Bernard Clerfayt: “Mon discours est émancipateur”
Trois questions au ministre bruxellois de l’Emploi, après la polémique qu’il a soulevée en parlant de “modèle méditerranéen” pour expliquer le faible taux d’emploi des femmes dans la Région.
Le ministre bruxellois de l’Emploi (DéFI) reconnaît une “légère maladresse” dans les mots avec son “modèle méditerranéen” mais assume son discours sur le faible taux d’emploi des femmes. Pour atteindre les 80% en 2030, il faut passer à l’action, estime
TRENDS-TENDANCES. Vous avez dit que le “modèle méditerranéen” était un obstacle pour augmenter l’emploi des femmes à Bruxelles, “avec monsieur qui travaille et madame qui reste à la maison”. Vous persistez?
Bernard Clerfayt. J’ai reconnu une légère maladresse dans l’expression utilisée lors d’une interview matinale. J’ai mélangé deux concepts, j’aurais peut-être dû parler d’un modèle patriarcal, mais celui-ci règne davantage dans la population méditerranéenne, surtout maghrébine et turque. Ce sont des faits avérés par les statistiques et relevés dans un rapport du très sérieux Conseil supérieur de l’emploi en janvier 2023. Le taux d’emploi des femmes dans ces communautés dépasse à peine les 40%. La question qui se pose, c’est de savoir pourquoi le taux d’emploi entre les hommes et les femmes est à ce point différent à Bruxelles alors que l’objectif fixé pour la Belgique consiste à atteindre les 80% à l’horizon 2030. Cet écart, relève le Conseil supérieur de l’emploi “s’explique en partie par la structure sociodémographique qui diffère nettement de celle des deux autres Régions”.
Avez-vous été surpris par les réactions outrées?
J’ai voulu parler d’un sujet objectif dont on ne parle pas assez. Il est peut-être tabou pour certains mais il ne l’est pas pour moi. Certains ont mis uniquement l’accent sur les discriminations à l’embauche, qui sont réelles, mais nous sommes déjà à la pointe de la lutte contre celles-ci: les politiques initiées par mon prédécesseur Didier Gosuin, que nous prolongeons, inspirent le fédéral et les autres Régions.
Mais il y a par ailleurs un vrai problème de participation au marché de l’emploi que l’on ne peut nier. Que l’on ne s’y trompe pas, mon discours soutient une émancipation de la société: le droit à chacun de participer à la vie en société, de travailler, de gagner sa vie… J’ai été surpris que certains partis progressistes s’y opposent, avec une vision davantage communautariste.
Que faut-il faire pour changer les choses?
Pour atteindre l’objectif d’un taux d’emploi de 73% à Bruxelles en 2030, qui s’inscrit dans l’objectif des 80% au niveau national, il faudrait en recruter 125.000 de plus qu’aujourd’hui. C’est énorme, sachant que 500.000 personnes travaillent actuellement dans la Région. Nous avons 88.000 chercheurs d’emploi, il faut donc en trouver 40.000 qui viennent d’ailleurs. Nous travaillons sur la possibilité de remettre davantage de personnes en invalidité sur le marché du travail, notamment via des fonctions moins dures physiquement. Mais il y a un effort à fournir sur cette question du taux d’emploi des femmes: cela passe par la lutte contre les discriminations, l’ouverture de crèches – Actiris prend sa part –, mais aussi par un travail de fond, notamment par une éducation contre les discriminations de genres à l’école. Je le répète: ma vision est émancipatrice, elle ne visait pas à stigmatiser.
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