Proxistore, la PME belge qui tient tête à Google


C’est un feuilleton judiciaire hors norme qui oppose la start-up belge de pub en ligne Proxistore et le géant de la tech. Un combat juridique qui mêle accusations de violation de brevets, publicité en ligne, soupçons de faux en écriture, affaires pénales, dénigrement et saisie bancaire européenne.
Le thème du feuilleton est clair : c’est le combat d’un David prêt à tout pour en découdre contre un Goliath qu’il accuse de violation de brevets… Et se retrouve emmêlé depuis sept ans dans une série d’affaires croisées et de nouveaux dossiers qui s’ajoutent aux premiers. Retour sur les grandes lignes de l’opposition entre le pot de terre belge et le pot de fer américain.
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1. L’attaque des brevets
Tout commence par un différend sur la propriété intellectuelle. En 2018, alors que Proxistore collabore avec Google pour intégrer ses services, la PME soupçonne le géant américain d’avoir intégré sans autorisation des éléments de ses technologies brevetées. Volontairement ou pas, Google violerait donc la propriété intellectuelle de Proxistore.
La start-up entend faire respecter ses brevets et entame d’abord des négociations avec le géant du Net. Mais les discussions traînent et une première procédure est lancée en 2019 : Proxistore saisit le tribunal de l’entreprise de Bruxelles et obtient une saisie-description, permettant à un expert judiciaire de collecter des preuves chez Google. Tâche qui n’a rien d’évidente puisque le géant international dispose d’entités en Belgique, en Irlande et aux États-Unis.
La saisie prend du temps. Mais avant que l’expert ne rende ses conclusions, Google contre-attaque et bloque l’affaire de violation de brevets. En 2019, le géant saisit le tribunal de l’entreprise de Bruxelles… pour faire annuler les brevets de Proxistore. Une annulation de ces brevets mettrait de facto un terme à l’affaire de violation de brevets. C’est un coup de massue pour la petite entreprise, qui doit mobiliser d’importants moyens juridiques pour faire face à la grande multinationale. Pourtant, en 2021, la justice donne raison à Proxistore et déboute Google. Toutefois, la firme de Mountain View fait directement appel.
Mais en 2023, dans le cadre des conclusions de cette nouvelle procédure, Google utilise un document que la start-up belge considère… comme un faux en écriture. Ni plus ni moins. Elle décide alors de porter plainte, au pénal cette fois ! L’instruction serait toujours en cours au parquet de Bruxelles et des auditions auraient toujours lieu… Néanmoins, cette affaire pénale suspend temporairement l’appel, et donc l’affaire en violation de brevets…
2. Abus de position dominante
Sur un autre front, en France, Proxistore se considère comme victime collatérale d’une affaire d’abus de position dominante. Le 7 juin 2021, l’Autorité de la concurrence française condamne Google à une amende de 220 millions d’euros. Il était reproché au géant du Net de fausser la concurrence dans le secteur de la publicité en ligne (display). Comment ? En favorisant son propre serveur publicitaire (DoubleClick For Publisher) et sa plateforme d’enchères, au détriment des autres acteurs.
Une décision “historique” d’après la présidente de l’Autorité de la concurrence, ouvrant ainsi la voie à des demandes de réparation de la part d’entreprises s’estimant victimes. C’est le cas de Proxistore, qui est très active dans l’Hexagone. La start-up belge de la pub en ligne considère, en effet, que les pratiques d’abus de position dominante de Google lui ont fait perdre d’importants revenus pendant des années. Elle a donc introduit une mise en demeure, en 2024, réclamant une indemnisation substantielle.
Sans dévoiler les montants, il s’agirait d’une demande tournant entre 50 et 200 millions d’euros. L’affaire est en cours, tandis que des actions collectives similaires émergent aux Pays-Bas, en France, en Irlande et aux États-Unis…
3. Coupure brutale et astreinte record
Mais l’affaire la plus médiatisée est aussi la plus récente. Le 1er février 2025, Google coupe brutalement et sans avertissement l’accès de Proxistore à sa plateforme de diffusion publicitaire, un outil central qui permet à Proxistore de publier les pubs de ses clients sur les sites des médias. Impossible, dès lors, de diffuser les campagnes de pas moins de 200 clients, dont de grands noms comme Cora, Burger King, E.Leclerc, Decathlon, Toyota… La PME ne peut absolument plus assurer ses engagements auprès des annonceurs.
Proxistore saisit alors, en urgence, le tribunal de l’entreprise de Nivelles qui, le 7 février, ordonne le rétablissement immédiat du service, sous peine d’une astreinte de 1 million d’euros par heure de blocage. Le compte est réactivé en quatre heures. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Le 12 février, rebelote : nouvelle coupure, cette fois pendant 72 heures. Proxistore agit à nouveau en référé et obtient une ordonnance de saisie conservatoire européenne pour récupérer 76 millions d’euros d’astreinte.
Une procédure très rare, que Google tente désormais de faire annuler. Le géant du Web invoque plusieurs éléments : la compétence du tribunal belge, l’urgence de la mesure… et même le montant de l’astreinte. Comme le veut la procédure, les avocats de Proxistore ont envoyé la saisie conservatoire au ministère de la Justice irlandais… qui n’aurait, au moment d’écrire ces lignes, toujours pas bronché alors qu’il se devait de réagir dans les 24 heures. Raison pour laquelle, en fin de semaine, la PME belge a décidé de saisir la Commission européenne dans le cadre d’une procédure en manquement vis-à-vis de l’Irlande.
4. Faire arrêter le dénigrement
Et visiblement bien décidée à ne plus se laisser faire, la firme belge a, dans la foulée, initié trois nouvelles procédures à l’encontre de Google. Elle a introduit une plainte pour diffamation pénale, une plainte pour dénigrement commercial et une requête en cessation. En cause ? Des déclarations publiques de Google insinuant que Proxistore aurait été coupée pour cause de factures impayées.
Selon Proxistore, c’est faux. Google aurait reconnu le paiement des factures et invoqué, ensuite, une erreur technique pour justifier le blocage. La PME estime que son image a été durablement abîmée, notamment auprès des annonceurs et du marché et compte obtenir réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi.
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