Droit au chômage après une démission : une petite révolution pour le travailleur belge
Dans la déclaration gouvernementale, un droit à la démission avec possibilité d’obtenir des allocations de chômage est évoqué. En quoi cela consiste-t-il, qui y aurait droit et à quelles conditions?
A la page 18 de l’accord gouvernemental, on apprend que le nouveau gouvernement veut introduire « un droit à la démission » pour le travailleur belge, une mesure inédite en Belgique. Dans notre pays, il n’existe en effet pas de droit formel à la démission pour un salarié, contrairement à un droit de licenciement. Cela signifie qu’un salarié peut choisir de quitter son emploi de son propre gré, mais cela ne lui donnera pas droit de facto à des indemnités de départ. C’est le cas lors d’un licenciement par l’employeur. Il se retrouve alors sans aucun revenu s’il quitte volontairement son travail. Par conséquent, il sera exclu du droit aux allocations de chômage pour une durée indéterminée. Tant qu’il ne prouve pas qu’il a retrouvé un autre emploi et l’a perdu sans faute de sa part.
10 ans de carrière
L’Arizona veut changer les choses. Et c’est une petite révolution qui s’annonce. Dans sa déclaration gouvernementale, la nouvelle coalition écrit : « Une fois par carrière, un travailleur qui comptabilise déjà au moins 10 ans de carrière avec des années de travail effectif peut démissionner en pouvant prétendre à des allocations de chômage pendant une période limitée de maximum six mois. La durée peut être prolongée une fois de six mois dans le cas d’une formation réussie vers un emploi en pénurie et si le travailleur a démarré cette formation dans le premier trimestre de l’allocation de chômage. »
Sous la législature précédente, Ecolo avait proposé de donner accès aux allocations de chômage aux travailleurs qui démissionnent, mais l’idée n’avait pas été soutenue au sein de la Vivaldi. Ce « doit au rebond » que le nouveau gouvernement belge veut mettre en application pourrait favoriser la reconversion professionnelle de certains employés. En priorité de ceux qui n’osent pas quitter leur fonction de façon spontanée car ils n’auraient actuellement droit à aucune aide financière.
La règle actuelle
Actuellement, en Belgique, un salarié qui démissionne n’a normalement pas droit au chômage. Lorsqu’un salarié démissionne de son propre gré en Belgique, l’ONEM (Office national de l’emploi) considère en effet qu’il est responsable de sa perte d’emploi. Il y a toutefois des exceptions. Entre autres, si la démission est due à une faute grave de l’employeur. Si le salarié quitte son emploi pour un autre et que ce nouvel emploi est perdu rapidement sans faute de sa part. La règle veut dans ce cas qu’il ait travaillé au moins 13 semaines dans ce nouvel emploi avant de pouvoir demander le chômage. Ou encore, si le salarié prouve que sa démission était nécessaire pour des raisons impérieuses (ex. : problèmes de santé, violence au travail).
Démission « légitime »
Dans certains cas, une démission peut être considérée comme “légitime” par l’ONEM, ce qui ouvre le droit au chômage après une évaluation de la situation. Quelques exemples : harcèlement ou mauvaises conditions de travail (avec preuves), non-paiement du salaire par l’employeur, démission pour suivre un conjoint qui doit déménager pour des raisons professionnelles. Ou encore, pour des raisons de santé justifiées par un certificat médical. Dans ces cas de figure, le bureau de chômage de l’ONEM analyse la situation et décide s’il accorde ou non les allocations. Si la démission n’est pas considérée comme légitime, l’ONEM peut imposer une exclusion du chômage pour une durée indéterminée. Une période de sanction de plusieurs semaines ou mois avant de pouvoir bénéficier du chômage (si le travailleur a ensuite travaillé ailleurs et perdu son emploi sans faute).
Un travailleur qui quitte son emploi pour devenir indépendant n’a pas droit aux allocations de chômage sauf s’il avait souscrit à une assurance “tremplin-indépendant” qui lui permet de revenir au chômage en cas d’échec de son activité.
Des législations différentes en Europe
La possibilité de démissionner sans préavis ou de manière immédiate dépend des règles spécifiques de chaque pays et de la législation en vigueur. En introduisant un droit à la démission avec des allocations de chômage, la Belgique serait parmi les pays d’Europe le plus généreux en termes d’allocations envers ses travailleurs. Dans la plupart des pays, une démission volontaire entraîne en effet soit une suspension temporaire des allocations chômage, soit une exclusion, sauf si le salarié peut justifier une raison impérieuse.
Démission pour reconversion en France
La France est l’un des rares pays à avoir récemment introduit un droit au chômage en cas de démission pour reconversion. Un salarié qui démissionne n’a généralement pas droit aux allocations chômage, sauf dans certains cas qualifiés de “démission légitime” par Pôle emploi, notamment :une démission pour suivre son conjoint qui change de résidence pour raisons professionnelles, pour cause de non-paiement du salaire ou harcèlement, dans le cadre d’un projet de reconversion professionnelle validé par Pôle emploi, ou encore, après au moins 5 ans d’ancienneté pour créer une entreprise.
En Allemagne, un salarié qui démissionne peut recevoir l’Arbeitslosengeld (allocation chômage), mais il est généralement soumis à une pénalité de 12 semaines de suspension avant de percevoir ses droits, sauf s’il justifie une raison impérieuse (harcèlement, non-paiement du salaire, etc.).
Au Danemark, les allocations chômage sont gérées par des caisses d’assurance chômage (A-kasse). En cas de démission, le salarié subit généralement une période de carence de 3 semaines, mais il peut toucher ses allocations après cette période.
En Suisse, un salarié qui démissionne peut toucher le chômage, mais il subit une pénalité appelée période de suspension qui peut durer de 1 à 3 mois, sauf s’il prouve que sa démission était justifiée (santé, harcèlement, conditions de travail abusives).
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