Pourquoi les trains de nuit se font-ils attendre?

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Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

Un train, reliant Bruxelles à Berlin de nuit, est annoncé en mai prochain. Mais l’offre en train-couchettes reste encore très maigre, malgré son retour annoncé. Et malgré des coups de pouce du fédéral.

Un deuxième train de nuit partira de Belgique, à partir du 25 mai, entre Bruxelles et Berlin. La société European Sleeper a annoncé la nouvelle entre Noël et Nouvel An. Il s’ajoute au train Bruxelles-Vienne, opéré par l’opérateur autrichien ÖBB, depuis 2020. L’aide annoncée par le fédéral, fin 2022, n’y est sans doute pas étrangère. Le ministre de la Mobilité (Ecolo), Georges Gilkinet, avait annoncé que les projets de trains de nuit bénéficieraient d’un soutien, pour encourager un transport moins émetteur en CO2. “C’est l’État fédéral qui prendra en charge la redevance d’utilisation de l’infrastructure ferroviaire ainsi que les coûts de l’énergie de traction pour les exploitants” indiquait un communiqué, publié par cabinet du ministre, annonçant l’avant-projet de loi, qui mettra en place ce dispositif.

Pourquoi les trains de nuit se font-ils attendre?
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Les projets de trains de nuit sont nombreux, mais leur concrétisation est encore lente. Malgré l’enthousiasme de son ministre de tutelle, la SNCB se garde bien, pour l’heure, d’annoncer ce type de liaison, sa priorité étant le transport de passagers national.

Arrêt en 2003

La SNCB a abandonné les trains de nuit en 2003. C’est une tendance générale en Europe occidentale : la multiplication des lignes à grande vitesse et celle des vols low cost a rendu les trains de nuit obsolètes. Leur fréquentation avait fondu et le matériel n’était plus vraiment renouvelé.

Aujourd’hui, ce mode de déplacement regagne de l’intérêt, car il constitue une alternative moins émettrice en CO2 que les voyages en avion.

Les 4 raisons d’un retour fort lent

1. Le manque de matériel. Hormis quelques vieilles voitures-lits ou couchettes à moderniser, le parc disponible est minuscule. Il faut le commander, ce qui suppose une surface financière conséquente, et de la patience. Seuls les opérateurs importants, comme ÖBB, commandent du nouveau matériel. C’est très différent de l’aérien où la location d’avions est aisée, créer une compagnie et ouvrir des lignes est assez rapide.

2. Un financement difficile. Les trains de nuit en circulation nationale, comme ceux qui roulent en France, sont subsidiables. Ce n’est pas le cas des trains internationaux. Les recettes doivent couvrir les dépenses, or en train national, elles ne couvrent guère que 25% des coûts. Le prix du ticket moyen en train de nuit international risque d’être cher, surtout que les péages pour utiliser les voies sont parfois très élevés. Il y a cependant des astuces qui utilisent certains réseaux en considérant certains tronçons comme des trajets nationaux. Le ministre Georges Gilkinet estime avoir trouvé une manière d’aider ce type de service en l’exonérant du paiement du péage et de l’électricité sur le territoire belge. C’est en principe conforme aux réglementations européennes puisque tous les opérateurs européens pourront en bénéficier.

3. La demande de confort plus élevée qu’il y a 30 ans. Les trains de nuit d’aujourd’hui ne sont ou ne seront pas ceux d’hier. Il n’est pas certain que les compartiments à 6 couchettes d’hier soient encore populaires, 4 semble plus acceptable par la clientèle actuelle. Même chose pour les sanitaires, qui doivent être améliorés. Cela peut revenir à investir plus par passager et à réduire la capacité des voitures.

4. Une demande réelle incertaine et un manque d’opérateurs solides. La demande réelle est délicate à analyser. Les grands réseaux d’Europe occidentale sont peu intéressés, sauf en Autriche ou en Suède, car les efforts se concentrent sur la grande vitesse et le trafic intérieur. Sur certains trajets, le marché potentiel du train de nuit est incertain, car des trains à grande vitesse desservent déjà fort bien ces trajets. Bruxelles-Marseille ou Bruxelles-Lyon peuvent se faire en TGV sans difficulté, de jour. Notons du reste que rien n’interdit l’ouverture de ligne de nuit. Ce service est ouvert à la concurrence. Tout opérateur remplissant les conditions formelles pour opérer des trains de passagers peut lancer des lignes librement dans l’Union européenne. Si le marché est porteur, il devrait attirer beaucoup de monde, mais ce n’est pas encore le cas. Les réalisations effectives sont encore limitées.

Quelques initiatives politiques européennes ont été prises, mais restent encore modestes. “En juin dernier (2020 ndlr), une déclaration signée par 25 ministres des transports visait à renforcer la compétitivité du marché des trajets en train jusqu’à 800 km, histoire de faire avaler la pilule du renflouement de nombreuses compagnies aériennes, décidé dans tous les pays d’Europe, y compris en Suède, terre du flygskam” écrivait Frédéric de Kemmeter, auteur d’un blog très informé sur le ferroviaire, Mediarail.

Pour plus de précisions sur les trains de nuit, consulter l’excellent site Mediarail

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