA crée une fracture nette entre deux générations de vendeurs. Et sans vigilance, elle se transformera en un gouffre qui pourrait hélas engloutir les commerciaux les plus expérimentés et paradoxalement les moins agiles.
Encore trop souvent, j’évangélise des équipes commerciales sur l’intelligence artificielle. À chaque démonstration, le même effet : la stupéfaction. Beaucoup tombent des nues en découvrant, via une conversation fluide et pertinente avec ChatGPT, que leur expertise technique, leur connaissance des produits, ou même leur maîtrise du marché sont désormais accessibles, instantanément, et gratuitement.
Ailleurs déjà, des entreprises déploient des télévendeurs virtuels, dotés de voix et de visages quasi indifférenciables de ceux d’un être humain, dotés d’une mémoire infaillible et d’une disponibilité totale. Ces avatars connaissent tout : produits, services, commandes, comptes clients… et ils sont déjà formés à la vente. Leur coût ? Dérisoire : une installation initiale, un abonnement, quelques mises à jour régulières, et… c’est tout.
Une ampleur insoupçonnée
Bientôt, le monde commercial se scindera en deux : ceux qui maîtrisent ces outils pour démultiplier leurs performances, et ceux qui, passifs ou sceptiques, comptent encore sur leur expérience ou ancienneté pour les protéger. Ceux qui pensent déjà “utiliser” l’IA, souvent pour simplifier des e-mails ou peaufiner un compte-rendu, n’en grattent encore que la surface ! Ils sont loin de saisir l’ampleur de l’impact que l’IA aura sur l’ensemble du processus commercial, de la prospection à la fidélisation. C’est justement ces révolutions en amont (prospection), en plein cœur de la vente (rendez-vous), et en aval (suivi et fidélisation) que nous allons survoler pour en comprendre la portée.
Avant la vente, l’IA a redéfini la prospection, la génération et la maturation des leads avec une précision et une efficacité inédites. Grâce à son pouvoir d’analyse et son screening massif, elle identifie des prospects en un temps record, récupère automatiquement les données de contact et amorce les premiers échanges sur plusieurs canaux.
Elle envoie au prospect des contenus pertinents, séquencés intelligemment et ajustés en temps réel pour nourrir la relation. Une machine de guerre en amont de la vente, balisant le terrain comme jamais.
Passer le relais au bon moment
L’IA affine aussi la préparation et la personnalisation des interactions, décryptant les signaux d’intention d’achat. Elle passe le relais au commercial au moment stratégique, quand le prospect est prêt à écouter. Et ce n’est pas tout. L’IA produit des données interprétatives de plus en plus fines : à partir d’un profil social ou d’un acte d’achat, elle analyse les comportements, décode des traits de personnalité et capte les émotions. Résultat ? Le commercial sait quels sujets aborder, avec quelle posture et ton pour chaque prospect. En planification, l’IA optimise les rendez-vous avec une précision chirurgicale.
Toutes ces données sont soigneusement analysées. Les taux de conversion, enrichis par des qualifications pointues et des séquences automatisées pertinentes, affinent la prédictivité, améliorent le pilotage et révèlent rapidement de nouvelles pistes d’optimisation. La planification devient une science, appuyée par une intelligence implacable. L’IA ne se limite pas aux coulisses ; elle est pleinement dans l’action, au cœur des échanges. Aujourd’hui, de nombreuses solutions enregistrent les appels et vidéos, offrant non seulement une transcription dynamique, mais aussi une synthèse des points d’action et des enjeux clés du rendez-vous.
Ceux qui pensent déjà “utiliser” l’IA n’en grattent encore que la surface !
Avec les “scorecards”, l’IA pousse le jeu plus loin : elle évalue chaque appel selon les processus commerciaux de l’entreprise, mesurant instantanément la durée des interventions, le respect des étapes, la qualité des arguments, les tentatives de conclusion et la pertinence des réponses aux objections. En un clin d’œil, elle produit un diagnostic précis de l’adhésion au sales process.
À mesure que les IA s’enrichissent, elles déchiffrent de plus en plus finement les comportements, micro-expressions et émotions des clients. En temps réel, elles peuvent soutenir le commercial en fournissant des conseils, en suggérant des questions ou en ajustant subtilement sa posture pour optimiser chaque rendez-vous.
Vers des solutions immersives
Actuellement, nombre de commerciaux enregistrent leurs rendez-vous en présentiel avec l’accord des clients, un geste qui facilite le suivi, allège la prise de notes et amorce l’auto-alimentation des CRM. Ce n’est qu’un début : bientôt, ces pratiques pourraient évoluer vers des solutions immersives, où l’IA analyserait les échanges en direct et fournirait discrètement ses recommandations via un écran, une tablette, des lunettes ou une oreillette connectée.
Après l’entretien, les données captées et les notes vocales prises à chaud permettent aux IA de simplifier et enrichir le suivi client. Fini le reporting fastidieux : les IA prennent le relais, gérant les étapes post-vente en interne comme dans l’interaction avec le client.
De la rédaction du compte rendu à l’envoi, au suivi et aux relances, chaque étape suivra un tempo intelligent. Ce principe régira aussi l’onboarding client et la fidélisation, assurant la satisfaction, l’augmentation du panier moyen et la loyauté, jusqu’à faire du client un véritable ambassadeur de la marque.
Une nouvelle génération de vendeurs
Et après ? Dans les jeunes entreprises ultra-digitalisées, les entrepreneurs et commerciaux “full stack”, passionnés d’automatisation et orientés data, traquent sans relâche les nouveaux leviers de croissance. Ces pionniers vont au-delà de l’utilisation de ces nouveaux outils : ils les combinent, les optimisent et explorent chaque potentiel avantage compétitif que l’IA pourrait leur offrir et créent une nouvelle génération de “vendeurs augmentés”.
À l’inverse, dans les grands groupes, l’attente et la prudence dominent. L’IA y suscite une méfiance rappelant celle d’internet il y a 20 ans : danger, gadget, ou véritable opportunité ? Les directions générales hésitent, scrutant les risques de confier des données à des IA externes et s’inquiétant des enjeux de confidentialité et de conformité réglementaire. Pendant que les grandes structures piétinent par précaution, les petites avancent sans retenue dans ce far west numérique.
Déjà, plusieurs outils d’automatisation combinent et séquencent l’intervention de diverses IA pour fluidifier les processus de vente. Bientôt, ces automatisations pourraient se fondre dans les grands CRM, orchestrant le parcours client de bout en bout. Une rationalisation de cet écosystème est probable, avec rachats et intégration au sein des plateformes des grands acteurs de la numérisation commerciale, formant une véritable business suite – à l’image de ce que Microsoft Office a accompli pour la bureautique du siècle dernier.
Il devient pourtant crucial de s’y engager sans attendre cette rationalisation. Ceux qui patientent, espérant une stabilisation du marché, risquent de se faire distancer par les pionniers qui auront déjà saisi ces nouveaux leviers de croissance.
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