45 ans, le début de la mort professionnelle ? 

Une carrière est-elle finie après vos 45 ans ? © getty

Nouvelle année, nouvelle résolution. Et ils seraient nombreux parmi les salariés de 45 ans et plus à envisager une transition professionnelle. Mais est-ce une bonne idée ?

Vers 45 ans, beaucoup rêvent d’un changement de carrière. Un changement souvent motivé par des raisons personnelles et organisationnelles. Une étude Flashs/L-Expert-Comptable révèle que 63 % des actifs de cet âge regrettent leurs choix de carrière, 34 % auraient souhaité explorer d’autres horizons, et 20 % pensent qu’ils auraient dû prendre davantage de risques. Autant de remises en question qui coïncident avec une perte de sens au travail, la montée des “bullshit jobs” et le désir de s’investir dans des causes sociétales, comme l’environnement.

Est-il raisonnable d’envisager encore un changement de carrière après 45 ans ?

Bonne nouvelle, il est tout à fait possible de changer de carrière après 45 ans. « Beaucoup de personnes réorientent d’ailleurs leur carrière à cet âge, notamment grâce à la montée des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie et à la demande de nouvelles compétences dans des secteurs innovants (technique, santé, développement durable, etc.). Il faut juste pas perdre de vue que « cela puisse demander davantage d’efforts en termes de formation, de réseautage et de gestion du changement », précise Anne-Sophie Bialas, experte RH chez Acerta. Cela peut donc être difficile, mais c’est loin d’être impossible. « C’est surtout une belle opportunité de réaliser le métier qu’ils désirent en lien avec leurs talents/compétences et un métier qui fait sens pour eux ». 

Des transitions aussi parfois subies

À côté de ces doutes personnels, pas mal de cadres seraient aussi touchés par des transitions de carrière subies. Ainsi selon Benoit Durand-Tisnès, spécialiste du management de transition, près de 50 % des cadres âgé de plus 45 ans vivront une phase de transition d’ici cinq ans. Peut-on dès lors parler d’obsolescence programmée pour les employés de plus de 45 ans. Une carrière est-elle déjà finie après avoir passé ce cap ?  Comme souvent la réponse est plus complexe que cela. D’autant plus qu’avec le recul de l’âge de la pension et une chasse au talent dans certains secteurs les cartes sont peu à peu rebattues.

Selon Anne-Sophie Bialas, « en Belgique, tout comme dans d’autres pays, l’âge peut effectivement être un facteur discriminant dans le monde du travail. Certaines entreprises préfèrent embaucher des profils plus jeunes ou moins chers. Mais parler de “mort professionnelle” est sans doute exagéré. Les défis sont réels, mais pas insurmontables. D’autant plus que mis à part dans certains secteurs plus jeunes ou plus portés par les nouvelles technologies, l’expérience et les compétences des travailleurs plus âgés sont souvent des atouts ».

Que faire justement pour ne pas subir ?

Pour rebondir, les professionnels doivent développer des compétences en réseautage et adopter une posture d’apporteur de solutions. Cela inclut la formation continue, une bonne connaissance de ses compétences et une réflexion approfondie sur ses aspirations.

Pour rester pertinent sur le marché du travail il est crucial de :
•             Se former régulièrement (formations professionnelles, certifications, etc.)
•             Développer un réseau professionnel actif
•             Être ouvert aux nouvelles technologies et aux changements dans son secteur
•             Démontrer de l’agilité et de la capacité d’adaptation
•             Mettre en avant des compétences transversales (leadership, gestion du temps, résolution de problèmes)

Une chose à garder en tête, c’est qu’à trop redouter d’être mis sur la touche, on s’y place soi-même. Attention donc aux prophéties auto-réalisatrices. Il n’est pas plus utile de jouer à celui qui a déjà tout fait et tout vu. Même après 15 ou 20 ans d’expérience, on ne sait pas tout faire. Ce conseil est d’autant plus porteur que la critique envers le management actuel est rarement porteuse. Après tout, surtout si vous n’êtes pas dans un poste dirigeant, l’avenir sur le long terme de l’entreprise n’est pas de votre ressort.

On ravale donc aigreur et attitudes désabusées et on se replonge plutôt dans les règles tacites des organisations. Bien comprendre les rouages de la compagnie et accepter un peu de compétition permet mieux que le reste de faire son chemin et de grimper dans la hiérarchie même si on a dépassé les 45 ans. Il est tout aussi important de ne pas perdre de vue que les promotions ou le fait de ne pas en avoir ne dépend pas forcément du fait « d’avoir fait le job ». Les entreprises récompensent en effet plus la loyauté que la performance. Rien ne sert donc forcément d’être le meilleur ou de finir à pas d’heure. Pour éviter d’être trop affecté par des changements, il faut essayer de ne pas en faire une affaire personnelle.

Enfin, même si ça manque probablement de panache, faire ce qu’on vous demande (si le management reste rationnel) et apparaître comme un pilier sur lequel on peut compter, peut ouvrir la voie vers une promotion ou une augmentation.

Attention toutefois à ne pas tomber dans l’excès inverse. Soit à vouloir tout faire ou tout accepter pour prouver l’on a autant d’énergie qu’un trentenaire.  Ce n’est pas le cas et le risque d’épuisement est réel.

Doit-on mentir sur son âge ?
Mentir sur son âge n’est pas une bonne idée. « Non seulement cela peut avoir des conséquences juridiques et éthiques, mais les recruteurs sont souvent capables de repérer des incohérences dans un CV. La meilleure approche est de se concentrer sur l’expérience et les compétences, de mettre en avant la valeur ajoutée qu’on peut apporter à l’entreprise, et de montrer qu’on reste flexible et prêt à évoluer avec les nouvelles tendances. » précise Anne-Sophie Bialas

Comment adoucir le « deuil » (forcé ou non) d’une carrière ?

Le deuil d’une carrière peut être difficile, surtout s’il s’agit d’une perte forcée. Il faut souvent surmonter des obstacles émotionnels, tels que le deuil de leur carrière passée, et des défis économiques, comme le déménagement ou la réduction temporaire de revenus.

Il existe cependant des solutions pour l’adoucir, voire le surmonter. Il est ainsi important de prendre le temps d’accepter la situation et de vivre le processus de deuil. Rechercher un soutien, que ce soit par le biais de coachs professionnels ou de groupes de soutien pour les personnes en transition de carrière peut être utile.

L’important est de rester optimiste et ouvert aux nouvelles opportunités qui s’offrent. En y ajoutant un soupçon d’humilité et une bonne dose de compréhension des situations et des êtres humains, le processus peut même se révéler valorisant et joyeux.

Dans le cas d’un changement non volontaire, garder son sang-froid est essentiel. Victime du système ou viré par ce que trop vieux n’est pas une job description.

Cette période offre aussi le temps d’identifier de nouvelles passions ou intérêts professionnels/personnels à explorer. La question est donc de définir ce que l’on veut faire de sa vie ou pour employer des termes de développement personnel : il s’agit de trouver son« ikigai », sa « raison de se lever tous les matins avec envie ».

L’une des façons d’y parvenir est de dessiner une rosace avec plusieurs cercles entrelacés. Un cercle pour ce que l’on aime, un autre pourquoi l’on est doué, un troisième pourquoi l’on peut être rémunéré à sa juste valeur et enfin, pour les plus idéalistes, ce dont le monde a besoin. Au croisement de ces cercles, on trouve « sa » profession, voire une vocation.

Passer en indépendant est-ce une solution ?

Sur le plan économique, le basculement vers l’entrepreneuriat est une solution envisagée par plus d’un tiers des salariés concernés toujours selon l’étude Flashs. Cela reflète une quête de liberté et d’indépendance dans un marché du travail perçu comme de plus en plus contraignant. Devenir indépendant peut d’ailleurs être une excellente solution pour les personnes de plus de 45 ans, précise encore Acerta, surtout si elles disposent d’un savoir-faire spécifique ou d’une expertise recherchée. « Le marché belge connaît une forte demande de freelances dans des secteurs comme la gestion de projet, le marketing digital, les ressources humaines, et les technologies. Cependant, l’indépendance comporte aussi des risques, notamment la gestion de la clientèle et des aspects administratifs. Une préparation adéquate est donc essentielle, y compris la création de nouveaux réseaux professionnels.

Le rôle des ressources humaines : valoriser l’expérience plutôt que de pousser les employés vers la sortie

On le constate, le relèvement mécanique de l’âge de départ à la pension n’a qu’un effet partiel sur le maintien au travail des employés plus âgé: seule la moitié des travailleurs concernés environ reste au travail. Ce n’est pas suffisant dans la situation actuelle. Employé et employeur devront donc y mettre du leur si l’on veut garantir le système des pensions.

Comme le précisait Vincent Vandenberghe, économiste du travail, dans nos colonnes, la question du changement d’emploi montre bien combien le problème reste criant: “Les responsables des ressources humaines de grandes entreprises vous disent quasiment tous qu’ils ne recrutent plus de travailleurs passé 50 ans. Les durées de chômage pour ces personnes sont deux fois et demi plus élevées que pour les autres catégories d’âge. Parmi les 500.000 personnes en maladie invalidité, plus de 70% sont des 50 ans et plus. L’intérêt des entreprises reste de les faire partir. Le problème, c’est qu’il n’est guère évident de trouver un autre emploi, ou alors en encaissant une baisse de salaire très élevée”.Et même si la situation s’améliore,sur le plan des ressources humaines, cela montre aussi l’importance de repenser leurs pratiques en ce qui concerne la gestion des talents et de valoriser l’expérience et la maturité des employés « seniors ». Mais aussi d’une gestion proactive des carrières en milieu et fin de parcours. Le soutien institutionnel et des politiques adaptées pourraient jouer un rôle clé pour faciliter ces transitions.

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