Burn-out et rentabilité ne font pas bon ménage
Securex et Graydon CreditSafe ont uni leurs forces pour objectiver le lien entre la bonne santé d’une entreprise et le bien-être de ses travailleurs. Ils démontrent une forte interdépendance entre les burn-out et les performances et la santé financière d’un employeur. Des facteurs comme la mixité et les salaires jouent un rôle prépondérant.
En novembre dernier, nous consacrions notre dossier de couverture à la problématique de l’absentéisme de longue durée, fléau économico-social de notre pays. En 2021, cet absentéisme correspondait à 10,95 % de l’emploi (chômeurs et indépendants compris). Le mental se paie la part du lion (37 %) des causes déclarées avec une explosion des burn-out et de dépression en cinq ans : +46 % ! Ces absences ont un coût humain, social et économique très élevé. Il est question de 500 millions d’euros d’indemnités versées pour les burn-out. Mais, contrairement à une croyance largement répandue dans le monde de l’entreprise, cet absentéisme de longue durée coûte aussi très cher à court et moyen terme aux sociétés.
Au terme de presque une année d’étude, Securex, le prestataire de services RH, et Graydon CreditSafe, la société d’informations financières, sont parvenus à objectiver ce coût et à définir des critères qui expliquent le cercle vertueux, ou vicieux suivant les cas, qui lie le bien-être d’un employé et la bonne santé de son employeur.
Impact humain sur le financier
Securex et GraydonCreditsafe ont croisé leurs données et ont étudié le rapport entre des caractéristiques sociales propres à une entreprise (taille, salaires bruts, turnover du personnel, nombre de contrats flexibles, absentéisme, etc.) et tant sa rentabilité – soit ses résultats bilantaires purs et durs – que sa performance. Pour cette dernière, ils se sont basés sur le multiscore de GraydonCreditsafe, déjà amplement utilisé par les institutions financières et les administrations publiques. Ce multiscore intègre, outre les résultats financiers d’une entreprise, des paramètres comme ses relations avec l’ONSS, ses données juridiques, la façon dont elle paie ses factures ou dont sont acquittées ses factures, les voitures de société, le volume d’offres d’emploi et les profils recherchés, etc. Le score ESG est aussi entré en ligne de compte car la durabilité d’une entreprise ne s’arrête pas à une flotte de véhicules électriques ou un siège social neutre en CO2 mais intègre aussi la durabilité des conditions de travail. On oublie trop souvent que la lutte contre l’absentéisme de longue durée fait partie des 17 objectifs de développement durable à l’horizon 2030 de l’Onu.
L’étude de Securex et GraydonCreditsafe livre une conclusion majeure qui devrait marquer les esprits dans tous les comités de direction du pays : l’humain a un impact crucial sur les pertes et profits d’une entreprise. Quatre facteurs ont déjà été clairement identifiés. D’une part, l’absentéisme de longue durée. Moins il est présent, plus la performance est haute. L’étude fait état d’un écart de 40 % (!) suivant un taux d’absentéisme faible ou élevé. D’autre part, la rotation du personnel. Les entreprises avec un faible turnover sont 1,3 fois plus performantes que celles avec une rotation élevée. Ce même chiffre sépare les entreprises au niveau du recours, important ou pas, aux contrats étudiants. Enfin, les salaires bruts. Les chiffres sont édifiants : les entreprises avec les 25 % de salaires bruts les plus élevés sont quasi deux fois plus performantes (1,89) que celles avec les salaires bruts les plus bas.
“Des salaires bruts élevés sont rentables et le recours à des contrats flexibles n’est pas forcément payant à moyen terme.”
Heidi Verlinden, research project manager chez Securex
« Nous démontrons que des salaires bruts élevés sont rentables, souligne Heidi Verlinden, research project manager chez Securex, et que le recours à des contrats flexibles n’est pas forcément payant à moyen terme. Ces effets se retrouvent dans tous les secteurs étudiés. »
« Le burn-out n’est pas l’apanage de boîtes ultraperformantes, renchérit Eric Van den Broele, directeur de la recherche et du développement chez Graydon CreditSafe, mais bien, à l’inverse, d’entreprises en difficulté qui, par ricochets, rémunèrent moins bien. »
Importance de la mixité
Les deux partenaires ont aussi tiré une série de constatations au départ des caractéristiques propres d’une entreprise et leur effet sur la prévalence du burn-out. Une bonne performance générale d’une entreprise permet de réduire cette prévalence. L’incidence de l’absentéisme de longue durée est 1,6 fois plus élevée parmi les 25 % d’entreprises les moins performantes (multiscore de 22) que parmi les 25 % les plus performantes (multiscore de 81). L’influence de la rentabilité est du même tonneau : la prévalence de l’absentéisme de longue durée est 1,5 fois plus élevée parmi les 25 % les moins rentables (rendement moyen de -9,39 %) que chez les 25 % les plus rentables (rendement moyen de 15 %). Plus logiquement, les grandes entreprises sont disproportionnellement plus susceptibles d’avoir des employés absents pendant de longues périodes. Enfin, et c’est la deuxième constatation majeure de l’enquête, la mixité est gage d’une bonne santé d’entreprise. Les chiffres sont sans appel : les entreprises à faible mixité courent un risque de burn-out deux fois plus élevé que celles à forte mixité !
“Le burn-out n’est pas l’apanage de boîtes ultraperformantes.”
Eric Van den Broel (Graydon CreditSafe)
« C’est le chiffre le plus frappant, confirme Eric Van den Broele. Et j’ose imaginer qu’élargir cette mixité à la diversité au sens large donnerait les mêmes résultats mais le RGPD ne nous permet pas de l’étudier. Ces 10 dernières années, de nombreuses études ont montré l’impact important de la mixité : force d’innovation accrue, vision plus forte de la durabilité d’une entreprise dans un comité de direction paritaire, etc. L’impact de la mixité est un élément intangible. Mais elle offre indéniablement plus de possibilités d’épanouissement et de bien-être à plus de gens. »
Ces constatations, objectives et chiffrées, démontrent, une fois de plus, l’importance d’une bonne gestion du capital humain dans une entreprise. Largement plus essentielle qu’une vision basée sur l’alignement de chiffres sur un tableau Excel.
« Nos recherches démontrent qu’investir dans l’humain est rentable, assène Heidi Verlinden. Investir dans la qualité de vie des employés, c’est aussi, pour une entreprise, investir dans sa propre réussite et croissance. Combien de fois n’ai-je pas entendu un employeur dire qu’il n’est pas un professionnel de la santé et n’a pas à se mêler du bien-être de ses employés. Et bien, c’est un tort ! On le voit, les entreprises ont une part de responsabilité importante dans la prolifération de l’absentéisme de longue durée. »
Le travail de Securex et GraydonCreditsafe n’est pas terminé. Croiser des variables avec un maximum de sécurité et une valeur scientifique est un travail de fourmi dont ils n’ont livré que certains aspects. Le but ultime est de définir un outil prédictif qui permettra, suivant les caractéristiques d’une entreprise, de prédire les risques de burn-out.
« Ce modèle se basera sur de critères objectifs dont le score ESG dont on a vu, via la mixité, l’impact important, conclut Eric Van den Broele. Cette problématique de l’absentéisme nécessite une approche holistique. Ce n’est pas tout d’étudier différents paramètres, tangibles ou non, d’une entreprise, il est crucial, et l’enquête le démontre, de se pencher sur leur interdépendance. »
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